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La porte-parole d'Affaires mondiales Canada, Marilyne Guèvremont, a déclaré dans un courriel qu'il s'agissait d'une «visite privée, et non officielle».
Le projet d'un ministre du cabinet israélien de se rendre au Canada la semaine prochaine intervient au milieu d'une relation déjà turbulente entre Ottawa et le gouvernement d'extrême droite de ce pays — et c'est un voyage qui ne respecte pas les normes diplomatiques, selon certains experts.
Le ministre des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, doit prendre la parole dans un collège chrétien privé près de Toronto la semaine prochaine et assister à une célébration du 75e anniversaire de l'État d'Israël sur la colline du Parlement, organisée par un groupe non officiel de députés.
La porte-parole d'Affaires mondiales Canada, Marilyne Guèvremont, a déclaré dans un courriel qu'il s'agissait d'une «visite privée, et non officielle».
«Comme il est de coutume pour les dignitaires étrangers, des courtoisies protocolaires limitées seront mises en place», a expliqué Mme Guèvremont.
Mais le voyage n'a pas été organisé par les voies diplomatiques officielles, ce qui, selon deux experts du protocole, le rend «inhabituel» et crée un risque d'incidents qui pourraient embarrasser les gouvernements canadien et israélien.
«Le potentiel d'embarras, c'est si quelque chose se passe, s'il y a un incident», a affirmé Colin Robertson, ancien diplomate canadien et vice-président de l'Institut canadien des affaires mondiales.
La visite prévue de M. Chikli a été révélée par une enquête du journal israélien Haaretz, qui a rapporté que le gouvernement libéral fédéral a appris la visite pour la première fois lorsque la députée conservatrice Leslyn Lewis a invité tous les députés par courriel à un événement sur la Colline.
Mme Lewis dirige le Caucus parlementaire canadien des alliés d'Israël, un groupe non officiel de députés majoritairement chrétiens qui plaide pour que la capitale d'Israël soit reconnue comme Jérusalem. Le Canada et plusieurs autres pays rejettent cette idée, arguant qu'elle réduit les chances d'une solution à deux États avec les Palestiniens.
Dans un communiqué, Mme Lewis a déclaré qu'elle avait invité M. Chikli à Ottawa après avoir appris qu'il se rendrait déjà à Toronto.
«En tant que chef du Caucus parlementaire canadien des alliés d'Israël, j'ai appris la visite prévue du ministre au Canada et j'ai accueilli favorablement son offre de participer à notre célébration du 75e anniversaire de l'État d'Israël», a-t-elle écrit.
Le député libéral Anthony Housefather, qui dirige le Groupe interparlementaire Canada-Israël, a déclaré avoir entendu parler pour la première fois de la visite de M. Chikli lorsque Mme Lewis a invité tous les députés à cet événement.
M. Housefather dirige un groupe parlementaire officiel différent qui travaille avec Affaires mondiales Canada pour accueillir des dignitaires étrangers et aide à informer les visites officielles canadiennes à l'étranger.
Le journal Haaretz a rapporté qu'Ottawa avait fait part de ses inquiétudes à l'ambassadeur d'Israël au sujet de la visite. Mais l'ambassade d'Israël s'est contentée de dire qu'elle «a parlé et transmis toutes les informations pertinentes concernant la visite avec nos homologues concernés au Parlement et au gouvernement, au fur et à mesure que les informations ont été reçues».
L'ambassade a ajouté qu'elle avait travaillé en étroite collaboration avec des responsables en Israël et des groupes communautaires au Canada pour faciliter une visite productive, qui implique des événements à Montréal et à Toronto qui sont toujours en cours de planification.
Roy Norton, qui a été Chef du Protocole du Canada de 2016 à 2019, a indiqué qu'il était rare qu'un ministre d'un gouvernement étranger prenne la parole lors d'un événement public au Canada sans passer par le Bureau du Protocole.
«Il est un peu incongru que lors d'une visite privée, il soit ici pour s'engager dans des affaires liées à son portefeuille», a déclaré M. Norton.
Colin Robertson a expliqué qu'un ministre de cabinet de n'importe quel pays voyagerait normalement avec un passeport diplomatique et demanderait à son ambassade de prendre des dispositions pour sa visite, à moins qu'il ne soit ici pour des vacances.
Il a ajouté qu'il est « logique » qu'un dignitaire en visite soit en contact avec son ambassade et Affaires mondiales Canada — pour des raisons de sécurité, au moins.
«Vous voudriez savoir qui est ici, et y a-t-il une sorte de menace, et si c'est le cas, alors il y a des précautions à prendre», a-t-il détaillé.
Les libéraux s'inquiètent également du discours de M. Chikli au Canada Christian College, qui est dirigé par Charles McVety, un prédicateur de l'Église évangélique qui a été condamné par la législature de l'Ontario en 2020 pour un langage «extrême et haineux», citant ses commentaires sur les personnes LGBTQ et les musulmans.
Le gouvernement Trudeau accuse les conservateurs de s'aligner sur M. McVety, bien que la députée Leslyn Lewis a déclaré qu'elle n'était pas impliquée dans cette partie de la visite de M. Chikli.
Une porte-parole de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a écrit que la visite «mettra en valeur les militants d'extrême droite et élèvera la rhétorique intolérante». La déclaration critiquait les conservateurs, mais pas M. Chikli lui-même.
Mme Lewis a été critiquée par les libéraux en février pour avoir rencontré la politicienne allemande de droite Christine Anderson, dont le parti est accusé de minimiser les crimes nazis. Mme Anderson était en visite au Canada à l'époque.
La députée libérale Ya'ara Saks a dit au journal israélien Haaretz qu'elle s'était plainte auprès de l'ambassade et des responsables israéliens de la planification et de l'implication du «canal secondaire» avec M. McVety. «J'ai été très déçue de voir cela de la part du gouvernement israélien», a dit la libérale.
Le Canada affirme qu'Israël reste l'un de ses amis les plus proches, mais Ottawa critique de plus en plus les mesures prises par le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou pour limiter le pouvoir des juges et autoriser davantage de colonies sur le territoire palestinien occupé.
Le comité parlementaire d'Anthony Housefather rencontre le gouvernement israélien et les politiciens de l'opposition pour comprendre les perspectives sur la réforme judiciaire et déterminer comment le Canada devrait réagir.
M. Norton, qui est professeur à la Balsillie School of International Affairs de l'Université de Waterloo, a soutenu que ces préoccupations persistantes auraient pu amener Ottawa à déconseiller la visite de M. Chikli au Canada si les responsables avaient suivi le protocole habituel.
Les députés de tous horizons peuvent demander des services de protocole pour aider à faciliter une visite, auquel cas des experts régionaux du ministère indiqueraient comment une visite cadre avec les intérêts du Canada.
«Je suis sûr que les gens (de chez Affaires mondiales Canada) seraient préoccupés par le fait que (…) dans le contexte de la visite, il pourrait inciter une opinion radicale ou une opinion qui n'est pas conforme à la politique du gouvernement (canadien)», a affirmé M. Norton.
Selon lui, la visite de M. Chikli n'est pas un incident diplomatique majeur, mais elle complique certainement les choses pour Ottawa.
«Ce n'est pas la meilleure façon de procéder, mais les députés sont indépendants du gouvernement, a-t-il évoqué. Il faut composer avec (la situation) et essayer d'en minimiser les inconvénients».