Le coup d’éclat organisé samedi au Salon du livre de Montréal par des illustrateurs a causé plusieurs réactions dans le milieu littéraire. Est-ce qu'un mouvement général est en vue à la suite de cette action?
Samedi sur la scène de l’agora de l’événement littéraire, des illustratrices et des illustrateurs ont pris la parole entre deux événements afin de dénoncer l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par des maisons d’édition pour illustrer leurs ouvrages au détriment de leur travail.
Des pancartes portant le message «Ne subventionnons pas la culture produite par l’IA» étaient notamment visibles durant le rassemblement.
L’illustrateur Pascal Colpron, notamment connu pour la série de bande dessinée Mort et déterré, a soutenu dans un discours que la culture était «l'âme d'un peuple» et que les illustrateurs souhaitent la défendre.
En entrevue avec Noovo Info au lendemain de cette action, M. Colpron dénonce un «appauvrissement» des illustrateurs principalement du côté de la littérature jeunesse.
L’idée de la mobilisation est partie d’un texte rédigé par Jean-Paul Eid publié dans le quotidien Le Devoir.
Un texte qui a résonné auprès de Pascal Colpron qui a souhaité profiter du Salon du livre afin de faire entendre son point de vue ainsi que celui de ses collègues. Son but : conscientiser le public et avertir les maisons d’édition fautives.
Résultat: lui et ses collègues sont montés sur scène afin de se faire entendre.
«On veut encourager les gens à faire usage de discernement quand ils voient des livres faits par intelligence artificielle.»
Du côté des éditeurs, les illustrateurs souhaitent les conscientiser à propos de cet enjeu alors que ceux-ci reçoivent des subventions gouvernementales pour l’édition de livres.
«On veut les intégrer dans une discussion», a affirmé M. Colpron qui souhaite que l’usage de l’IA soit encadré et que le gouvernement se positionne sur cette question.
«On a besoin d’aide pour que notre culture rayonne», soutient l'homme. Il souhaite qu'on privilégie «les vrais acteurs de la culture qui ne sont pas les géants technologiques américains». Il dénonce par ailleurs que le travail de plusieurs de ses collègues soit volé par des modèles d'IA.
Une action qui fait réagir
À la suite de l’action de samedi, Pascal Colpron a eu vent qu'un éditeur sympathique à la cause et qui a soutenu la mobilisation aurait reçu la visite d'un éditeur fautif qui se serait senti piqué par les arguments des illustrateurs pour le confronter à ce sujet.
Certains éditeurs ont également réagi après l’action de samedi sur les réseaux sociaux. La maison Soulières éditeur a affirmé par exemple sur sa page Facebook qu’il «faut se lever et dénoncer l'utilisation de l'IA dans le monde du livre. Pour générer des artificielles et dépourvues d'humanité, l'IA vole et copie les œuvres des artistes (auteurs, illustrateurs, etc.)».
Du côté du Salon du livre, son directeur général Olivier Gougeon a affirmé à Noovo Info que les illustrateurs sont «clairement inquiets».
M. Gougeon s’est dit surpris par cette action, mais a dit être reconnaissant que cela s’est déroulé entre deux activités du salon au lieu d’en interrompre une.
Selon lui, l'événement littéraire ne peut pas se positionner «même si on a individuellement des opinions». Même si le salon ne prend pas position, son directeur général soutient que le travail des illustrateurs est un «véritable travail artistique».
«C'est quelque chose qu'on valorise. On veut nous aussi contribuer à la réflexion, mais aussi aux actions et aux bonnes pratiques pour respecter les artistes et les droits d'auteurs.»
Olivier Gougeon a également indiqué à Noovo Info que le SLM s'est engagé à ne pas utiliser d'IA générative «tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas davantage de lois, de règlements ou d'encadrement qui permettent une utilisation éthique». De ce fait, il invite les gouvernements à mettre «rapidement» en place des «cadres pour nous guider là-dedans».
Le thème de l'IA a même été discuté lors de deux activités qui a ont eu lieu dans le cadre du volet professionnel. Le sujet pourrait être programmé dans le volet grand public à l'avenir, selon M. Gougeon. «J'en ai pris bonne note pour l'année prochaine».
Questionné à savoir si le ministre de la Culture et des Communications avait une position vis-à-vis les arguments des illustrateurs, son cabinet a répondu à Noovo Info qu’il n’avait aucun commentaire à donner pour le moment concernant la mobilisation.
Pascal Colpron ne sait pas pour le moment quelle sera la suite pour le mouvement. Toutefois, il a quelques idées en tête. «On veut continuer sur cette lancée-là», selon lui.
D’autres actions pourraient avoir lieu dans le même but qu’il s’est fixé: conscientiser le public et ouvrir le dialogue. «On va trouver des solutions», soutient-il.

