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L'Unité permanente anti-corruption (UPAC) met fin à l'enquête Mâchurer. Depuis 2014, elle visait à faire la lumière sur le financement du Parti libéral du Québec.
«Considérant l'avis juridique obtenu ainsi que toute la rigueur et les ressources déjà investies dans cette enquête, le commissaire [Frédérick Gaudreau] estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre cette dernière et y met donc fin. Afin de ne pas nuire à des procédures judiciaires en cours et compte tenu des obligations de confidentialité, applicables au contenu des dossiers d'enquêtes policières, le commissaire doit s'abstenir de tout autre commentaire.»
Cette décision, prise après avoir reçu un avis juridique du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), vient peut-être de faciliter la décision de Jean Charest de se lancer dans la course à la chefferie du Parti conservateur du Canada.
L'ex chef du PLQ poursuit sa réflexion alors qu'il est courtisé par plusieurs militants. Il a même eu l'appui du député Gérard Deltell, qui le considère comme la meilleure personne pour succéder à Erin O'Toole.
Une rencontre informelle avec le caucus conservateur serait d'ailleurs prévue ce mercredi, selon le Journal de Montréal.
M. Charest, son grand argentier Marc Bibeau et l'ex-directrice du financement Violette Trépanier, étaient notamment visés par l'UPAC selon les mandats de perquisitions et la fuite de certains documents policiers liés à Mâchurer. Les avocats de l'ancien premier ministre ont même récemment demandé à ce que le processus soit accéléré en marge de la poursuite pour violation à sa vie privée.
Plus de 300 témoins ont été rencontrés pour tenter de trouver des irrégularités sur le financement dit «sectoriel» entre les années 2001 et 2012. Les enquêteurs cherchaient des preuves sur les grandes firmes de construction et de génie qui arrivaient à obtenir des contrats du gouvernement à la suite de dons aux différents partis, notamment le PLQ.
À ce jour, l'UPAC n'a déposé aucune accusation.
C'est notamment le cas pour le député libéral Guy Ouellet qui avait été arrêté en octobre 2017.
Quelques mois plus tôt, l'ancien ministre et organisateur de campagne Marc-Yvan Côté, l'ancien chef de cabinet de Nathalie Normandeau, Bruno Lortie, l'ancienne vice-présidente de la firme Roche France Michaud ainsi que l'attaché politique de l'ancienne première ministre Pauline Marois, Ernest Murray. Ils étaient tous soupçonnés d'avoir participé à des stratgèmes frauduleux de financement politique.
Plus d'obstacles pour Jean Charest
Le point final de l'enquête Mâchurer survient au moment où l'ancien chef libéral et premier ministre Jean Charest songe à briguer la direction du Parti conservateur du Canada.
Au moins deux députés conservateurs qui l'appuient se sont réjouis de la tournure des événements. M. Charest lui-même devrait réagir à l'annonce de l'UPAC lundi après-midi.
«Ça enlève tout soupçon, tout doute dans l'esprit de tout le monde, et M. Charest, je suis convaincu que c'est une roche de moins dans son soulier», s'est félicité Alain Rayes sur les ondes de Radio-Canada.
«M. Charest peut maintenant se concentrer sur l'avenir», a renchéri Gérard Deltell.
Au PLQ, on déclare que «la partie de pêche est terminée» et que l'UPAC doit reconnaître son erreur.
«Pour les membres, les bénévoles, les employés et les élus, c’est l'heure des excuses», a réagi sur Twitter la cheffe actuelle du PLQ, Dominique Anglade.
À l'opposé, Québec solidaire (QS) s'est dit «très déçu» de voir que l'UPAC abandonnait la partie après huit ans, sans avoir porté une seule accusation.
«Nous étions plusieurs à nous demander si le prolongement indéfini de l'enquête Mâchurer ne servait finalement qu'à préserver la réputation de l'UPAC, déjà passablement amochée par un tableau de chasse peu garni.
«C’est malheureusement cette impression qui nous reste en apprenant aujourd'hui la fin de l'enquête Mâchurer», a déclaré le porte-parole de QS en matière de justice, Alexandre Leduc.
Le chef du Parti québécois (PQ) a parlé, lui, d'une «aberration».
«Pour quiconque suit la politique et se souvient des constats de la commission Charbonneau, ce résultat est une aberration, un moment gênant», a gazouillé Paul St-Pierre Plamondon.
Son leader parlementaire, Martin Ouellet, s'est questionné sur le moment choisi par l'UPAC pour lancer cette petite bombe politique. Il souligne que l'Assemblée nationale fait relâche.
«Il y a deux semaines, l'UPAC affirmait toujours collecter des renseignements sur l'enquête. Aujourd'hui, tout est abandonné. Comment ne pas être surpris devant un tel "timing"?»
Lundi, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, est restée prudente dans ses commentaires.
«Nous prenons acte de la décision de l'UPAC de mettre fin à l’enquête Mâchurer. (...) Il appartient à l'UPAC d'expliquer sa décision», a-t-elle réagi dans une déclaration écrite envoyée à La Presse Canadienne.
«Rappelons que notre gouvernement a pris tous les moyens nécessaires pour redresser l'UPAC et lui permettre de remplir adéquatement sa mission.»
Mme Guilbault affirme que le gouvernement ne commentera pas davantage en raison de la poursuite de deux millions de dollars que Jean Charest a intentée contre lui en 2020 pour violation de sa vie privée.