Chroniques

Bouder ou pas la lieutenante-gouverneure du Québec?

Son premier rôle officiel est de «représenter le roi au Québec».

Mis à jour

Publié

(La Presse canadienne)

Le Parti québécois et Québec solidaire n’ont pas manqué de respect en quittant cordialement le salon Rouge, sans tambour ni trompette, plutôt que d’applaudir la représentante de la monarchie britannique.

Le gouvernement de François Legault espère repartir à neuf avec la nouvelle session parlementaire qui s’est ouverte mardi avec un «discours du Trône» énonçant les grandes priorités du gouvernement. Comme le veut la tradition, le discours de premier ministre a été précédé par une allocution de la lieutenante-gouverneure du Québec, Manon Jeannotte.

Les députés du PQ et QS ont décidé de quitter le salon Rouge durant l’allocution de la lieutenante-gouverneure. Leur motivation: protester contre la monarchie britannique, incarnée par Manon Jeannotte qui représente Sa Majesté le roi Charles III.

Une critique hypocrite

Le député libéral André Morin a critiqué, à chaud, le geste de protestation du PQ et de QS parce qu’il s’agirait d’un manque de respect considérant que la lieutenante-gouverneure est issue des Premières Nations et que l’événement avait lieu en pleine Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Mais pensons-y un instant - comme auraient dû le faire, par ailleurs, le député libéral, et sa cheffe, qui a repris sa critique.

À VOIR AUSSI | Discours d'ouverture: «on sent le virage à droite» de la CAQ

La lieutenante-gouverneure incarne la monarchie britannique et le colonialisme. Son premier rôle officiel est de «représenter le roi au Québec».

Les Québécois sont fortement contre la monarchie britannique.

Plutôt que d’instrumentaliser l’identité de la lieutenante-gouverneure lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, on peut plutôt se demander: n’est-ce pas la moindre des choses que de quitter cordialement la salle, sans tambour ni trompette, plutôt que d’applaudir la représentante du régime colonial?

Le rôle des symboles

On pourrait répondre que la fonction de lieutenant-gouverneur n’est que symbolique. Qu’il s’agit d’un archaïsme désuet et que l’on fait avec simplement pour se conformer aux exigences constitutionnelles du Canada.

Mais ce n’est pas si simple.

Premièrement, certains lieutenants-gouverneurs peuvent croire, à tort, qu’ils sont investis de pouvoirs législatifs clés. C’est le cas de Michel Doyon, ancien lieutenant-gouverneur du Québec, qui mentionnait en 2015 que ses pouvoirs étaient «tout sauf symboliques» et qu’il avait notamment le pouvoir de ne pas sanctionner une «loi antidémocratique».

Deuxièmement, même si la fonction n’était que symbolique, ce n’est pas un argument en soi. En politique, comme dans la plupart des domaines, les symboles sont très importants. Dans ce cas-ci, le symbole incarne l’héritage monarchique et le colonialisme.

Un geste qui aurait dû être consensuel

Les partis indépendantistes n’ont pas le monopole de la vertu et ne sont pas les seuls à être contre les institutions incarnant la monarchie et l’héritage colonial. En fait, tous les partis ont voté en faveur d’une motion voulant que «l’Assemblée nationale convienne d’abolir le lien entre l’État du Québec et la monarchie britannique» en mai dernier.

Considérant le symbole qu’incarne la lieutenante-gouverneure et les positions passées de tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, on voit mal comment les libéraux et la Coalition avenir Québec peuvent être surpris du geste de protestation du PQ et de QS.

Le François Legault de 2015 n’aurait pu être plus clair: dans le «Nouveau projet pour les nationalistes du Québec », texte qui a joué un rôle crucial dans son élection en 2018, on peut lire que le Canada doit être réformé pour «évacuer certains legs d’une autre époque» et que la fonction de lieutenant-gouverneur devrait être abolie.

François Legault a mentionné, durant son discours du Trône, qu’il présentera un projet de constitution du Québec. Ce sera l’occasion pour lui de clarifier comment il entend faire en sorte, concrètement, que le Québec coupe son lien avec la monarchie. 

Pour recevoir toutes les chroniques de Jean-François Daoust, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.

Jean-François Daoust

Jean-François Daoust

Opens in new window

Professeur de science politique