Chroniques

L’amour des autres

Peu importe d’où on vient dans le monde, peu importe nos origines, on aime jaser des amours des autres.

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(Montage Noovo Info | Envato)

Dans le grand classeur du potinage planétaire, je crois que le tiroir le plus rempli est celui des amours. Ça déborde. Peu importe d’où on vient dans le monde, peu importe nos origines, on aime jaser des amours des autres. 

Que ce soit les histoires de couples qui nous entourent ou celles des gens connus, ça jase en ti-péché devant la machine à café. Je demeure convaincu que même les extra-terrestres potinent de planète en planète sur qui butine avec qui. C’est universel.

Naturellement, jacasser des amourettes de passage et les coups de foudre de nos stars est aussi savoureux que de dévorer un bol de chips avec une liqueur brune. C’est plus excitant que ceux de notre cousine Natacha. Même si Natacha est la dévergondée de la famille.

Vous n’avez qu’à penser aux fiançailles de Taylor et Travis (même pas besoin de mettre leurs noms de famille. On les connaît, on jase d’eux sans arrêt.) Une robe à fleurs Laura Ashley, une grosse garnotte sul doigt et des photos de couple dans une orgie de fleurs. C’est tout ce que ça prenait pour enflammer la terre entière.

Et plus récemment, un souper dans un resto de Montréal et une photo sur le pont d’un yacht de luxe sur une mer chaude et pif, paf, pouf, c’est la fièvre Trudeau-Perry qui frappe tout le monde. Les Brangelina? Les Branvier? Les Benifer? On leur invente même des noms. Bientôt les Perrydeau?

Même les trolls et les pirates du web font aller leur clavier sur l’idylle de notre ancien premier ministre et la hot and cold Katy. Rendu là, ça ne peut pas toucher plus de monde que ça. Mais qu’est-ce qui nous intéresse tant que ça dans les passions amoureuses des autres? Ça comble notre petit côté voyeur? Ça nous donne l’impression de regarder un film romantique de la chaîne Hallmark en direct? Ce serait un peu comme coller sa face dans la fenêtre du salon de chez un couple naissant et de les regarder se courtiser.

Comme on ne les connaît pas personnellement, on peut se faire aller le jugement sans retenue. Je les trouve chou ensemble. Je n’y crois pas. Ils n’ont pas l’air amoureux. Je suis content pour eux. Il a gagné le jackpot. Ark! La censure a été remisée au placard, c’est un buffet des continents de commentaires qui va dans tous les sens. Et tout ça, entrecoupé de gloussements de jeunes ados. Le love fait rougir des joues.

Est-ce que c’est aussi parce qu’on a l’impression de vivre l’amour par procuration? Parce que notre vie amoureuse est grisâtre? Parce que la routine s’est installée entre nous deux dans notre lit queen? Parce que je suis crissement trop célibataire? Par jalousie? Parce qu’on veut que ça foire et être le premier à crier: je vous l’avais dit moi. Oh que je vous l’avais dit. Parce que dans une certaine mesure, ça valide nos propres choix ou nos parcours?

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Je sais que toutes ces questions sonnent clichés et que ça semble trop évident pour qu’il y ait un lien. Mais peut-être pas. Pas toujours. Je pense que si on se regarde un peu le nombril du cœur, il y a un petit soupçon de notre réalité qui transpire de nos commentaires. Qu’ils soient bons, mauvais ou un mélange des deux.

Probablement aussi parce que l’amour reste la plus belle patente qui nous définit et que de la voir évoluer en direct au bout de notre cellulaire ou autre gadget nous fait du bien. Elle nous rassure dans un monde pas mal brisé.

Sûrement aussi parce que ça donne espoir quand on swipe à droite sur un réseau de rencontre. On se dit : si c’est arrivé à Justin Trudeau, pourquoi pas à moi? Je le mérite, moi itou. C’est quasiment du domaine du renforcement positif.

Bon, je n’ai pas la réponse à tout ça, mais je suis certain d’une chose, c’est que potiner, c’est un de nos sports olympiques. Quand c’est fait dans les règles de l’art et avec respect, c’est de la vitamine C pour donner du pep.

Faites-moi signe, si vous avez du nouveau. Et ne vous inquiétez pas, je suis une tombe.

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