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Le pouvoir, toujours une affaire d’hommes?
Lors des élections municipales de 2021, les femmes représentaient 35,5 % des candidatures. Quatre ans plus tard, nous avons à peine gagné 1 % par rapport à 2021. Quand nous prenons le temps de faire le bilan de la place des femmes en politique, nous avons cette désagréable impression de faire, au mieux, du surplace.
Il y a quelques jours, je suis allée au lancement du livre Pour une féminisation du pouvoir, de Pascale Navarro. 10 ans après le conseil des ministres paritaire de Justin Trudeau «parce que nous sommes en 2015». L’heure est, selon elle, au bilan.
L’autrice perçoit cette période comme porteuse d’un certain engouement pour la place des femmes en politique.
Aujourd’hui, nous sommes plusieurs à sentir cet engouement s’essouffler. Montée de l’extrême droite dans le monde, attaques sur certains droits dans plusieurs pays, notamment juste à côté de chez nous aux États-Unis, et des soubresauts économiques qui font en sorte de reléguer la question des droits des femmes au second rang des priorités.
Le genre, l’identité, le pouvoir, la nature, la culture… ce sont des enjeux qui sont fort complexes et qui provoquent des débats au sein même des mouvements féministes.
Mais quand on regarde des indicateurs comme la parité des candidatures et des élues, le pouvoir réel des femmes dans les cercles de pouvoir et la longévité des carrières politiques féminines, on peut sans doute au moins s’entendre sur une chose: ça n’avance pas très vite!
Pour Pascale Navarro, le patriarcat est au centre de la façon dont la politique et le pouvoir sont construits. Cela le rend plus hostile aux femmes, en quelque sorte. (Je résume grossièrement)
Un autre livre, Le sexe du pouvoir — Politique au féminin : élues et ex-élues brisent le silence de Jocelyne Richer, rapporte des dizaines de témoignages d’élues et anciennes élues de tous les horizons politiques qui l’ont vécu de l’intérieur.
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Pour avoir passé une dizaine d’années sur la colline parlementaire à Québec, il faudrait être aveugle pour ne pas voir les doubles standards et tout ce qu’il reste à faire pour une vraie représentation des femmes (et des autres groupes sous-représentés d’ailleurs) au sein des lieux de pouvoirs. Les femmes ne participent activement à la politique que depuis quelques années, alors que les hommes l’ont dominé pendant des millénaires. On a du pain sur la planche.
Plusieurs identifient la difficile conciliation famille-travail, la partisanerie à outrance et le climat d’intimidation que vivent les élus (hommes et femmes) comme étant les principaux repoussoirs de l’engagement politique féminin.
Les femmes ne sont pas un groupe monolithique, des raisons individuelles peuvent aussi entrer en ligne de compte quand une femme refuse de se lancer ou décide de quitter la politique. Mais il demeure qu’il y a un fil conducteur: il est plus difficile de convaincre une femme de se lancer et les femmes sont plus à risque de ne pas rester. Il faut le nommer, et il serait d’ailleurs temps que davantage d’hommes s’inquiètent de cette situation eux aussi.
Il faut d’abord reconnaître que le moule politique est rigide, et qu’il est fait sur mesure pour les hommes. En même temps, avons-nous été «conditionnées» dès l’enfance pour ne pas nous y adapter?
Comment avancer si on continue constamment de douter de nous, d’avoir peur de risquer, de redouter négocier de bonnes conditions de travail, de ne pas attendre de promotion ?
Oui, il faut changer la politique, mais c’est plus profond. Certaines choses ne changeront pas. Au risque de vous décevoir, la politique ne peut être composée que de discussions gentilles et transpartisanes. On doit aussi apprendre à normaliser le conflit, le risque et la critique.
Pourquoi dit-on aux petites filles ambitieuses ou battantes qu’elles sont bossy, qu’elles ont «mauvais caractère», alors qu’on ne dirait jamais ça à un petit garçon? Intéresse-t-on les jeunes filles à la politique?
Deux mouvements doivent s’accorder et avancer de concert: revoir le moule rigide de la politique et revoir le moule rigide de la féminité. Pour que davantage de personnes s’y retrouvent et que la politique puisse être plus représentative des gens qu’elle représente.
Dans un contexte où nos droits et notre avancement sont menacés, les féministes doivent se solidariser, selon Pascale Navarro. On doit cesser de taper sur la tête de l’autre, cette «mauvaise féministe», celle qui n’a pas exactement la même approche que soi, et on doit choisir nos combats et être stratégiques.
C’est normal après tout que nous ne chantions pas toutes exactement la même chanson. Nous sommes 50 % de la population! Jamais un si grand groupe ne sera homogène. Mais nous avons plusieurs intérêts communs convergents… priorisons cela ensemble. Les forces qui s’attaquent aux femmes le savent bien : nous diviser leur permet de mieux régner.
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