Alors que la Dre Theresa Tam s'apprête à quitter son poste la semaine prochaine, la plus haute médecin du Canada affirme qu'il est plus important que jamais pour le Canada de défendre la science et de lutter contre la désinformation.
Elle a occupé le poste d'administratrice en chef de la santé publique pendant huit ans, mais est devenue célèbre au cours des cinq dernières années, alors qu'elle dirigeait la réponse de santé publique du pays à la pandémie de COVID-19.
Son mandat se termine le 20 juin et elle n'a pas d'autre poste en vue, a expliqué Mme Tam lors d'une entrevue vendredi, qui a permis d'aborder son désir qu'on se souvienne d'elle pour autre chose que la COVID, notamment pour sa passion pour l'équité en santé et son côté musical que le public n'a pas encore vu.
«Une planification stratégique a consisté à prendre un peu de temps pour réfléchir aux opportunités qui s'offrent à moi et à voir ce qui me passionne, mais qui a un sens», a-t-elle mentionné à propos de l'avenir.
«Je veux aussi passer un peu de temps avec ma famille et, vous savez, me concentrer davantage sur elle», a-t-elle ajouté.
Même si son travail lui «manquera beaucoup», la Dre Tam a confié qu'elle avait hâte de se consacrer à certains passe-temps délaissés par son emploi du temps chargé, notamment la course de fond et la musique.
«Je suis musicienne et je n'y ai pas vraiment prêté attention, a indiqué la Dre Tam, précisant qu'elle joue du piano, du violon, du violoncelle et de la trompette. À un moment donné de ma carrière, j'en ai laissé tomber beaucoup.»
Mais elle a gardé ses connaissances musicales à l'esprit pendant la pandémie.
«J'ai appliqué une grande partie de mes connaissances musicales à la gestion de situation d'urgence. Je me considère donc toujours comme une cheffe d'orchestre et je sais comment gérer ces situations», a-t-elle analysé.
Retour sur la pandémie
Si la pandémie a fait plus de 60 000 morts au Canada et a bouleversé de nombreux aspects de la vie quotidienne, la médecin espère que les Canadiens s'en souviendront aussi comme d'une période où les collectivités ont réagi aux mesures d'atténuation de la santé publique — notamment une campagne de vaccination contre la COVID-19 — qui ont permis d'éviter que le bilan ne soit bien plus lourd.
«Si les communautés n'avaient pas agi comme elles l'ont fait, nous n'aurions pas obtenu un résultat relativement bon, comparativement à d'autres pays du G7, par exemple», a-t-elle soutenu.
Interrogée sur l'impact du rythme effréné de la pandémie et des attaques de personnes mécontentes des mesures de santé publique sur elle, la Dre Tam a souligné que ses réseaux de soutien, tant au travail que dans sa vie personnelle, lui avaient été utiles.
«Mentalement, c'était très stressant pour tout le monde», a-t-elle déclaré.
Elle a cependant ajouté que les responsables de la santé publique provinciaux et territoriaux et de nombreux autres collègues s'entraidaient.
«Il y avait des conversations le dimanche, qui sont devenues très techniques, mais, en même temps, nous voulions profiter de ces occasions pour simplement connecter à distance et nous demander: "Regardez, que se passe-t-il ? Comment pouvons-nous nous entraider ?"», a-t-elle expliqué.
Elle remercie également sa famille, ses amis et ses voisins «qui m'ont tous soutenue lorsque je me sentais tellement épuisée que je n'en pouvais plus.»
Un héritage plus vaste
La médecin ne veut pas que son héritage soit dominé par la COVID-19. Médecin spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques de formation, elle a rejoint l'équipe de santé publique du gouvernement fédéral en tant qu'épidémiologiste de terrain en 1998, pour finalement accéder au poste d'administratrice en chef adjointe de la santé publique, puis à celui d'administratrice en chef en juin 2017.
Bien qu'elle ait géré plusieurs crises de santé publique, notamment le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, la grippe porcine H1N1 en 2009, la variole, la rougeole et la menace de la grippe aviaire H5N1, la Dre Tam affirme que sa passion a toujours été de travailler pour l'équité en santé pour tous.
Cela comprend le travail auprès des groupes racialisés, des personnes à faible statut socioéconomique et des peuples autochtones, ainsi que des personnes confrontées à des défis sociétaux complexes, comme la consommation de substances et les changements climatiques, qui menacent la santé publique.
«Mon ambition a toujours été de relier l'économie, la santé sociale et l'environnement. Et cela, je l'espère, sera une belle conclusion à ma carrière d'administratrice en chef de la santé publique», a-t-elle avancé.
En 1998, année où la Dre Tam a commencé à travailler à la santé publique fédérale, la rougeole a été déclarée éradiquée au Canada. À son départ, les cas de virus sont en hausse.
«Voir la rougeole revenir est évidemment inquiétant pour moi», a-t-elle déclaré.
«Mais je veux laisser un message d’espoir : “Nous l’avons déjà fait et nous pouvons le refaire”», a-t-elle ajouté à propos de l’arrêt de la transmission du virus au Canada.
Pour y parvenir, il est toutefois essentiel de lutter contre la désinformation et de renforcer la confiance dans les vaccins et la recherche qui les sous-tend.
«Nous devons prêter attention aux jeunes et aux jeunes adultes. Ce sont des parents actuels et futurs, a-t-elle mentionné. Ils s’informent principalement sur les médias sociaux et le cyberespace. Ils sont beaucoup plus exposés à la désinformation.»
Selon la Dre Tam, il est crucial pour le Canada de défendre la science et de lutter contre la désinformation dans le contexte des mesures anti-santé publique prises par le président américain Donald Trump et le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, Robert F. Kennedy fils, notamment l'annulation des projets de recherche des National Institutes of Health et le remplacement du comité consultatif sur les vaccins des Centers for Disease Control and Prevention.
«Nous nous concentrons sur nos approches scientifiques. Nous pouvons jouer un rôle international encore plus important (en matière de santé publique) dans ces circonstances», a-t-elle soutenu.

