Des applications mobiles comme Opal et Forest proposent de réduire son temps d’écran à l’aide d’alertes et de récompenses ludiques. Alors que leur popularité augmente, leur efficacité reste toutefois encore à prouver.
Aucune étude n’a démontré les résultats de ces applications, confirme Carolanne Campeau, conseillère en prévention des risques liés à l’usage des écrans pour l'initiative PAUSE.
Sur l’application Opal, l’utilisateur choisit des limites de temps pour les applications des catégories désirées. Lorsque la durée de consommation est atteinte, un écran noir bloque l’application. Il est possible de désactiver ces limites à tout moment en retournant dans les réglages. Un temps d’attente de cinq secondes est toutefois nécessaire avant d’accéder à l’annulation.
Pour les utilisateurs moins disciplinés, Opal offre un abonnement annuel au coût de 100$ qui renforce les blocages afin que ce soit presque impossible de les ignorer. Aux yeux de Mme Campeau, lorsque l’utilisateur est encouragé à payer pour avoir accès à des récompenses ou à des limites plus rigides, il est encore plus important de s’interroger sur le modèle d’affaire de l’application. «Qu’est-ce qui vient en premier, est-ce que c’est l’aspect de faire du profit ou est-ce que c’est l’aspect de santé publique?», se demande-t-elle.
Briser l’automatisme
L’experte admet d’emblée que l’ajout d’une application pour passer moins de temps sur les autres applications crée un paradoxe absurde. Néanmoins, les applications comme Opal et Forest imposent des pauses et fournissent des statistiques d'utilisation du téléphone intelligent qui facilitent l’analyse de ses habitudes numériques. L’utilisateur peut ensuite cibler les applications problématiques et modifier ses réflexes.
«Sur les réseaux sociaux, on perd parfois la notion du temps. Quand on a des applications qui viennent faire un rappel, ça permet à la personne de recadrer, c’est un temps de réflexion», explique Carolanne Campeau. En effet, ces rappels brisent l’automatisme, c'est-à-dire le réflexe inconscient de faire défiler l’algorithme à tout moment. Par contre, il n’a pas été prouvé que la déconnexion temporaire modifie les comportements sur le long terme.
«Ce que les études disent sur la déconnexion, c’est que ça va réduire le temps d’écran dans l’immédiat. [...] On n’a pas tant de données sur ce qui se passe après un mois, après deux mois, après trois mois», ajoute-t-elle.
Des récompenses préoccupantes
Plusieurs applications de déconnexion numérique exploitent des stratégies de ludification, soit l’intégration de mécanismes propres aux jeux vidéo pour motiver le respect des objectifs de temps d’écran.
Chaque défi de déconnexion réussi sur Opal permet par exemple de gagner une pierre précieuse à déballer avec des petits coups de doigt sur l’écran. Sur Forest, ce sont plutôt de nouvelles espèces d’arbres qui récompensent l’utilisateur. Une forêt colorée illustre des efforts soutenus de déconnexion et donc une grande maîtrise de soi. Ces récompenses suscitent «l’hormone du bonheur», la même dopamine qui est procurée par l’utilisation des réseaux sociaux, des jeux vidéo et des écrans en général.
Selon Carolanne Campeau, cette ludification exploite une vulnérabilité qui est déjà présente chez les personnes sensibles aux jeux vidéo. « Les applications qui n’utilisent pas ce type de jeux-là et qui se concentrent sur l’analyse des statistiques [...] seraient peut-être moins préoccupantes », souligne-t-elle.
Selon une étude de la Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, passer plus de 4 heures par jour sur un écran à des fins de loisirs peut nuire à la santé, en affectant le moral, le sommeil et l’état de satisfaction quotidien. En 2024, un sondage des experts en hyperconnectivité de l'initiative PAUSE a révélé que 95% des jeunes adultes aimeraient réduire leur temps d’écran.

