L’Unité permanente anticorruption (UPAC) a reçu 575 dénonciations d’actes répréhensibles dans la dernière année, une hausse de 28 % par rapport à l’exercice financier précédent, selon le dernier Rapport annuel de gestion du Commissaire à la lutte contre la corruption.
Près du quart des dénonciations proviennent du secteur public et le commissaire à la lutte contre la corruption, Vincent Richer, attribue la hausse des cas de dénonciations au «travail de prévention et de sensibilisation» de l'organisation qu'il dirige.
«L'année dernière, on a rencontré 4 000 personnes pour faire des séances où on a fait de la sensibilisation et où on a donné des moyens de prévenir la corruption, la fraude» et «on a expliqué comment reconnaître les actes répréhensibles».
Des stratagèmes complexes
Lors d’une conférence de presse jeudi matin à Québec, Vincent Richer a fait état de stratagèmes de corruption de plus en plus complexes.
«Le temps où tout le monde savait ce qui se passait et qu'il y avait de l'échange d'argent est révolu. Les stratagèmes de corruption et de fraudes se font maintenant par un groupe restreint de personnes. Donc, on a besoin du public», a indiqué le commissaire, qui a demandé aux témoins d’actes répréhensibles de les dénoncer.
Les dénonciations donnent des «résultats probants», a souligné M. Richer en donnant quelques exemples.
«Au Bas-Saint-Laurent, on a mené une enquête où il y a eu des dépôts d'accusation contre l'ancienne directrice générale de Saint-Simon-de-Rimouski. Elle a reconnu sa culpabilité pour une fraude de plus de 300 000 $. Pour une petite municipalité de 500 personnes, c'est une somme colossale.»
En Beauce, un entrepreneur qui profitait frauduleusement de subventions pour aider les sinistrés victimes d’inondations a fini par reconnaître sa culpabilité pour une fraude d’un million de dollars, a souligné le commissaire.
«En Estrie, un professeur de l'Université de Sherbrooke a été trouvé coupable d'une fraude de plus de 100 000 $» et, à Montréal, on a procédé à des accusations contre six personnes qui ont «délivré plus de 2000 permis de conduire de façon frauduleuse», a également expliqué l’ancien directeur adjoint au Service de police de la Ville de Montréal.
Au total, pendant l’année 2024-2025, les enquêtes criminelles et pénales, menées par les équipes du Commissaire à la lutte contre la corruption (CLCC) et ses partenaires, comme la Régie du bâtiment du Québec et Revenu Québec, ont permis de déposer des accusations contre «134 individus et personnes morales, la condamnation de 138 accusés et l’imposition de plus de 760 000 $ en amendes».
Le phénomène de faux représentants
L’UPAC met en garde la population contre les fraudes du type «faux représentants», de plus en plus répandues.
«Des fois, ces faux représentants sont à l'extérieur du Québec, à l'extérieur du pays même», a expliqué l’inspecteur Maxime Tremblay, lors de la conférence de presse.
Celui qui est également directeur adjoint pour les renseignements et les enquêtes à l’UPAC a donné un exemple de stratagème utilisé par ce type de fraudeur.
«Ils vont communiquer avec des gens qui sont responsables de l'administration d'un ministère ou d’un organisme, des comptes payables, par exemple. Ils vont leur dire que, dorénavant, les comptes dans lesquels ils doivent transférer les paiements ont changé.»
Dans certains cas, a ajouté l’enquêteur, «il y a des actions qui ont été faites par certains ministères pour payer des factures gouvernementales dans le compte de ces bandits-là, de ces criminels-là».
«Ils peuvent cibler des portefeuilles comme le transport ou la santé, évidemment, il y a énormément d'argent qui transite là-dedans. Donc, les criminels vont cibler les failles au niveau du processus d'acquisition. Ils vont essayer de s'infiltrer, d’approcher des gens peut-être à l'interne», a expliqué Maxime Tremblay en précisant que maintenant, l’UPAC est «capable de bloquer» la majorité de ce type de fraudes.
«Mais on est quand même alerte», a-t-il ajouté.
L’IA au service de l’UPAC
L’UPAC «est en train de développer des partenariats avec des universités» pour trouver une façon de traiter les énormes quantités de données qu’elle doit parfois éplucher à des fins d’enquête, a expliqué le commissaire à la lutte contre la corruption.
«Des fois, on saisit des centaines de milliers de documents, et des fois, c'est même des millions de documents», donc, «l'intelligence artificielle permettrait de faire une préanalyse de tous ces documents-là, ça nous aiderait».
Les volumes substantiels de données que les enquêteurs saisissent peuvent également devenir problématiques lorsque vient le temps de présenter la preuve au tribunal.
«Il faut que la cour soit prête à recevoir cette information-là, de la façon qu'elle est traitée, donc on travaille avec des procureurs» pour qu’éventuellement, «les outils d'intelligence artificielle» soient «acceptés en cour», a indiqué M. Richer.
L'enquête de l'UPAC sur la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), en lien avec le scandale SAAQclic, est un exemple d'investigation qui comporte une quantité importante de données à analyser.
«Plus de 100 000 dossiers ont été saisis dans ce dossier-là», a souligné Vincent Richer.
L’UPAC enquête sur SAAQclic depuis février 2025.

