Une musicienne montréalaise a dû apprendre à ses dépens certaines leçons difficiles concernant la distribution, le streaming et la réalité de l'hébergement musical sur Spotify.
Naomi Silver-Vézina a enregistré et lancé son album «Timescape» en février sous le nom de Naomi SV.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
Les auditeurs pouvaient l'écouter sur Bandcamp, Spotify, YouTube ou sur CD, pour ceux qui préféraient les copies physiques.
Mais elle a ensuite eu une surprise désagréable et inattendue.
«J'ai reçu un courriel de mon distributeur musical, Soundrop, m'informant qu'ils avaient reçu ma demande de retrait de mon album, qu'ils s'en occupaient et qu'ils allaient le faire rapidement», a-t-elle affirmé.
«Je n'ai jamais fait cette demande, et j'ai paniqué. Je me suis demandé si j'avais été piratée.»
La page d'aide de Spotify indique que «si vous n'avez pas demandé le retrait de votre musique, contactez votre label ou votre distributeur pour obtenir de l'aide, car ils auront plus d'informations».
CTV News a tenté de contacter Soundrop, sans succès.
Silver-Vézina a également vécu une épreuve frustrante en essayant de contacter son distributeur pour retélécharger son album. Celui-ci a finalement été rétabli sur le site, mais non sans difficultés.
«Il est très difficile d'obtenir de l'aide de la part d'êtres humains, car tout est désormais géré par des chatbots IA», a-t-elle dit. «C'est un sentiment de frustration, de ne pas avoir le contrôle, et d'avoir l'impression que votre musique et votre travail sont contrôlés par toutes ces différentes entités.»
Pour diffuser un album sur les sites de streaming, les artistes dépendent des distributeurs ou des labels, qui tirent profit de leur travail.
«Chaque distributeur prend une commission, qu'il s'agisse d'un pourcentage, d'une redevance annuelle ou d'un paiement unique, mais il y a tellement d'étapes à franchir que cela crée une grande distance entre l'artiste et le lieu où sa musique est finalement distribuée, de sorte qu'il est parfois difficile d'avoir le sentiment de contrôler sa musique», explique Mme Silver-Vézina.
En plus de manquer de contrôle, les artistes gagnent généralement très peu d'argent grâce au streaming.
Le Duetti Music Economics Report a révélé que pour 1 000 écoutes, un artiste gagne environ 3,41 dollars sur les sites de streaming. Ce chiffre est en baisse par rapport aux 4,04 dollars de 2021.
L'économiste Moshe Lander a indiqué que les artistes ont toujours eu des difficultés à être rémunérés pour leur travail et que les intermédiaires ont toujours existé pour empiéter sur leurs profits.
«Malheureusement, le problème est que pour maximiser votre valeur, vous devez supprimer toutes ces différentes couches, de la création du produit à sa distribution», a-t-il soutenu.
«Ainsi, qu'il s'agisse de Spotify ou d'iTunes, ou de la méthode traditionnelle consistant à produire un album physique, il y a tellement d'autres personnes impliquées dans le processus qui ont un pouvoir de négociation tel que si vous ne travaillez pas avec elles, votre produit ne sera pas diffusé auprès du public.»
M. Lander a indiqué que l'ensemble du système des brevets, des droits d'auteur et des marques déposées vise à protéger la propriété intellectuelle des artistes et à les rémunérer pour son utilisation.
«Si vous ne me payez pas ce que je demande, je ne vous autoriserai pas à accéder à ma musique. C'est la partie manquante de l'histoire qui ne correspond pas tout à fait à d'autres types de propriété intellectuelle, mais c'est une histoire aussi vieille que la musique elle-même», a-t-il déclaré.
Bien qu'elle gagne très peu d'argent grâce aux écoutes sur Spotify, environ 60 dollars pour son dernier album selon ses estimations, Silver-Vézina a soutenu qu'elle avait besoin des données de Spotify pour d'autres raisons.
«C'est un indicateur très important de succès et de crédibilité, c'est ce que les agents, les programmateurs, voire les festivals ou les demandes de subventions peuvent prendre en compte», a-t-elle expliqué. «J'ai déjà reçu des demandes de subvention qui me demandaient le nombre d'auditeurs sur Spotify, et je pense que certains festivals m'ont également posé cette question. Je ne sais pas dans quelle mesure cela est utilisé comme facteur déterminant, mais cela reste quelque chose qui est associé à votre profil d'artiste.»


