Début du contenu principal.
Justin Trudeau a affirmé avoir eu un entretien «productif» avec son vis-à-vis américain.
Le président américain Donald Trump exempte, à court terme, le Canada de tarifs douaniers de 25 %, comme il a signalé qu'il allait le faire pour le Mexique.
Le premier ministre Justin Trudeau a fait savoir lundi sur le réseau X que la surtaxe était mise «sur pause pour au moins 30 jours», le temps que Washington et Ottawa travaillent sur la sécurisation de la frontière avec, notamment, un nouvel engagement canadien d'ajouter les cartels mexicains à la liste des entités terroristes.
«Près de 10 000 agents sont et seront sur le terrain pour protéger notre frontière. En plus, le Canada prend de nouveaux engagements», a déclaré le chef de gouvernement démissionnaire après avoir conclu son second appel de la journée avec le locataire de la Maison-Blanche.
Revenant sur les nouveaux investissements frontaliers de 1,3 milliard $ annoncés en décembre, M. Trudeau a fait savoir que le Canada nommera aussi «un Tsar responsable de la question du fentanyl» et lancera, en collaboration avec les Américains, «une force de frappe conjointe» chargée de se pencher sur le trafic de cette drogue, de même que sur le crime organisé et le blanchiment d’argent.
«J’ai aussi signé une nouvelle directive pour les services de renseignement, axée sur le crime organisé et le fentanyl, qui sera appuyée par un investissement de 200 millions de dollars.»
M. Trump n'a pas tardé à se dire «très heureux de cet aboutissement initial». «Les tarifs annoncés samedi seront suspendus pour une période de 30 jours pour voir si une entente économique finale avec le Canada peut être structurée ou non. ÉQUITÉ POUR TOUS!», a-t-il écrit sur son réseau «Truth Social».
Dans le même message, le dirigeant des États-Unis a précisé qu'un accord économique avec le Canada sera négocié pendant cette période.
Un peu plus tôt, le président américain n'avait pourtant envoyé aucun signal de réchauffement dans les discussions avec le Canada.
Quelques heures après un son premier appel avec M. Trudeau et peu de temps avant le deuxième, il avait dit depuis le Bureau ovale qu'il était très difficile pour les États-Unis de faire des affaires avec le Canada, qui, selon lui, est «très difficile» et profiteur.
«Nous ne pouvons pas les laisser profiter des États-Unis», avait-il lancé, soutenant que son administration n'avait aucun intérêt, par exemple, envers les voitures faites au Canada puisque les véhicules devraient, selon lui, être entièrement fabriqués par les Américains.
M. Trump a affirmé à plusieurs reprises, lundi, que le secteur des banques américaines se bute à un refus lorsque vient le temps de faire des affaires au nord de la frontière des États-Unis.
«Nous ne sommes pas bien traités par le Canada et nous devons être bien traités.»
Plus d'une dizaine de banques américaines ont une présence au Canada, comme Citibank, J.P. Morgan et Comerica.
Le président Trump a répété son idée que le Canada pourrait devenir le 51e État américain, ce que le gouvernement canadien écarte sur toutes les tribunes.
Les décrets exécutoires visant à mettre la menace américaine à exécution ont été signés samedi et prévoient, dans le cas de l'énergie canadienne, des tarifs de 10 %.
Lundi matin, la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, a déclaré qu'elle avait accepté de déployer 10 000 soldats à la frontière américaine pour lutter contre le trafic de drogue, obtenant, plusieurs heures avant le Canada, un sursis.
Le Mexique avait déjà déployé des troupes pour la première fois à sa frontière nord en 2019, invoquant la pression des États-Unis pour freiner la migration.
M. Trump a déclaré que la suspension des tarifs visait, comme pour le Canada, à permettre des négociations.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a aussitôt appelé le gouvernement à déployer des troupes et des hélicoptères des Forces armées canadiennes à la frontière.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, M. Poilievre a déclaré que le Canada devrait également ajouter des milliers d'agents frontaliers et «élargir les pouvoirs» de l'Agence des services frontaliers «à l'ensemble de la frontière, et pas seulement aux points de passage».
Il estime aussi que le Canada devrait «installer des scanners de haute puissance, des tours de surveillance des frontières et des systèmes de drones montés sur des camions pour repérer les incursions à la frontière».
