Début du contenu principal.
Noovo Info a fait le test et s’est rendu en une vingtaine de minutes sur différents sites proposant des cartes de crédit volées contre une centaine de dollars. Par exemple, pour 80$, il était possible de se procurer une carte de crédit avec un montant de 1595$ disponible. Une autre carte avec une balance de 54 000$ était également disponible, pour un prix de 2 700$.
Les paiements peuvent ensuite se faire par bitcoins dans les heures qui suivent la sélection de la carte désirée. Certains rabais sont même offerts à l’achat d’un lot. «Les gens vont les acheter par dizaines ou par centaines», confirme Benoît Dupont, professeur de criminologie et titulaire de la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité à l'Université de Montréal.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’effectue pas de surveillance de façon permanente sur internet. «Notre module Cyberenquête vient en soutien aux unités dans les enquêtes impliquant des éléments de technologie tels que les réseaux sociaux, Internet ou les applications mobiles», a mentionné par courriel sa porte-parole Caroline Labelle.
Ces cartes seront surtout utilisées pour commander des biens de valeur en ligne, comme de l’électronique. «Ils vont aussi utiliser ces numéros pour souscrire à des services qu'ils vont essayer de revendre», dit M. Dupont.
D’autres encore tenteront de cloner les cartes avec les identifiants qu’ils ont achetés pour retirer de l’argent à l’étranger.
Au moment de la livraison, les fraudeurs n’utilisent pas leur adresse personnelle afin d’éviter de se faire repérer. «Généralement, ils utilisent ce qu'on appelle des drops points», indique Sylvain Paquette, fondateur de l'Académie de formation et de prévention de la fraude.
Les colis peuvent par exemple être livrés à une unité inexistante d’un bloc appartement, à une maison inhabitée ou à une boîte postale privée, énumère-t-il.
Le phénomène existe sur Internet depuis plusieurs années, mais s’est récemment transporté sur le dark web.
«Ça a basculé vers le dark web parce que ça permet à ces sites-là d'être plus difficiles à démanteler», avance Benoît Dupont.
Selon Statistique Canada, un Canadien sur six a été victime de fraude. L’agence fédérale, qui a publié en juillet les résultats d’une enquête réalisée en 2019, a constaté que le nombre de victimes de fraude était plus élevé que le nombre de victimes de tous les crimes violents réunis.
En 2022, le Centre antifraude du Canada a reçu des signalements de fraude et de cybercriminalité totalisant des pertes de 530 millions de dollars pour les victimes. Il s'agit d'une augmentation de près de 40 % par rapport aux pertes signalées en 2021.
Sylvain Paquette rappelle que les données du Centre antifraude ne reflètent que 5% de la réalité. Il souligne que la plupart des transactions ne font pas l’objet d’une plainte à la police «parce que l’institution financière va tout simplement annuler la carte, en envoyer une nouvelle aux consommateurs».
Avec des stratagèmes aussi simples, la fraude est-elle devenue accessible à tous? Pas aux yeux de M. Dupont.
«Il faut quand même un certain talent, une certaine imagination et un certain degré d'effort pour pouvoir mener des fraudes. Mais c'est certain que les barrières d'entrée pour pouvoir mener certaines de ces fraudes sont abaissées», concède-t-il.
De son côté, M. Paquette rappelle qu’il s’agit tout de même d’un crime passible d’accusation. Au Canada, une fraude de plus de 5 000$ est passible d’une sentence maximale de 14 ans de prison.
Quelques mesures peuvent aider à se protéger contre le vol de nos informations personnelles, même s’il est très difficile d’éviter les fuites.
«Il n'y a pas grand-chose malheureusement qu'on puisse faire parce qu'une fois qu'on a donné notre carte pour effectuer un paiement à un commerçant, que ce soit de façon physique ou en ligne, on n'a plus le contrôle sur l'information qui est transcrite sur les systèmes informatiques de ces commerces», souligne d’emblée M. Dupont.
Il est toutefois possible de programmer des notifications instantanées par courriel ou par SMS à chacune des transactions effectuées. Dès qu'on voit apparaître une transaction que nous n'avons pas initiée, il est ainsi possible d’entrer immédiatement en communication avec notre institution financière. La carte pourra être rapidement bloquée.
M. Paquette mentionne également qu’un portefeuille RFDI, conçu avec un matériau capable d'interférer avec les ondes radio, peut aider. «Il faut se méfier des sites d'hameçonnage et ne pas donner nos renseignements de carte de crédit à tout vent. Il y a des gens qui se font prendre très facilement sur l'urgence, sur le sentiment qu'il faut agir vite», précise-t-il.