La FIQ se trouve à avoir perdu sa cause sur le Temps supplémentaire obligatoire devant la Cour d'appel, qui vient d'accueillir l'appel des parties patronales dans ce contexte.
Le fond du litige remonte à une requête de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) — la grande organisation syndicale des infirmières — devant le Tribunal administratif du travail, en 2019.
La FIQ lui demandait de rendre des ordonnances pour que cesse la «pratique abusive» des heures supplémentaires obligatoires — une pratique qui est érigée en mode de gestion plutôt qu'exceptionnelle, avait-elle plaidé. Et cela a des répercussions sur la santé des infirmières, leur rétention dans le réseau et la qualité des soins au public.
Le Tribunal administratif du travail avait toutefois décliné compétence, donc refusé de se prononcer sur la question, affirmant qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans la gestion des ressources humaines des établissements de santé.
La FIQ avait contesté cette décision devant la Cour supérieure, qui avait penché en sa faveur, en 2022.
La Cour supérieure avait jugé que le Tribunal administratif du travail aurait dû entendre la preuve et les arguments de la FIQ sur l'épuisement professionnel des infirmières en lien avec le recours au TSO, avant de trancher. Le juge avait donc annulé les décisions et retourné le dossier au Tribunal administratif du travail, afin qu'il statue sur le fond.
«Il y a peut-être et peut-être certainement un conflit créé par l’utilisation abusive ou soi-disant abusive du TSO, ça n’est apparemment pas contesté, peut-être une action concertée des gestionnaires pour l’utiliser parce que moins compliqué ou moins coûteux (selon les prétentions des syndicats) et peut-être atteinte à un service au public, le tout ne pouvant être décidé sans examen. La thèse des demandeurs est peut-être difficile à démontrer, mais personne ne prétend qu’elle est farfelue; il fallait donc leur permettre de la présenter», avait écrit le juge Marc St-Pierre, de la Cour supérieure.
En Cour d'appel
Ensuite, ce sont les établissements de santé qui ont contesté la décision de la Cour supérieure en Cour d'appel.
Et la Cour d'appel vient de renverser la décision de la Cour supérieure et de rétablir la décision du Tribunal administratif du travail, qui avait estimé qu'il n'avait pas à s'immiscer dans la gestion des ressources humaines des établissements de santé.
La Cour d'appel souligne, dans sa décision, que ce sont les parties qui avaient convenu, avant l'audience devant le Tribunal administratif du travail, de procéder sur la question de sa compétence à rendre les ordonnances demandées par la FIQ.
«Or, le juge de la Cour supérieure a complètement changé la donne en décidant que le TAT-DSE (Tribunal du travail-Direction des services essentiels) ne pouvait se prononcer sur sa compétence matérielle sans entendre une preuve portant au fond», écrit la Cour d'appel.
«En concluant de la sorte, le juge a substitué au cadre d'analyse déterminé par les parties et le TAT-DSE sa propre vision de ce qui devait être décidé par ce dernier. Ce n'était certes pas son rôle que de trancher une question que les parties avaient convenu de ne pas soumettre à l'attention du TAT-DSE», ajoutent les juges Manon Savard, Jocelyn F. Rancourt et Judith Harvie, dans leur décision.
La FIQ toujours déterminée
La FIQ n'a pas encore décidé si elle allait pousser cette cause plus loin. «Nous en sommes toujours à l’étape de l’analyse pour déterminer les suites à y donner», a-t-elle fait savoir.
Chose certaine, elle compte poursuivre son combat. «La FIQ poursuivra sa lutte sans relâche contre le TSO. Nous maintiendrons la pression sur Santé Québec et sur le gouvernement, afin que les établissements qui continuent à utiliser le TSO comme outil de gestion y mettent fin une bonne fois pour toutes.»
En ce qui a trait à la décision de la Cour d'appel: «depuis le dépôt de ce recours il y a six ans, la FIQ a remporté de nombreuses victoires en arbitrage, et la jurisprudence est désormais sans équivoque: le recours au TSO comme mode de gestion est inacceptable. Cette position a d’ailleurs été réaffirmée, une fois de plus, par la Cour d’appel, la semaine dernière. Dans son arrêt, la Cour ne remet aucunement en question cette jurisprudence; elle se limite à conclure que le Tribunal administratif du travail n’a pas compétence pour se prononcer sur les questions soulevées», a-t-elle commenté.
La FIQ fait ainsi référence à une autre décision de la Cour d'appel sur le TSO, qui remonte à la fin d'avril seulement, et a plutôt donné raison aux infirmières, cette fois syndiquées à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). L'angle de la cause, la requête et la preuve étaient toutefois différents.