En point de presse à Vancouver, il a, une fois de plus, appelé le gouvernement Trudeau a rappeler le Parlement afin de faire adopter le plan qu'il propose visant à mettre «le Canada d'abord».
Il n'a pas voulu dire si cela reléguait aux oubliettes sa volonté d'aller en campagne électorale le plus rapidement possible.
«On ne devrait pas sécuriser nos frontières pour plaire à un chef (d’État) d’un autre pays. On devrait le faire pour protéger nos propres citoyens», a déclaré M. Poilievre, favori dans les intentions de vote au Canada depuis plus d'un an.
Selon les dires de la cheffe du Parti vert, Elizabeth May, M. Poilievre a pu aborder la question de la frontière et de l'attaque que représentent, selon lui, les tarifs de M. Trump, au cours d'une rencontre virtuelle tenue dimanche entre les chefs de partis fédéraux.
«Le problème n’est pas le fentanyl. Il s'agit d’une attaque contre le Canada et sa souveraineté», a-t-elle soutenu.
«Jagmeet Singh, Pierre Poilievre, Yves-François Blanchet et moi-même avons tous abordé ce point et sommes tombés d'accord.»
Le cabinet de M. Trudeau n'a pas fourni de compte-rendu plus détaillé des discussions avec M. Trump.
Du côté du président américain, il a réitéré son argumentaire habituel autour de la sécurisation des frontières américaines.
Le ministre canadien de la Sécurité publique, David McGuinty, doit se rendre mardi «à un exercice sur la sécurité frontalière au point d’entrée d’Emerson, au Manitoba», peut-on lire dans un avis aux médias. Il est prévu qu'il soit accompagné, entre autres, du premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, de membres de l’Agence des services frontaliers du Canada et «d’autres partenaires fédéraux et provinciaux».
Par ailleurs, M. Trudeau a présidé lundi une réunion virtuelle du Conseil sur les relations canado-américaines, selon son horaire officiel, qui réunit des intervenants externes chargés de lui apporter des conseils.
Trois anciens premiers ministres provinciaux, à savoir Jean Charest, Rachel Notley et Stephen McNeil, font partie du groupe, tout comme l'ambassadrice du Canada à Washington, Kirsten Hillman.
L'équipe de l'ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, a décliné une demande d'entrevue de La Presse Canadienne
Quoi qu'il en soit, Ottawa a fait savoir qu'il ripostera, au moment nécessaire, au moyen de droits de douane de 25 % sur 30 milliards $ de marchandises en provenance des États-Unis — touchant des centaines d'articles, de la viande et du lait aux tapis et aux rideaux.
Dans un deuxième temps, le Canada prévoit ajouter 125 milliards $ supplémentaires de droits de douane sur des centaines d'autres produits américains, après avoir consulté l'industrie.
M. Trudeau a déclaré, au courant du week-end, que des mesures non tarifaires supplémentaires, y compris certaines liées aux minéraux critiques, à l’énergie et aux marchés publics, font l'objet de discussions entre le fédéral et les provinces.
Pendant ce temps, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a rempli son emploi du temps de lundi avec de multiples apparitions dans des émissions d'information américaines pour faire valoir la position du Canada.
M. Ford, qui a déclenché des élections provinciales anticipées la semaine dernière en utilisant les tarifs douaniers comme justification, a notamment réitéré que 28 États dépendent considérablement du Canada pour le commerce. «Espérons que les esprits plus calmes l'emporteront», a-t-il soutenu.
Le premier ministre Ford s'est dit prêt a répliquer à d'éventuels tarifs en excluant les entreprises américaines des contrats provinciaux, de même qu'en rompant un accord de 100 millions $ avec Starlink, une entreprise d'Elon Musk.
Le gouvernement québécois envisage, de son côté, de «pénaliser les entreprises américaines qui travaillent avec le gouvernement du Québec», a récemment déclaré le premier ministre de la province, François Legault. Lundi, il a qualifié de «bonne nouvelle» le sursis de 30 jours, même s'il a souligné que la menace n'a pas complètement disparu.
Il a aussi précisé que les produits américains qui devaient être retirés des tablettes de la SAQ à titre de mesures de rétorsion seront replacées sur celles-ci.
- Avec des informations de Sarah Ritchie, à Ottawa, de Patrice Bergeron, à Québec, et de l'Associated Press