Le premier ministre Mark Carney a affirmé ne pas avoir parlé vendredi à Donald Trump avant que le président américain n'annonce la fin soudaine des négociations commerciales à cause de la taxe sur les services numériques qui doit entrer en vigueur lundi.
Le président américain a qualifié cette taxe d'«attaque directe et flagrante contre notre pays».
Donald Trump a affirmé que Washington informerait le Canada de nouveaux droits de douane requis pour «faire des affaires avec les États-Unis» au cours de la semaine prochaine.
Dans une publication sur ses réseaux sociaux, vendredi après-midi, Donald Trump a déclaré que le Canada venait d'informer les États-Unis qu'il maintenait son plan de mise en vigueur d'une taxe sur les services numériques, qui doit s'appliquer aux entreprises canadiennes et étrangères qui interagissent avec des utilisateurs en ligne au Canada.
Une heure plus tard, M. Carney a affirmé aux journalistes qu'il n'avait pas parlé à Donald Trump ce jour-là.
«Nous continuerons de mener ces négociations complexes dans l'intérêt supérieur des Canadiens», a déclaré le premier ministre.
Mark Carney a négocié en privé avec le président américain et a déclaré plus tôt ce mois-ci que les deux gouvernements cherchaient à conclure un accord pour mettre fin à la guerre tarifaire incessante de Donald Trump. Lors du sommet du G7 en Alberta, MM. Carney et Trump avaient convenu de tenter de parvenir à un accord d'ici la mi-juillet.
La taxe sur les services numériques (TSN) doit frapper des entreprises comme Amazon, Google, Meta, Uber et Airbnb, avec un prélèvement de 3 % sur les revenus provenant d'utilisateurs canadiens.
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Elle s'appliquerait rétroactivement sur trois ans, laissant aux entreprises américaines une facture de près de 2 milliards $ US à payer à la fin du mois.
Le Royaume-Uni a conservé une taxe similaire dans le cadre d'un accord commercial avec les États-Unis, signé la semaine dernière lors du sommet du G7 en Alberta. Donald Trump a soutenu que des mesures similaires de l'Union européenne feraient partie de négociations commerciales plus larges que les États-Unis mènent avec le bloc.
Dans le Bureau ovale, Donald Trump a déclaré que les Canadiens sont des gens formidables, mais que leur gouvernement a des politiques injustes. «Le Canada a été un pays très difficile à gérer au fil des ans», a-t-il déclaré aux journalistes.
Le président américain a ajouté qu'Ottawa a moins d'influence que Washington.
«Économiquement, nous avons un tel pouvoir sur le Canada. Je préférerais ne pas l'utiliser, mais ils ont fait quelque chose avec nos entreprises technologiques», a-t-il déclaré.
«Cela ne fonctionnera pas bien pour le Canada. Ils ont été stupides de le faire. J'ai donc dit que nous allions interrompre toutes les négociations avec le Canada dès maintenant, jusqu'à ce qu'ils redressent la situation.»
Réactions des partis d'opposition
Le chef conservateur Pierre Poilievre ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si le Canada devrait supprimer la taxe sur les services numériques. Il a plutôt suggéré que le Canada réduise ses propres taxes et prélèvements nationaux afin de stimuler la croissance économique.
«Je suis déçu que les négociations commerciales aient été interrompues. Espérons qu'elles reprennent rapidement. Comme toujours, les conservateurs sont prêts à aider à obtenir une bonne entente pour le Canada. Nous devons mettre le Canada d’abord», a écrit M. Poilievre sur la plateforme X.
Heather McPherson, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de commerce, a écrit que le Canada devrait investir dans l'assurance-emploi et la création d'emplois durables afin de protéger les travailleurs des caprices de Donald Trump.
«L'apaisement ne fonctionne pas. Miser sur une relation privilégiée avec Trump ne fonctionne pas. Les négociations en secret ne fonctionnent pas. Défendre les emplois et les collectivités canadiennes, oui», a-t-elle soutenu.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a réagi sur les réseaux sociaux en disant que le «président des États-Unis semble tout juste découvrir que la gestion de l’offre existe et la loi sur la taxe aux multinationales d’internet (GAFAM) a été votée l’an dernier».
M. Blanchet s'en est aussi pris à M. Carney, qui «disait en campagne être en politique pour gérer la crise tarifaire et commerciale».
Or, «le premier ministre néglige ces enjeux depuis l’élection, a échoué à faire lever les tarifs malgré sa promesse lors du G7, et se consacre à une loi passée sous bâillon pour des infrastructures pétrolières qui n’auront aucun impact sur les tarifs ou le commerce durant que Donald Trump sera président», a écrit M. Blanchet.
«Les gens de la forêt avec lesquels je manifestais ce midi (vendredi) à Alma sont frappés par ces politiques américaines, et personne ne leur vient en aide», a-t-il ajouté.
Le chef du Bloc québécois a déclaré que le premier ministre Carney devait «revoir ses priorités et initier des négociations en bonne et due forme».
Des «surprises de dernière minute»
La Chambre de commerce du Canada exhorte Ottawa depuis des mois à abolir cette taxe, invoquant des coûts accrus et le risque de représailles américaines.
«Les négociations connaissent des hauts et des bas. À l'approche des échéances, il faut s'attendre à des surprises de dernière minute, a déclaré Candace Laing, présidente de la Chambre, dans un courriel. Le ton et la teneur des discussions se sont améliorés ces derniers mois, et nous espérons que les progrès se poursuivront. Nous respectons le fait qu'Équipe Canada mène ces négociations à la table, et nous devons lui laisser la marge de manœuvre nécessaire.»
La Presse Canadienne a contacté le cabinet du ministre des Finances, François-Philippe Champagne, mais n'a pas encore reçu de réponse.
Le Conseil canadien des affaires a demandé à Ottawa de suspendre la taxe.
«Le Canada devrait présenter une proposition immédiate visant à éliminer la TSN en échange de l'élimination des droits de douane des États-Unis», a écrit Goldy Hyder, président et chef de la direction du groupe, ajoutant que la décision de Donald Trump est le «développement malheureux» contre lequel le groupe avait mis en garde.
Plus tôt ce mois-ci, 21 membres du Congrès américain ont écrit à Donald Trump pour lui signaler que cette taxe risquait d'entraîner d'autres «saisies fiscales discriminatoires» ciblant principalement les entreprises américaines.
Mais jeudi, les républicains du Congrès ont accepté de supprimer une disposition dite «impôt de vengeance» du projet de loi majeur de réduction d'impôts de Donald Trump, en réponse à une demande du secrétaire au Trésor Scott Bessent.
Cette disposition aurait permis à Washington d'imposer des taxes sur les entreprises et les investissements provenant de pays mettant en vigueur ce que l'administration Trump qualifie de «taxes étrangères injustes» à l'endroit d'entreprises américaines.
— D'après des informations de Kyle Duggan, Anja Karadeglija et de l'Associated Press

