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Quatre mois après son ouverture, Noovo Info a visité les lieux.
Géré par l’organisme L’Anonyme, l’immeuble situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve a des allures d’un bâtiment résidentiel neuf. Pour ceux qui ne connaissent pas le secteur, rien ne laisse croire que l’expression crackhouse était autrefois associée à l’endroit en raison de son insalubrité et des activités illicites qui s’y déroulaient.
Ravagé par un incendie en 2018 et rénové l’an dernier grâce à financement de plus de 4 millions $ des paliers municipal et fédéral, le bâtiment abrite maintenant une communauté d’une quinzaine de résidents.
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Au 3629, personne n’a le profil «idéal» pour obtenir une place dans un logement social «traditionnel». Certains sont toxicomanes, d’autres vivent avec de sérieux problèmes de santé mentale.
«Moins tu as de chance d’avoir un logement dans un autre immeuble que le nôtre, plus tu as de chance de venir ici», résume Julien Montreuil de L’Anonyme.
François fait partie de la première cohorte de locataires à avoir emménagé dans l’une des 14 petites chambres de l’établissement. Il a signé son bail en décembre dernier, après avoir fui un milieu violent.
«Le 3629, pour moi, ça a été une chance de m’installer quelque part sans subir la stigmatisation de mes voisins », mentionne-t-il d’emblée.
Dans son studio de quelques mètres carrés, l’espace commence déjà à manquer. Le féru d’informatique collectionne les écrans et les serveurs d’ordinateur. Des jeux de société débordent d’une petite étagère située dans le coin de la pièce. Son chat est terré sous le lit.
En ouvrant la porte de son logement, François ne le cache pas, il mentionne d’emblée la seringue laissée sur son bureau.
Au sein de cette communauté plutôt atypique, il assure se sentir «en sécurité» dans ce logement. Des trousses de naloxone sont disponibles sur chaque étage, en cas de surdose.
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Même s’il n’y a pas d’intervenant présent sur les lieux en tout temps, ils ne sont jamais bien loin. François s’est aussi tissé des liens d’amitié avec ses voisins de chambre.
«Ici, mon mode de vie n’est pas jugé. Je peux continuer mes traitements sans avoir à me cacher, sans avoir à subir la pression de l’entourage ou le jugement de la société, explique le jeune trentenaire. Entre résidents, on a des défis semblables et on est en mesure de s’entraider.»
Le regard fuyant vers le sol, le Montréalais se désole d’entendre les préjugés que certains accolent déjà au projet.
«C’est totalement ridicule l’image que certains médias en ont faite, sans venir voir qui on était, sans venir nous parler, dit-il avec amertume. On nous a collé une image, ce qui nous a occasionné beaucoup de problèmes. C’est difficile après cela d’expliquer à tout le monde ce qui est vrai ou faux.»
Pour prouver à ses détracteurs qu’ils ont tort, François espère voir apparaître d’autres initiatives similaires, car — pour lui — ça a fait toute la différence.
«On est un peu le laboratoire. Ce que peuvent devenir des logements sociaux de ce type-là qui donnent, pour vrai, un méchant gros coup de pouce.»
Lors de la visite de Noovo Info, en milieu de journée, le calme régnait dans les corridors du 3629. La cuisine collective était bien rangée, la salle de bain commune fraîchement nettoyée. Une boîte pour les seringues souillées y a été déposée.
Au 3e étage, quelques dégâts mineurs étaient visibles en raison «d’un incident» survenu la veille.
«L’objectif principal était de loger 16 personnes qui auraient de la difficulté à se trouver un lieu où vivre. L'objectif a été accompli, lance Julien Montreuil. Ces personnes ont désormais un toit au-dessus de la tête, donc au niveau des déterminants de santé, c’est majeur.»
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«Pour certains, cela a été un tremplin. Ils ont fait quelques mois ici pour ensuite se trouver un endroit plus en adéquation avec leurs besoins, ajoute-t-il. Il y a de belles histoires. Certains résidents continuent à améliorer leur qualité de vie et cela fait partie de notre mandat.»
Depuis le début du projet, tel un mantra, le directeur adjoint répète les trois et uniques règles auxquelles doivent se plier les locataires.
«Tu paies ton loyer. Tu gardes l’endroit salubre. Tu respectes la quiétude des lieux», martèle-t-il une nouvelle fois.
«Il faut mettre les choses au clair. On n’a jamais dit qu’on autorisait ou non la consommation. On ne veut pas aller là-dedans. Ce que les gens font chez eux, ça leur appartient», tient-il à préciser.
Qualifiant de «succès» les premiers mois du projet, Julien Montreuil concède néanmoins qu'il y a eu des obstacles et que certains ajustements sont à venir. Une nouvelle employée entrera bientôt en poste pour assurer un meilleur encadrement du projet.
«On s’attendait à ce qu’il y ait des enjeux liés à la consommation ou le respect des lieux. Pour être franc avec vous, ces enjeux sont moins grands que ceux à quoi je m’attendais [...] Pour moi, ça se passe plutôt bien», assure-t-il.
L’application des trois règlements se fera aussi de manière plus stricte dans le futur. Certains résidents risquent d’ailleurs probablement de quitter les lieux.
Pour les plus récentes nouvelles touchant le grand Montréal, consultez le Noovo Info.
À l’approche du temps plus chaud, le «vrai défi de cohabitation» se pointe à l’horizon. Une rencontre avec les citoyens du quartier est prévue au moins de juin.
«Les fenêtres vont commencer à ouvrir. Il pourrait y avoir des enjeux avec le voisinage, admet-il. On est prêt à y répondre en collaboration avec les différents acteurs du secteur pour s’assurer d’une cohabitation harmonieuse.»
Croit-il toujours à la viabilité du projet? Julien Montreuil répond avec confiance : «Je n’ai aucune raison que cela ne peut se faire.»
Depuis l’inauguration du projet, est-ce que des plaintes ont été déposées à la police? Des interventions des forces de l’ordre sont-elles parfois nécessaires?
Si c’est le cas, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne souhaite pas commenter.
Par courriel, le SPVM répond simplement effectuer du «travail actif» dans le secteur, sans plus de détails, qualifiant ce type de dossier de «confidentiel».
Quelques voisins, interrogés par Noovo Info, ont indiqué n’avoir jamais eu de problème avec les locataires du 3629.
Voyez le reportage complet de notre journaliste Louis-Philippe Bourdeau.