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Téléphones interdits en prison: Ottawa autorise l'utilisation de brouilleurs de fréquences

«Il s'agit de la première exemption de ce genre accordée à des établissements correctionnels.»

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Archives (La Presse canadienne)

Le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, François-Philippe Champagne, a autorisé vendredi l'utilisation des brouilleurs d'ondes afin de lutter contre l’usage de drones et de téléphones cellulaires dans les prisons.

«Les brouilleurs de radiofréquences bloquent les communications sans fil et rendent ces dispositifs inutilisables», a-t-il expliqué par communiqué. 

En vigueur depuis le 3 mars dernier, cette exemption en vertu de la Loi sur la radiocommunication s'applique dans tous les établissements fédéraux et provinciaux du Québec.

«L'arrêté représente un projet pilote et offre au SCC et au SMSC une occasion contrôlée de déployer et d'évaluer la technologie des brouilleurs, donnant ainsi l'exemple à d'autres organisations correctionnelles au Canada qui pourraient envisager l'utilisation de brouilleurs», a ajouté le ministre Champagne par communiqué.

Le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel, a accueilli positivement cette nouvelle. Selon lui, les précédents gouvernements fédéraux n'ont pas réussi à autoriser cette mesure.

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Avec cette autorisation, Québec espère arrêter davantage les criminels qui poursuivent leurs activités derrière les barreaux.

«C'est un gain substantiel pour le Québec dans la lutte contre la criminalité», a-t-il mentionné par communiqué, en remerciant le gouvernement fédéral. «L'utilisation des téléphones portables de contrebande qui entrent dans nos établissements est un enjeu de sécurité important qui est au centre de mes préoccupations.»

«Il n'est pas normal que les criminels puissent continuer leurs activités à l'intérieur des murs des prisons.»
-François Bonnardel, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie

Le ministre Bonnardel a rappelé que cet outil est «complémentaire» aux autres mesures déjà en place dans les établissements. Celles-ci incluent notamment les fouilles, la détection des drones, la sécurisation des cours et des fenêtres, le recours au renseignement ainsi que la collaboration avec les forces policières.

«Il s'agit d'une première étape qui nous permettra de mener des tests afin de déterminer si cette avenue est efficace. Ces tests guideront nos actions futures», a-t-il précisé.

Le gouvernement du Québec dit avoir fait la demande en octobre 2024. 

Des mesures insuffisantes pour contrer le problème?

Malgré ces mesures en place, la situation dans les prisons reste préoccupante. Entre la saisie d'objets interdits et l'utilisation illégale de téléphones, les détenus parviennent toujours à contourner les règles.

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Plus récemment, les autorités ont réussi à saisir des objets interdits d'une valeur de 60 000$ dans un établissement de détention de Québec, dans le cadre d'une opération «majeure» de fouille. Un total de 15 téléphones cellulaires, près de 350 grammes de tabac, plus de 200 grammes de produits du cannabis ainsi que quatre armes artisanales et des outils non autorisés ont été confisqués, selon le communiqué du ministère de la Sécurité publique.

«Ces saisies portent un dur coup au trafic institutionnel et aux personnes incarcérées impliquées dans ces activités», avait indiqué Isabelle Mailloux, directrice générale à la sécurité, sous-ministériat des services correctionnels du ministère de la Sécurité publique. 

Des agents carcéraux avaient toutefois confié à Noovo Info que la publication de l'opération sur les réseaux sociaux du Ministère de la Sécurité publique avait sans doute ameuté les détenus... et permis de camoufler le gros de la marchandise.

D'ailleurs, l'entrée de matériel illégal n'a pas ralenti; dans la nuit du 3 au 4 mars, deux lames de scie et des substances illicites ont été saisies.

Dans un autre reportage de Noovo Info, l'une des victimes de Marty Antoine, un dangereux proxénète qui a été condamné à 10 ans de prison, avait dénoncé que ce dernier continuait de publier régulièrement sur les réseaux sociaux à partir de sa cellule. Dans une chanson qu’il a publiée, il s'est même permis même la narguer. 

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«Il y a quelqu’un qui ne fait pas sa job quelque part. Les réseaux sociaux sont encore là. C’est assez pour traumatiser une femme, de se lever un matin et de voir son proxénète… C’est assez pour la faire revivre son choc post-traumatique», avait confié celle qui témoigne sous le couvert de l’anonymat.

En décembre dernier,  d’anciens gardiens et d’autres employés toujours actifs se sont confiés au micro de Noovo Info sur la situation dans les prisons québécoises. Entre multiplications des épisodes de violence, omniprésence de la drogue et des drones, la situation semble se détériorer.

-Avec des informations de Jean-Simon Bui et de Marie-Michelle Lauzon pour Noovo Info