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Il est maintenant possible d’apercevoir dans le sud du Québec ce qui s’apparente à un rat de la taille d’un chat. Mais de quoi s’agit-il?
Un animal plutôt particulier se pointe de plus en plus le bout du museau sur notre territoire en raison des réchauffements climatiques. Balade en forêt ou simple marche dans notre quartier, il est maintenant possible d’apercevoir dans le sud du Québec ce qui s’apparente à un rat de la taille d’un chat. Mais de quoi s’agit-il?
Figure blanche, fourrure grise, museau pointu, pattes et oreilles noires... L’opossum d’Amérique du Nord, également appelé opossum de Virginie, peut faire sursauter les quelques Québécois qui l'ont déjà rencontré: il est le seul marsupial de la province à s'être propagé dans les alentours de Saint-Jean-sur-Richelieu, mais également dans l’ensemble de la Montérégie et de l’Estrie.
Selon le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), une nette augmentation de la population d’opossums a été remarquée au Québec en 2017 – un phénomène tout à fait normal en raison des récents hivers doux, ont rapporté des experts à Noovo Info.
«C’est une espèce qui arrive du sud, qui est à la limite de son aire de répartition. Quand on a des hivers doux, l’espèce va progresser vers le nord», a expliqué Jean-Sébastien Messier, biologiste responsable des animaux à fourrure pour les régions de l’Estrie, Laval, Montérégie et Montréal au MELCCFP. Il est toutefois impossible de savoir à quel point l’espèce s’est reproduite au Québec depuis 2023. Aucune étude spécialisée sur les opossums n’a encore été réalisée dans la province. Cependant, le MELCCFP indique une augmentation de signalements de citoyens qui ont aperçu l’animal d’environ 40 cm de longueur.
«On sait que l’espèce est bien présente au Québec», ajoute M. Messier. Le célèbre animal, connu pour simuler sa mort en présence de prédateurs non charognards et pour transporter ses petits sur son dos, habiterait au Québec depuis plusieurs années, alors que les premiers signalements remontent à 1976. Selon Radio-Canada, des opossums auraient même été aperçus à Trois-Rivières en 2017, à Boisbriand en 2020 et dans les Laurentides en 2021.
Voyez notre entretien avec Jean-Sébastien Messier, biologiste du MELCCFP, dans la vidéo ci-contre.
Source: Flickr
Il serait toutefois surprenant de voir l’opossum conquérir d’autres régions plus au nord du Québec comme le Saguenay, alors qu’un seul hiver rigoureux peut éliminer l’entièreté de sa population, avance le biologiste du MELCCFP. N’étant pas un animal qui hiberne, il est d’ailleurs possible de retrouver des traces d’engelures sur la queue et les oreilles d’un opossum québécois.
Source: The Associated Press
Le professeur titulaire au département de biologie à l’Université Laval Daniel Fortin souligne que la répartition des opossums serait «facilitée par le développement des terres agricoles».
«Une fois que les conditions environnementales rendent possible l’établissement des opossums, la population peut alors croître rapidement», a-t-il avancé dans une réponse par courriel. M. Fortin ajoute qu’une femelle opossum peut avoir jusqu’à 20 bébés par portée et de deux à trois portées par an, bien qu’une portée moyenne se compose plutôt de huit à neuf petits.
Comme c'est le cas pour un raton laveur, un écureuil ou tout autre animal sauvage, Jean-Sébastien Messier recommande à la population de ne pas approcher un opossum, sous aucun prétexte, et de simplement taper dans ses mains afin de l’éloigner. «Si l’opossum est là, c’est qu’il a un intérêt d’être là. Il veut s’alimenter.»
M. Messier passe le message de ne pas nourrir un opossum et de ne le flatter en aucun cas, car l’animal peut être porteur de maladies, dont la rage. De son côté, Daniel Fortin mentionne que l’opossum n’est toutefois pas un vecteur important de la rage. Aucun cas de rage n’a encore été identifié dans la province chez les opossums.
En cas de morsure ou d’un contact avec la salive d’un animal sauvage, il est recommandé de nettoyer rapidement la plaie avec de l’eau et du savon pendant 10 minutes et de contacter rapidement Info-Santé 811 pour un suivi médical. Si votre animal domestique a été mordu par un opossum, appelez votre vétérinaire le plus rapidement possible.
De plus, tout opossum blessé ou décédé doit obligatoirement être déclaré auprès d’un agent de la protection de la faune, rappelle Jean-Sébastien Messier.
En sa qualité d'animal omnivore, une espèce d’opossums est considérée comme étant nuisible en Nouvelle-Zélande, où le marsupial s'y reproduit à une vitesse phénoménale et se nourrit d’œufs de kiwis – l'emblème national du pays et oiseau menacé. La séquence favorise la transmission de la tuberculose aux bovins.
Cependant, on ne devrait pas considérer l’opossum d’Amérique du Nord comme un animal nuisible, affirme M. Messier. Les agissements des citoyens pourraient toutefois modifier le comportement des opossums, qui pourraient perdre leur crainte face à l’homme et devenir nuisibles, notamment si on décide de les nourrir.
«Les meilleures pratiques pour la cohabitation, c’est d’éviter de les nourrir ou de les effaroucher si on les voit à proximité de notre maison, et de boucher tous les endroits où ils pourraient se réfugier sur nos terrains. Ça fait en sorte qu’ils ne deviendront pas nuisibles», conseille l'expert gouvernemental.
Dans certains cas, l’opossum peut en fait devenir bénéfique pour l’écosystème par le biais de son alimentation diversifiée, lui qui se nourrit d’insectes, de petits mammifères, de graines et peut même s’alimenter sur les carcasses d’animaux morts. «Il nous rend même un peu service par sa présence», assure M. Messier.
Un mythe populaire et une interprétation incorrecte en laboratoire d’une étude en 2009 laissaient présumer que les opossums pourraient être un aspect crucial contre la maladie de Lyme en se nourrissant principalement de tiques. D’ailleurs, en raison de recrudescence de tiques au Québec, on pourrait croire que les opossums auraient suivi leur nourriture vers le nord. Bien que des opossums peuvent manger des tiques, il ne s’agit pas de leur nourriture principale, puisque le marsupial est un «animal très opportuniste» et se nourrit de tout.
«Les tiques ne sont qu’une partie de son régime alimentaire. Il en mange certainement lorsqu’il en rencontre, mais il peut s’en passer», écrit Daniel Fortin dans son échange avec Noovo Info.
En raison du réchauffement climatique, il est possible qu’un Québécois repère un animal qu’il n’avait jamais vu auparavant dans un avenir rapproché, prévient le MELCCFP.
«C’est quelque chose qui est déjà observé et qui va continuer de l’être», avance M. Messier.
Ces nouvelles espèces auront-elles un impact négatif sur la faune et la flore actuelle de notre territoire? «Ça va être à suivre au cours des prochaines années», conclut-il.