Une comptable rattachée au bureau de projet du virage numérique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) a exprimé avoir eu un «malaise» face aux taux horaires qui ont bondi à 350 $ de l'heure pour certaines ressources externes dès les débuts du contrat avec le consortium.
Elodie Hudon-Chabot, qui a témoigné lundi devant la commission Gallant, a toutefois jeté la responsabilité de cette décision aux «gestionnaires qui sont imputables à ce contrat-là». Mme Hudon-Chabot a mentionné que sa tâche était de réviser les factures liées au projet SAAQclic et non de les approuver.
«Moi, j'ai exécuté les décisions de gestion qui ont été prises», a-t-elle dit. Par contre, «moi même j'avais un malaise» face aux modifications salariales, a-t-elle poursuivi.
La procureure de la commission d'enquête, Marie-Claude Sarrazin, lui a rappelé ce que prévoyait le plan de la SAAQ identifiant les risques et les mesures de contrôle en lien avec le projet informatique nommé CASA (Carrefour des solutions d’affaires).
La question des taux horaires facturés non conformes au contrat faisait partie des risques à surveiller. La responsabilité de garder un oeil sur cet aspect et de prendre des actions revenait à Mme Hudon-Chabot, a souligné la procureure.
La comptable s'est défendue de ne pas avoir suivi les directives prévues au plan. Elle a affirmé que celui-ci a été adopté après la situation des changements à la rémunération. La fonctionnaire a aussi plaidé que le taux horaire de 350 $ existait au contrat, mais a reconnu que les balises encadrant son application étaient, à sa connaissance, absentes.
«J'ai observé que des gens changent de taux. Je pose la question et après, on m'envoie vers un gestionnaire qui me dit que la décision est prise. Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire de plus nécessairement. (...) J'ai opérationnalisé une décision qu'on m'a donnée», a-t-elle martelé.
Mme Hudon-Chabot a dit ensuite ignorer si elle avait porté plus loin ce dossier.
Au cours des audiences de la commission Gallant, il a été révélé que des ressources externes avaient vu leur salaire passer de 82 $ à 350 $ de l’heure sans une demande d’autorisation au préalable et sans véritable justification en 2018.
Le taux de 82 $/h, le plus bas prévu au contrat, était rattaché au profil d'emploi d'intégration technologique, tandis que celui de 350 $/h était lié à une «expertise de pointe».
Selon Me Sarrazin, la comptable a répété à plusieurs reprises aux enquêteurs de la commission qu'elle était de responsable de faire respecter le contrat en lien avec les questions financières.
«J'avais une responsabilité de vérifier que les taux étaient bien appliqués. C'est ce que j'ai fait, a affirmé Mme Hudon-Chabot devant le commissaire Denis Gallant. La décision d'utiliser ce taux-là a été prise plus haut que moi.»
«Jouer à la police constamment»
En contre-interrogatoire, Mme Hudon-Chabot a indiqué que les relations ont été difficiles avec le consortium formé des firmes SAP et LGS (IBM).
La fonctionnaire a dit avoir «eu l'impression de jouer à la police constamment» avec celles-ci.
«Je m'arrangeais pour bien connaître mon contrat. (...) Il fallait toujours contre-revérifier et s'assurer que ce qu'ils faisaient était correct ou conforme avec ce sur quoi on s'était entendu», a dit la comptable.
Même après une replanification du projet en septembre 2020 à la suite d'une négociation avec les fournisseurs, des enjeux demeuraient, a-t-elle relaté.
À la fin de son témoignage, Mme Hudon-Chabot a soutenu que ce travail de vérification mettait beaucoup de pression sur les épaules d'une seule personne.
«Je pense qu'une équipe plus étoffée aurait été peut-être moins à risque pour l'organisation à cet égard-là», a-t-elle conclu.
Mme Hudon-Chabot a par ailleurs remis en question l'estimation du Vérificateur général du Québec (VGQ) concernant le coût total du projet. En février dernier, le VGQ a avancé dans son rapport que CASA pourrait coûter «au moins 1,1 milliard $» d’ici le printemps 2027, soit une hausse d'environ 500 millions $ par rapport au budget initial.
Mme Hudon-Chabot estime que le VGQ «surévalue» la facture pour la phase d'exploitation. Selon elle, il a surestimé la consommation de contrats octroyés en 2024 pour assurer l'exploitation et l'évolution du projet. L'un d'eux est à l'heure actuelle «très peu consommé», a affirmé la fonctionnaire aux finances.

