La plupart des économistes estiment que la Banque du Canada a le feu vert pour baisser ses taux d’intérêt mercredi, après qu’un rapport sur l’inflation a montré que les pressions sur les prix étaient relativement faibles en août.
L’inflation annuelle a atteint 1,9 % le mois dernier, indique mardi Statistique Canada. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 1,7 % de juillet, mais inférieur aux attentes des économistes qui tablaient sur une inflation de 2,0 % avant la publication.
Au Québec, l'inflation s'est établie à 2,7 % en août, après avoir été de 2,3 % en juillet. Sur une base annuelle, la croissance des prix s'est accélérée dans huit provinces.
Benjamin Reitzes, directeur général et spécialiste en stratégie — taux canadiens et macroéconomie chez BMO, souligne que «rien dans ce rapport ne permet à la Banque du Canada de dévier de sa trajectoire de baisse des taux».
L’accélération de l’inflation globale a été proche des attentes et les indicateurs de base — étroitement surveillés, car ils excluent la volatilité — n’ont montré aucun signe de hausse progressive.
Les chiffres annuels de l’inflation de base sont restés stables autour de 3 % et les tendances à court terme sont inférieures à ce seuil.
«Tant que nous ne constatons pas de détérioration, pour l’instant, je pense qu’ils sont d’accord pour réduire les taux», analyse M. Reitzes.
La banque a maintenu son taux directeur à 2,75 % lors de trois décisions consécutives, en attendant de plus amples informations sur l’impact du différend tarifaire avec les États-Unis sur l’économie et l’inflation.
L’économie canadienne s’est contractée au deuxième trimestre, les droits de douane ayant eu des répercussions, selon les données de Statistique Canada. Le Canada a également perdu plus de 100 000 emplois au cours des deux derniers mois, portant le taux de chômage à 7,1 %.
Une économie plus faible signifie moins de pression sur les prix à l’avenir, explique M. Reitzes.
Avis divergents
Les marchés financiers ont maintenu la probabilité d’une baisse des taux mercredi à plus de 95 % après la publication des données sur l’inflation, selon LSEG Data & Analytics.
La Banque Scotia, la Banque TD, la CIBC et la Banque Nationale s’attendent toutes à une baisse mercredi.
Les prévisionnistes ne sont cependant pas tous convaincus.
L’économiste de la Banque Royale, Abbey Xu, indique mardi dans une note à ses clients que la banque centrale devait trouver un «équilibre délicat» dans sa décision sur les taux.
Les premiers signes d’une reprise économique au troisième trimestre, la persistance de l’inflation sous-jacente, la résilience des dépenses de consommation et les mesures de relance budgétaire prévues par le prochain budget d’automne du gouvernement fédéral pourraient à nouveau faire grimper l’inflation dans les mois à venir, avertit-elle.
«Le rapport sur l’inflation publié aujourd’hui ne modifie guère cette évaluation, et nous continuons de penser que la décision de la Banque du Canada (mercredi) sera un choix serré entre une baisse de 25 points de base (...) et un maintien», ajoute Mme Xu.
La BMO s’attend à deux baisses d’un quart de point à un moment donné, mais M. Reitzes précise que le rythme des nouveaux assouplissements dépend des prochains rapports sur l’inflation.
Prix de l'essence en hausse
Statistique Canada soutient de son côté que la persistance des prix élevés à la pompe alimentait la hausse de l’inflation en août.
Les prix de l’essence ont augmenté de 1,4 % en août par rapport au mois précédent, l’augmentation des marges de raffinage ayant contrebalancé le recul des prix du pétrole brut, selon l’agence fédérale.
Les prix de l’essence ont diminué 12,7 % d’une année à l’autre en août, alors que le retrait de la tarification fédérale sur le carbone a continué de se faire sentir. Or, cette baisse était inférieure à celle de 16,1 % enregistrée en juillet, ce qui a fait grimper le taux d’inflation global.
Si l’on exclut les prix de l’essence, l’inflation a atteint 2,4 % en août à l’échelle nationale, en légère baisse par rapport aux trois derniers mois.
M. Reitzes avertit que la hausse des prix de l’essence pourrait continuer de faire grimper l’inflation globale en septembre, mais ajoute que la Banque du Canada tiendrait compte de ces influences dans l’élaboration de sa politique monétaire.
Il indique toutefois que la banque centrale pourrait s’inquiéter si les coûts du carburant commençaient à accroître les attentes d’inflation des Canadiens.
Les décideurs monétaires s’efforcent de maintenir les attentes des consommateurs et des entreprises en matière d’inflation à l’objectif de 2 % de la banque centrale à long terme. Sinon, des attentes plus élevées pourraient inciter les consommateurs à dépenser davantage et les entreprises à répercuter librement la hausse des coûts, alimentant ainsi l’inflation dans un cercle vicieux.
Le même problème pourrait se poser pour l’inflation alimentaire, constate-t-il, si les Canadiens continuent de voir leurs factures d’épicerie augmenter.
«C’est l’un des défis auxquels la Banque du Canada est confrontée actuellement: le prix des aliments, en particulier, quelque chose que l’on achète tous les jours, continue de grimper», indique M. Reitzes.
Les données sur l’inflation publiées mardi montrent que la situation à l’épicerie demeure mitigée le mois dernier.
À l’épicerie, les Canadiens ont pu constater que les prix des produits alimentaires ont augmenté de 3,5 % en août, soit une hausse d’un dixième de point par rapport à juillet.
La hausse des prix de la viande s’est accélérée pour atteindre 7,2 % en août, comparativement à 4,7 % le mois précédent. Le coût du bœuf frais ou surgelé a notamment bondi de 12,7 %.
Parallèlement, les prix des fruits frais ont baissé de 1,1 %, inversant la tendance par rapport à la hausse de 3,9 % enregistrée en juillet. Les raisins et les cerises ont entre autres connu des baisses de prix.
M. Reitzes explique que les Canadiens devraient bénéficier d’un certain soulagement dans le secteur de l’épicerie, «à la marge», grâce à la suppression par Ottawa de la plupart de ses droits de douane de rétorsion sur les États-Unis au début du mois, mais la conjoncture agricole demeure volatile.
La hausse des loyers et des intérêts hypothécaires reste le principal facteur à l’origine de l’augmentation de l’inflation annuelle.
Selon Statistique Canada, des offres de la rentrée scolaire moins alléchantes pour les forfaits cellulaires ont entraîné une hausse mensuelle des prix des services de téléphonie mobile en août.
La faible demande pour les voyages aux États-Unis a contribué à faire baisser les prix des voyages organisés de 9,3 % par rapport à l’année dernière.

