Une lettre pourrait marquer un tournant dans le dossier d'un Montréalais reconnu coupable d'un quadruple meurtre.
Daniel Jolivet a toujours clamé son innocence et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a écrit à son avocat pour lui dire qu'il y avait des raisons de croire que M. Jolivet n'avait pas bénéficié d'un procès équitable.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
«Nous estimons désormais que l'allégation d'erreur judiciaire à l'encontre de M. Jolivet n'est pas sans fondement», a écrit le procureur Benoit Lauzon après avoir examiné l'affaire pendant plusieurs mois.
Me Nicholas St-Jacques est avocat au sein du projet Innocence et défend la cause de M. Jolivet. Il affirme avoir reçu la lettre le 27 juin et l'avoir transmise au bureau du ministre de la Justice, Sean Fraser.
«Une unité spécialisée du DPCP reconnaît essentiellement qu'il y a eu un problème de divulgation dans le cas de Daniel Jolivet», a expliqué Me St-Jacques. «En gros, certains éléments n'ont pas été divulgués dans cette affaire. Or, s'ils avaient été divulgués, ces éléments auraient pu avoir une incidence importante sur l'issue du procès ou sur son équité.»
Essentiellement, le DPCP a reconnu qu'il y avait probablement suffisamment d'éléments dans l'affaire pour ordonner un nouveau procès, d'après l'avocat.
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«Je suis innocent»
Daniel Jolivet a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux et, en 2023, l'émission W5 de CTV s'est entretenue avec lui dans une prison de Laval, au Québec, au nord de Montréal. À l'époque, il a détaillé ses années de requêtes auprès du système judiciaire, notamment quatre demandes adressées au Groupe d'examen des condamnations criminelles (GECC). Toutes ont été rejetées.
«Je veux que les Canadiens sachent que je suis innocent», avait-il dit à l'époque. «Parce que je suis emprisonné depuis plus de 30 ans, et si cela peut m'arriver, cela peut leur arriver aussi.»
«Je n'ai jamais fait de mal à personne.»
Il a été condamné pour quatre meurtres commis en 1992 à Brossard, sur la rive sud de Montréal. Les trafiquants de drogue Denis Lemieux et François Leblanc ont été abattus, ainsi que deux femmes, Nathalie Beauregard et Catherine Morin, qui ont toujours pensé qu'elles se trouvaient simplement au mauvais endroit au mauvais moment.
M. Jolivet était un criminel récidiviste. Il avait été condamné pour vol à l'âge de 18 ans et avait fait quatre séjours en prison avant d'être condamné pour les meurtres. Mais il affirme qu'il n'était pas un homme violent.
«Désemparé»
Les preuves retenues contre lui dans l'affaire des meurtres reposaient sur le témoignage d'un ancien policier nommé Claude Riendeau, qui était devenu criminel, puis informateur. Mais Pierre Beland a passé des années à écrire un livre qui met en évidence les failles de l'affaire.
«L'autre jour, j'ai parlé au téléphone avec Daniel depuis la prison», a raconté M. Beland. «Il m'a dit: "Tu sais, ça fait 12 000 jours que je suis en prison."»
C'est Pierre Beland qui a contacté le bureau du DPCP, lui écrivant une série de lettres pendant plusieurs mois en 2024, et lui envoyant finalement un exemplaire de son livre, Le douzième juré, après un nouveau rejet du Groupe de la révision des condamnations criminelles.
«J'étais désemparé», a-t-il avoué. «Je me heurtais à un mur de briques, sans aucune fenêtre, porte ou ouverture.»
Puis, il a vu une entrevue télévisée du DPCP et a décidé d'écrire. Il affirme que la réponse qu'ils ont finalement envoyée prouve que le DPCP a des raisons de croire que Daniel Jolivet n'a peut-être pas bénéficié d'un procès équitable.
«Ils sont assez catégoriques à ce sujet», a soutenu M. Beland. «À l'époque, l'accusation n'a pas procédé à une véritable divulgation, elle n'a pas transmis à la défense une tonne de documents, essentiellement tous les documents qui étaient en faveur de M. Jolivet, tout ce qui montrait que M. Jolivet était innocent, elle n'a jamais donné cela à la défense.»
Le ministère public ne peut toutefois pas ordonner un nouveau procès.
Le dossier est désormais entre les mains du ministre de la Justice. Le ministère a envoyé une déclaration à CTV News.
«Le Code criminel confère au ministre de la Justice le pouvoir de réexaminer une condamnation pour une infraction prévue par une loi du Parlement afin de déterminer s'il y a eu erreur judiciaire, et la responsabilité de ces affaires incombe au Groupe de la révision des condamnations criminelles», indique la déclaration.
Mais le ministère a également écrit qu'il ne pouvait pas fournir d'autres commentaires, car «les décisions d'évaluation préliminaire du Groupe de la révision des condamnations criminelles dans l'affaire de Daniel Jolivet sont actuellement contestées devant la Cour fédérale».
«Nous ne comprenons pas la position du ministre de la Justice», a rétorqué Me Nicholas St-Jacques. «Nous pensons qu'il pourrait agir, et nous espérons qu'il le fera, car chaque jour où il n'agit pas est un jour de plus où une personne innocente reste en prison.»


