Début du contenu principal.
L’enquête publique de la coroner Géhane Kamel sur les circonstances entourant le triple meurtre au hasard de 2022 s’est poursuivie jeudi, alors que des psychiatres ont témoigné sur le manque d’encadrement des patients admis dans l’unité psychiatrique de l’hôpital Cité-de-la-Santé de Laval.
Le psychiatre Simon Roussel, qui a rencontré à trois reprises entre le 23 juin 2020 et septembre 2020, l’auteur présumé des meurtres, Abdulla Shaikh, faisait partie des témoins entendus jeudi. Il a raconté que Shaikh avait été amené par les policiers de Laval après une conduite dangereuse. Il était alors en psychose et refusait de prendre ses médicaments.
Malgré tout, devant la grande pression de libérer des lits dans son unité, le Dr Roussel a affirmé que plusieurs personnes représentant un risque pour la société étaient remises en liberté, sans être adéquatement évaluées en ce qui a trait à leur risque de dangerosité. Ce ne sont pas tous les psychiatres qui font ce genre d’évaluation, a-t-il précisé.<
Voyez le compte-rendu de Marie-Michelle Lauzon dans la vidéo liée à l'article.
L’unité de psychiatrie de l’hôpital Cité-de-la-Santé est de plus aux prises avec une sérieuse pénurie de main-d’œuvre depuis 2019. «C’est un maillon faible du système, car des individus dangereux sont relâchés en société», a déploré le Dr Roussel.
Le psychiatre a d’ailleurs écrit une lettre le 4 août 2022 au sujet des meurtres aléatoires, qui, selon lui, révélaient que les patients de Laval ne pouvaient pas être correctement suivis en raison d'une pénurie de psychiatres.
«Je me sens d’autant plus interpelé en lisant les nouvelles aujourd’hui, et en constatant encore une fois qu’un patient psychiatrisé, qui n’a vraisemblablement pas été suivi adéquatement, fait les manchettes après avoir tué trois personnes en deux jours à Laval et Montréal», avait-il écrit alors.
Pour illustrer ses propos, le Dr Roussel a ajouté qu’alors qu’il était en arrêt maladie en juillet 2022, l’un de ses patients a nécessité une intervention policière musclée requérant le déploiement de 18 policiers armés et l’intervention du Groupe tactique d’intervention.
«Son suivi n’étant pas adéquatement assuré depuis plusieurs mois, malgré de nombreuses réhospitalisations et l’obtention d’une Ordonnance d’autorisation de soins de ma part, nous donnant pourtant tous les leviers nécessaires afin d’assurer un suivi et un traitement adéquats», a-t-il souligné.
Le syndicat représentant les techniciens et professionels du réseau de la santé et des services sociaux à Laval, l'APTS Laval fait echo aux propos du Dr Roussel. «On les laisse aller sans évaluer leur réel risque de récidive. On ne sait pas à quel point ils sont dangereux ou pas. Nécessairement, le risque est important», déplore le président du syndicat, Pierre Luc Carrier.
Le Dr Roussel dénonce également une mauvaise communication des psychiatres avec la police. D’après lui, les policiers et les psychiatres travaillent en silo et des décisions de remettre en liberté des patients sont prises sans condition alors que ceux-ci ne sont pas mis au courant des antécédents judiciaires de ces derniers.
Le psychiatre donne en exemple le cas d’un de ses patients qui avait violemment attaqué des citoyens, mais qui avait été libéré de ses conditions un mois plus tard par la Commission des troubles mentaux, car celle-ci n’avait pas été informée des antécédents du patient.
«On est plus en réaction qu’en prévention. On va donner des calmants aux gens qui entrent en psychiatrie, pour les soigner, mais on les remet en liberté quelques jours plus tard», a-t-il laissé tomber.
Rappelons qu'en moins d'une heure à Montréal le 2 août 2022, M. Shaikh a tué par balle André Lemieux, 64 ans, qui se trouvait à l'intérieur d'un abribus et Mohamed Belhaj, 48 ans, qui se rendait au travail à pied. Environ 24 heures plus tard, à Laval, il a tué Alex Lévis-Crevier, 22 ans, qui faisait de la planche à roulettes dans la rue.