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Et on dit aimer nos enfants…

Les droits des enfants sont fragiles.

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(Montage Noovo Info et banque d'images Envato)

Est-ce que le Québec aime ses enfants? En cette Journée mondiale de l’enfance, la question se pose. Pauvreté, insécurité alimentaire, déscolarisation, maltraitance, précarité des logements, maladies infantiles… Non seulement leurs droits sont menacés, mais leur développement est compromis. Et personne ne bouge.

Créée en 1989 par l’Unicef, la Convention des droits de l’enfant encadre certaines règles de base touchant les enfants : le droit à la santé, au bien-être, à la protection, à l’éducation, à la non-discrimination, le droit de jouer aussi.

Tous ces droits fondamentaux sont plus bafoués plus que jamais, selon l’Unicef et l’OMS.

Dans un rapport accablant de 2024, l’Unicef révèle que près d’un enfant sur cinq, dans le monde, vit dans une zone de conflits. Non seulement leur vie est menacée, mais leurs droits de protection, de santé, d’éducation sont inexistants.

La liste des injustices qui touchent les enfants, sur la planète, est longue. Exploités au travail, violentés, abandonnés, sans ressources, anéantis par des problèmes de santé mentale et de pauvreté (412 millions d’enfants vivent avec moins de 4,25 $ par jour), les enfants sont victimes de violation grave. Selon l’ONU, 33 000 cas, concernant près de 23 000 enfants, ont été examinés en 2023.

C’est le chiffre le plus élevé depuis dix ans. La compilation de 2024 en cours s’annonce encore plus sombre : on parle d’une hausse de 25 %.

On ne peut donc pas dire que ce soit théorique ou symbolique : les droits des enfants sont fragiles. C’est concret — et c’est en croissance.

Dérives de la Loi 2

La situation n’est pas plus rose ici. Certes, on ne vit pas sous les bombes, mais je suis toujours étonnée quand on dit que chez nous, on aime nos enfants et qu’on supporte les familles.

Qui ça ? Où ça ?

Ce n’est pas en tout cas ce que pensent les pédiatres, qui sont pourtant les spécialistes de la santé et de la sécurité des tout-petits. Ils ont récemment manifesté pour s’opposer à la Loi 2, adoptée sous bâillon le 25 octobre, qui vise à « réformer » le travail des médecins.

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Selon les pédiatres, les enfants ne font pas partie des priorités du gouvernement. Celui-ci ferait une bien mauvaise lecture de l’état de la situation et de leur vulnérabilité, clament-ils. Ils dénoncent le manque de ressources (30 % des nouveau-nés n’ont pas de médecin de famille), le manque de prévention et de suivi, entre autres.

Et la fameuse loi spéciale vient aggraver tout cela, martèlent-ils.

La faim et la maltraitance

On aime nos enfants ? On aime nos enfants, mais ils ont faim. Une famille sur cinq où il y a au moins un tout-petit vit en situation d’insécurité alimentaire 1.

On aime nos enfants, mais leurs conditions de vie sont compromises : au Québec, près de 25 % des familles vivent dans un logement inacceptable, cela va de l’insalubrité à un niveau d’inconfort moins sévère (selon le même rapport). Qu’en est-il alors du bien-être de l’enfant, dites-moi ?

On aime nos enfants, mais les signalements à la DPJ sont à la hausse (5 % de plus pour la période 2024-2025 que la précédente 2) — et les dossiers ne sont pas toujours traités rapidement ou efficacement. Les frasques de la DPJ font régulièrement les manchettes, particulièrement depuis l’histoire d’horreur de la fillette de Granby et la pandémie.

Et leur développement ?

Au moins, récemment, à la suite des recommandations de la commission Laurent, Québec a nommé une première commissaire au bien-être et aux droits des enfants, Marie-Eve Brunet Kitchen. On a hâte de voir ce qui sera déployé et mis en œuvre. Elle a été nommée en avril, il y a plus de sept mois.

On aime nos enfants, mais on ne leur offre pas assez de places en garderie. Alors qu’on parlait d’un déficit de 9220 places en 2023, ce chiffre atteignait 9810 en 2024 (toujours selon le rapport de l’Observatoire 2024)…

On n’avance pas, on recule !

On le sait : les services de garde représentent un filet de sécurité pour assurer le développement adéquat des enfants. Qui sont pénalisés par le manque de places ? Les plus vulnérables.

Et encore, encore, on ne valorise pas suffisamment le travail des éducatrices, des enseignantes au primaire, des spécialistes.

Laissés derrière

Qu’on cesse de dire qu’on aime nos enfants ou qu’on veille au bien-être des parents. Ils sont isolés, à bout de souffle, à la course, essayant de joindre les deux bouts.

La Journée mondiale de l’enfance nous rappelle à quel point les enfants sont les grands oubliés de nos sociétés modernes, productives, performantes. Si on les aime pour vrai, on devrait les protéger, les nourrir, leur offrir un futur digne de ce nom.

Tout le reste, pour le moment, c’est du vent.

1. Source : Portrait de l’Observatoire des tout-petits, 2024

2. Source : Bilan de la DPJ 2024-2025

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