Chroniques

La ministre Duranceau, les boomers et l’empathie

«C’est la ministre des Propriétaires. Et les propriétaires nous tiennent par les couilles.»

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(Montage Noovo Info et La Presse canadienne)

Le cœur de l’affaire, ce qui annihile ou façonne une civilisation, est basé – ou devrait se baser – sur l’empathie. Ça peut paraître mièvre ou sentimentaliste que de parler d’empathie, mais c’est ce qui nous sépare de la barbarie, et soyons sincère, la ligne est de plus en plus mince.

L’empathie devrait être la base de ce qu’on demande dans nos rapports avec les autres. C’est mon exigence première en amour et en amitié, que de me retrouver devant une personne ayant la capacité de comprendre l’autre et d’agir en conséquence.

Si l’empathie est une requête centrale dans les êtres que l’on choisit de côtoyer et d’aimer, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce n’est pas le fondement de ce que l’on recherche chez nos décideurs publics. Ça devrait être la seule question à se poser quand on se présente à l’urne.

Je pensais à l’empathie en regardant aller toute la semaine la ministre de l’Habitation, en entrevue sur la crise du logement, parler de l’importance de bien se présenter devant un propriétaire. Passons rapidement sur le fait que cette affirmation vient remettre le blâme sur le locataire, passons outre aussi le fait que si c’est bel et bien la présentation et l’apparence qui comptent, la subjectivité arbitraire laissée dans les mains du propriétaire cause forcément des choix discriminatoires. Concentrons-nous plutôt sur le manque d’empathie de la ministre.

Pas une fois je n’ai entendu France-Élaine Duranceau s’exprimer avec une once d’empathie pour les milliers de ménages traversant un drame humain et un stress inimaginable, celui de se retrouver sans lieu où vivre.

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Dans ses entrevues, je ne l’ai même pas vue feindre d’éprouver quelque chose comme de la compassion. Ça devrait minimalement être le travail de son équipe, que d’aider la ministre de l’Habitation à avoir l’air humaine, sensible à l’horreur que traversent ces familles.

À regarder la ministre ne même pas prendre la peine de contrefaire une émotion, soit elle ne suit pas ses lignes de presse rédigées par une équipe l’implorant de mieux jouer la comédie, soit – et je pense qu’il faut se rendre à l’évidence – les locataires ne font pas partie de son électorat. C’est la ministre des Propriétaires.

Et les propriétaires nous tiennent par les couilles. Le taux d’inoccupation des logements est en hausse, mais ceux-ci demeurent vacants parce qu’inabordables. Je me demande comment ils en sont arrivés-là. Je me demande sincèrement comment on en vient à laisser s’égrainer son empathie au point de la regarder mourir, comment on préfère jeter des familles dans la rue pour laisser son immeuble inhabité. Je me demande comment on en arrive à laisser des personnes impuissantes abandonner leur animal de compagnie pour ne pas se retrouver sans maison.

Le gouvernement blâme dans un élan de vulgarité, les personnes immigrantes de la crise du logement. Pour moi, la responsabilité se trouve chez ceux ayant fait fortune en faisant l’acquisition d’immeubles entre les deux référendums pour une poignée de change. Ceux qui parlent d’humains en termes de portes. Mais on n’entendra pas le gouvernement vociférer contre ces gens-là parce qu’on ne mord pas la main qui nous nourrit.

Dans l’Histoire, chaque génération a blâmé la suivante pour une flambée d’individualisme et de narcissisme. Celle de nos parents s’enrichissant sur le droit humain et fondamental de se loger, tout ça pour se payer une bonne retraite, sera privée d’un seul luxe, celui d’accuser la jeunesse d’égocentrisme.