Chroniques

François Legault et l’usure du pouvoir

Le leadership du premier ministre québécois commence à être de plus en plus contesté de l’intérieur.

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Le leadership du premier ministre québécois commence à être de plus en plus contesté de l’intérieur. (Montage Noovo Info et La Presse canadienne)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le vernis commence à craquer de partout du côté de la Coalition Avenir Québec.

Le parti était réuni à Gatineau en congrès national il y a quelques jours à peine, sous le slogan «Protéger notre monde». Un slogan qui donne le ton et l’orientation vers laquelle le parti compte se tourner pour la prochaine campagne électorale. Un virage beaucoup plus à droite, nationaliste, où l’on brandit les mêmes bons vieux épouvantails: les prières de rue, l’écriture inclusive, l’immigration, le déclin du français et j’en passe. On connaît la chanson.

La CAQ prend grosso modo la même tangente entreprise par le Parti québécois depuis quelques années, et ce, à n’importe quel prix. Sans égard pour les conséquences d’un tel virage sur la cohésion et le tissu social. Un jeu, ma foi, très dangereux. L’histoire nous a maintes fois montré que lorsque les tentacules de la haine se déchaînent au sein d’une population, il est extrêmement difficile de les remettre en cage. 

C’est que le leadership de François Legault commence à être de plus en plus contesté de l’intérieur. Il faut donc faire diversion.  

Un échiquier politique qui manque de vigueur

Le 18 septembre dernier, la députée Maïté Blanchette Vézina, députée de Rimouski, a décidé de claquer la porte avec éclat pour siéger comme indépendante. Elle a invité fortement son ancien chef, François Legault, à réfléchir à son avenir politique et elle est loin d’être la seule à en penser autant parmi les troupes.

En outre, les intentions de vote envers la CAQ sont à leur plus bas. Un contraste frappant avant les résultats des élections précédentes. À leur entrée à l’Assemblée nationale en 2018, la CAQ avait raflé une majorité historique des sièges et c’était également le cas en 2022. Aujourd’hui, certains analystes prédisent que la CAQ pourrait être rayée de la carte à l’automne 2026.

Visiblement, sous-estimer l’intelligence des Québécoises et des Québécois n’est pas une stratégie payante à long terme. Le pouvoir n’est jamais chose acquise. Comme n’importe quelle relation basée sur la confiance, ça se travaille et ça s’entretient. Les coupures en éducation et le fiasco SAAQclic ont aussi fait mal au parti. Ce faisant, une lutte à deux se dessine entre le Parti libéral du Québec et le Parti québécois lors du prochain scrutin provincial.

Quant à Québec solidaire, le parti est clairement à la recherche d’une nouvelle vision. Elle ne semble pas l’avoir encore trouvée alors que le temps file. Évidemment que les milieux progressistes doivent faire leur autocritique. Toutefois, parler de «gauche radicale» est fallacieux et n’est ni plus ni moins qu’une fabrication populiste de droite.

Si vous voulez vraiment parler d’extrême gauche, je vous invite à revisiter l’histoire du Front de libération du Québec et à en apprendre davantage sur la Crise d’Octobre de 1970.

Faire rêver l’électorat

Oui, l’usure est normale, pour n’importe quel parti politique au pouvoir pendant plusieurs années. De plus, toutes sortes d’impondérables peuvent changer la donne et faire mentir les pronostics des sondeurs les plus expérimentés. Cela étant dit, il va falloir un miracle à la Coalition Avenir Québec pour remonter une pente aussi abrupte en si peu de temps. Beaucoup plus qu’un remaniement ministériel, qui équivaut à un jeu de chaises musicales avec les mêmes joueurs. Beaucoup plus que l’abandon du controversé projet de loi 97 de réforme du régime forestier. 

Pour gagner le cœur des gens, il faut parler avec son cœur et ses tripes. Il faut respecter leur intelligence. Il faut avoir une vision à long terme et de la hauteur. Il faut surtout bâtir, construire plutôt que mener par la négative.

Lancer des petits coups politiques de bas étage envers ceux qui n’ont pas la capacité de riposter (pensons aux enfants au primaire, les immigrants, les personnes de la diversité sexuelle et de genre) n’a jamais redonné du lustre et de l’envergure à un peuple.

Au Québec, ça fait à peu près 20 ans que nous sommes embourbés dans des débats sur l’immigration, la laïcité et le déclin du français, peu importe le parti politique au pouvoir.

Je ne sais pas pour vous, mais c’est profondément triste et ennuyeux de faire du surplace de cette façon, d’être devenu aussi prévisible.

Où est passée l’époque aujourd’hui perdue des leaders politiques qui nous faisaient vibrer?

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