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Un temple sikh a été transformé en banque alimentaire. Ma visite m’a menée dans un appartement où quatre familles sont entassées avec une seule chambre de bain remplie de moisissures. Un poupon de quelques jours y vit.
À mon arrivée sur la rue Saint-Roch vers 9h30, je cogne au marché Janta qui s’affiche comme une épicerie pakistanaise et indienne. Le propriétaire m’explique qu’il est arrivé au pays depuis 32 ans. Je lui demande si la file dont tout le monde parle l’impressionne.
Il me répond en anglais qu'«il y a pire». Les clients tentent de lui voler de la nourriture comme jamais. Une vingtaine de personnes chaque jour lui demandent un emploi.
«I trust you», il insiste alors pour qu’on traverse de l’autre côté de la rue pour constater l’ampleur de la crise dans un temple sikh.
J’enlève mes chaussures et mes bas, une dame vient couvrir mes cheveux d’un tissu. Des dizaines de personnes mangent. L’épicier me guide jusqu’au responsable disant en hindi que la banque alimentaire ouvre tôt le matin jusqu’au soir et que 250 personnes s’y refugent chaque jour.
J'aperçois alors une famille avec un ado de 14 ans, un petit de 7 ans et leur maman. Le jeune parle anglais et me raconte qu’ils ont immigré de l’Inde il y a une semaine. Ce sont des réfugiés qui n'arrivent pas à trouver un emploi ou un appartement.
L’adolescent semble désemparé. «Nous partageons un endroit avec une autre famille qui a aussi des difficultés», a-t-il confié. Je vois des hommes déballer une livraison d’épices. Des cuisinières au fond de la pièce semblent débordées.
Alors que je remets mes chaussures, Pawinder, une femme dans la quarantaine qui quitté l’Inde pour Montréal il y a 22 ans, m’offre son aide.
En anglais, elle me demande d’embarquer dans sa voiture. «Je vais t’emmener ailleurs», me dit-elle. Un peu nerveuse puisque je suis seule avec mon cellulaire et mon micro, j’accepte de la suivre. Elle me guide vers un autre temple. En discutant sur la route, elle m’apprend qu’une famille est arrivée il y a peu de temps et qu’elle vit en groupe dans un appartement, où un bébé vient de naître.
Nous roulons sur Jarry et elle s’arrête. Dehors sur le balcon du deuxième étage, deux hommes nous saluent. À mon entrée dans le logement je découvre quatre familles, une famille par chambre.
Dix personnes vivent ici et l’unique salle de bain est tout simplement dégoûtante.
Un jeune papa dans la trentaine m’ouvre la porte de leur chambre où se trouve une fillette, sa mère et un poupon. Pawinder m’explique qu’elle est partie d’Inde il y a trois semaines alors qu'elle était enceinte. Et elle vient d’accoucher à l’Hôpital général juif. Ils n’ont rien… seulement un lit pour le bébé et un matelas pour le couple. La petite est sur le sol.
Le groupe dit payer 930$ par mois et que c’est beaucoup trop cher pour eux. «Si j’avais le gouvernement canadien devant moi je lui rappellerais que nous sommes ici comme réfugiés. Nous devrions payer moins cher pour notre loyer. Les gens nous demandent beaucoup trop d’argent, c’est insultant!»
Selon l’épicier rencontré au départ, les immigrants sont de plus en plus déçus lorsqu’ils entrent au Canada.
«C’est pire qu’avant. Les gens se trouvent stupides d’avoir cru au rêve qu’on leur a vendu.»
Un sondage Léger révèle d’ailleurs aujourd’hui que 84% des immigrants trouvent que vivre au Canada est plus cher que prévu. Je quitte les lieux en gardant en tête l’image de la petite de 2 ou 3 ans couchée sur le matelas avec le I-phone de sa maman. «Hello», m’a-t-elle lancé.
Hello belle enfant , bonne chance…
Voyez le reportage de Véronique Dubé dans la vidéo.