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L’annonce, je dois bien l’admettre, m’avait pris de court: Vincent Marissal à Québec solidaire?

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(Montage Noovo Info et La Presse canadienne)

L’annonce, je dois bien l’admettre, m’avait pris de court: Vincent Marissal à Québec solidaire? Ce n’était pas sur ma carte bingo, disons, ni sur celle de personne, le principal intéressé au premier chef. Parce que pour avoir assidûment côtoyé ce dernier pendant un certain temps — les liens s’étant distendus depuis une décennie — jamais il n’avait été possible de constater un quelconque intérêt pour la gauche classique, encore moins pour l’indépendance.

Je peinais ainsi, comme beaucoup d’autres, à imaginer ce fédéraliste-centriste s’obstiner, un beau samedi matin, avec la base militante solidaire. Un oxymore de l’esprit, pour tout dire. Surtout qu’il était su, dans le milieu politico-médiatique, que Marissal venait de se négocier, auprès des instances du Parti libéral du Canada, un comté sûr, d’abord Outremont, ensuite St-Laurent. Échec dans les deux cas, ce qui mena l’ex-chroniqueur à proposer ses talents à titre de directeur des communications du premier ministre Trudeau. Nouvelle rebuffade.

Poursuivant son magasinage, et pistonné par Françoise David, caution morale de la formation, il trouve alors preneur auprès de Nadeau-Dubois et sa troupe. Lors de la conférence de presse, GND annonce candidement la surprise éprouvée lors de l’approche par Marissal, ce dernier «ne figurant pas sur la liste des candidats que l’on croyait potentiels, pour QS». Et pour cause. Sa nouvelle prise ne venait-elle pas, peu avant, d’opinionner à CBC que la «souveraineté était un projet du passé»?

Parlant de surprise, la bonne devait ipso facto faire place à la mauvaise : les langues maintenant déliées, les dirigeants solidaires, à l’instar du public, apprennent les tentatives de séduction de leur recrue auprès des autorités libérales fédérales. Niant d’abord, poussant le culot à la véhémence, Marissal devra rapidement admettre son mensonge. Pas optimal, côté relation de confiance, on l’admettra.

Et reste, au-delà du subterfuge, le fond: comment peut-on vouloir devenir un joueur important d’un gouvernement trudeauiste et fantasmer, simultanément, d’indépendance ?

Marissal veut passer au PQ!!

Si l’incrédulité face à l’annonce de 2018 était spectaculaire, celle-ci vient de s’autocatapulter.

Parce que mes sources au caucus solidaire sont unanimes: personne n’était plus défavorable à l’indépendance que leur ex-collègue.

Personne, non plus, n’était autant en cabale contre la Loi 21, pierre angulaire de l’argumentaire péquiste, ce dernier souhaitant même l’instaurer aux élèves et à l’ensemble du personnel scolaire.

Contre l’usage de la disposition dérogatoire.

Contre les politiques identitaires.

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Contre les sorties de PSPP associant l’immigration avec la plupart des problèmes sociétaux.

Contre les déclarations du chef du PQ relatives aux wokes, Marissal qualifiant celles-ci d’obsessions.

S’il est loisible à tout un chacun de changer d’idées, reste que les échos obtenus du caucus solidaire sont indubitablement crédibles.

Parce que si le transfuge potentiel était tant en faveur de l’indépendance, pourquoi ne pas avoir appuyé, lors de la course au co-porte-parolat, un Zanetti plutôt qu’un Grandmont, lequel n’en dit jamais un mot ?

Parce que tous les écrits de Marissal sur la défunte Charte des valeurs, ancêtre de la Loi 21, sont d’une limpidité absolue : voilà la meilleure manière de déchirer le tissu social québécois. Me souviens même d’un débat, à Bazzo.TV, où il défendait le port de la burqa dans l’espace public (je le sais, j’y étais).

Parce que ce sont justement les réflexes identitaires post-Bouchard-Taylor qui l’avaient poussé dans les bras du trudeauisme, sinon de Trudeau tout court.

Morale de l’affaire?

Que Vincent Marissal en ait marre de Québec solidaire, rien d’étonnant là-dedans, le mariage ayant été consommé sous de fausses représentations, celles d’une candidature volage à la recherche d’une piste d’atterrissage.

Que ce n’est pas le PQ qui l’intéresse autant que son actuelle posture dans les sondages!

Ce qui étonne toutefois, voire détonne, est l’audace de celui qui, malgré s’être fait coincer les doigts à même la porte de la probité idéologique, retente aujourd’hui le même coup, au grand jour.

Quant au sort réservé au néo-transfuge par le PQ, pariez un vieux deux sur l’échec de la manœuvre, la (solide) candidature de Pierre-Luc Brillant — militant convaincu et convainquant — étant préférée à l’interne, tant dans l’association de Rosemont que chez les proches du chef, le nouveau président du parti, Jerry Beaudoin, ayant œuvré en 2022 comme organisateur en chef de Brillant.

La question qui tue, d’ailleurs: quel intérêt de s’encombrer du candidat aux mille casseroles? À moins de souhaiter se dépatouiller pendant l’ensemble de la campagne à faire croire à ses nouvelles convictions, aucun.

Le plus triste de l’affaire? Son épaisse couche de cynisme, confortant d’aucuns dans leur certitude: la politique se veut d’abord une sinistre plaisanterie, là où il est loisible de troquer conviction pour rémunération, jusqu’à épuisement des partis, au propre comme au figuré.

On mérite mieux.

Nos démocraties, aussi. 

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