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L'ex-président français Sarkozy est en prison, une première historique

«Ce n’est pas un ancien président de la République que l’on enferme, c’est un innocent.»

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Nicolas Sarkozy officiellement incarcéré dans une prison parisienne Nicolas Sarkozy officiellement incarcéré dans une prison parisienne

L’ancien président français Nicolas Sarkozy a été incarcéré mardi à la prison parisienne de la Santé, après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle, une détention inédite dans l’histoire de la République.

C’est également une première dans l’Union européenne, où aucun ancien chef d’État n’a connu l’emprisonnement. Ailleurs dans le monde, des dirigeants comme le Brésilien Lula ou le Sud-Africain Jacob Zuma ont dormi en prison après avoir quitté le pouvoir.

Président de la France entre 2007 et 2012, aujourd’hui âgé de 70 ans, Nicolas Sarkozy va rester en détention «pour un minimum de trois semaines ou d’un mois», a estimé son avocat Christophe Ingrain.

Son client, qui clame son innocence et a fait appel de sa condamnation, a déposé une demande de mise en liberté immédiatement après son incarcération. La cour d’appel de Paris a deux mois pour statuer.

Nicolas Sarkozy est arrivé à la prison de la Santé, dans le sud de Paris, peu avant 9h40, accueilli par des «Oh bienvenue Sarkozy!», «Y’a Sarkozy!» lancé par des détenus depuis leurs cellules. Une demi-heure plus tôt, il était sorti de son domicile d’un quartier cossu de l’ouest parisien, à pied et accompagné de son épouse Carla Bruni, sous les vivats d’une centaine de partisans. Avant de monter dans sa voiture, il avait salué la petite foule qui a entonné la «Marseillaise» et scandé «Libérez Nicolas!».

L’ancien président a été condamné le 25 septembre à cinq ans de prison, reconnu coupable d’avoir, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, laissé ses deux plus proches collaborateurs entamer des pourparlers à Tripoli, en vue d’un financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi, qui ne s’est toutefois pas matérialisé, selon la justice.

En cause, des réunions fin 2005 de Claude Guéant et Brice Hortefeux avec Abdallah Senoussi, beau-frère du dictateur libyen, sous le coup d’une condamnation à perpétuité en France pour l’attentat contre un DC-10 d’UTA en 1989, dans lequel 170 personnes, dont 54 Français, ont trouvé la mort au-dessus du désert du Ténéré (Niger).

Une heure de sortie

«Ce n’est pas un ancien président de la République que l’on enferme, c’est un innocent», a encore répété mardi matin sur X l’ancien chef de l’État, qui se compare régulièrement à Alfred Dreyfus — officier envoyé au bagne en 1895 pour trahison sur la foi d’un faux document et sur fond d’antisémitisme débridé.

Condamné dans trois affaires, il estime être victime d’un harcèlement des juges.

Nicolas Sarkozy sera placé dans un quartier d’isolement, avec «une heure de sortie par jour dans une cour grillagée, seul», le reste du temps il sera «enfermé en cellule», selon son avocat.

Il bénéficiera de «trois droits de visite par semaine de sa famille».

L’ancien chef de l’État a indiqué avoir emmené dans ses affaires une biographie de Jésus et le roman «Le Comte de Monte-Cristo», un homme qui se venge après une condamnation injuste. 

«Débat légitime»

Plus encore que la condamnation de cette figure tutélaire de la droite française, la demande de son incarcération immédiate avait suscité la stupeur.

Les juges du tribunal correctionnel de Paris l’avaient justifiée par la «gravité exceptionnelle» de faits «de nature à altérer la confiance des citoyens».

Cette mesure de l’«exécution provisoire», qui permet de demander l’application d’une peine sans attendre l’examen d’éventuels recours, a déclenché de vifs débats en France ces derniers mois.

Elle a été prononcée en avril contre la cheffe de file de l’extrême droite Marine Le Pen, condamnée notamment à une peine d’inéligibilité pour détournement de fonds dans une affaire concernant des assistants parlementaires européens.

L’extrême droite avait dénoncé cette mesure, qui pourrait empêcher Marine Le Pen de se présenter à la présidentielle de 2027, comme un jugement «politique» de juges «tyrans».

Le sujet de l’exécution provisoire est «un débat légitime» qui doit être «mené dans le calme pour que notre justice puisse se faire et puisse évoluer dans la sérénité qui convient», a estimé mardi Emmanuel Macron, qui avait reçu vendredi Nicolas Sarkozy à l’Élysée, suscitant des critiques notamment à gauche.

Dans un sondage réalisé fin septembre, 61% des Français avait estimé cette incarcération «juste».