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Pipelines: le caucus libéral est capable de «bonnes discussions», dit Mark Carney

«Nous ne reculons pas sur l’environnement», a lancé le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Steven MacKinnon.

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80de70fee109f3234a49312294ccc39e07e3626e9ec3b0e5946d95785f50fe34.jpg Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Steven MacKinnon, s'adresse aux journalistes alors qu'il se rend à sa réunion de caucus sur la Colline du Parlement à Ottawa, le mercredi 26 novembre 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld (Adrian Wyld/Adrian Wyld / La Presse Canadienne)

Le premier ministre Mark Carney vante son caucus comme étant «diversifié», «ouvert» et propice à de «bonnes discussions» au moment où il compte annoncer, jeudi, un protocole d'entente entre Ottawa et l'Alberta qui faciliterait un éventuel projet d'oléoduc vers la côte Pacifique. 

M. Carney a fait ces commentaires alors que des membres de son caucus pourraient être réticents à ce type d'accord et alors que le gouvernement britanno-colombien n'a pas caché sa vive opposition.

«C’est un caucus ouvert avec des bonnes discussions et des membres du caucus à travers le pays, de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse, y compris le Québec», a-t-il dit au cours d'un point de presse, mercredi, visant à présenter des mesures de soutien pour les secteurs de l'acier et du bois d'œuvre.

Questionné à savoir ce qu'il répond à d'éventuelles critiques venant de membres de son caucus préoccupés par l'environnement, M. Carney a souligné que l'annonce qu'il compte faire jeudi comportera plus d'un aspect.

«Ce protocole est plus grand qu’un oléoduc. Oui il y a là un aspect, mais au fond c’est un protocole qui va renforcer l’économie canadienne, l’indépendance canadienne, la soutenabilité de notre économie», a-t-il affirmé.

Il a par ailleurs ajouté que tout grand projet jugé d'intérêt national devrait être «aligné à nos objectifs climatiques». «S’il y aura un oléoduc, il faut avoir une combinaison avec des grandes initiatives environnementales en même temps.»

Les libéraux, des écolos?

Plus tôt mercredi, des députés libéraux ont assuré que leur parti demeure écologiste.

«Nous ne reculons pas sur l’environnement», a lancé leur leader parlementaire, Steven MacKinnon, à son arrivée à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

M. MacKinnon a expliqué qu'il faudrait attendre de lire le protocole d'entente en question avant de sauter aux conclusions. «Si j’ai appris une chose en politique, c’est d’attendre de voir ce qui est écrit dans le document», a-t-il déclaré.

La rencontre entre élus libéraux a donné lieu à de «très bonnes discussions», s'est contenté de dire le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Tim Hodgson, à sa sortie de la salle de réunion.

Aux libéraux qui seraient préoccupés par d'éventuels compromis environnementaux, le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, répond ceci: «Lisez le budget».

«On est le pays du G7 avec les crédits d’impôt les plus généreux pour les technologies vertes, pour décarboner l’industrie canadienne», a-t-il élaboré.

Corey Hogan, l’un des deux députés libéraux de l’Alberta, ne cachait pas son enthousiasme et a assuré que les Albertains sont «largement stéréotypés» bien qu'ils se «soucient grandement» de l'action climatique.

M. Hogan s'est dit «absolument» certain qu'aucun député libéral ne quittera le navire dans la foulée d'une telle annonce.

Mais d'autres ne sautaient pas de joie. Le ministre Steven Guilbeault, la conscience verte des libéraux, est passé en coup de vent devant la presse parlementaire et a refusé, comme la veille, de répondre aux questions.

Au cours de la période des questions, il a évité de répondre directement au chef bloquiste Yves-François Blanchet qui lui demandait s'il était «confortable» avec l'«agenda pétrolier» de M. Carney agissant «au détriment du climat».

M. Guilbeault a toutefois profité de l'occasion pour tirer à boulets rouges sur le chef bloquiste en revenant sur son passé de ministre de l'Environnement de l'ex-gouvernement québécois de Pauline Marois. «La question du chef du Bloc québécois serait peut-être plus pertinente s’il n’avait pas lui-même autorisé des forages sur l’île d’Anticosti en plein milieu du fleuve Saint-Laurent, qu’il n’avait pas permis l’inversion du pipeline 9B», a riposté M. Guilbeault.

Le député et ancien ministre Marc Miller a pour sa part déclaré qu'il pourrait «peut-être» appuyer un projet d'oléoduc. Cela dépendrait de l'acceptabilité sociale, a-t-il noté. Selon lui, l’évaluation environnementale et l’implication de groupes autochtones joueront un rôle crucial.

Le Toronto Star a rapporté que des députés libéraux de la Colombie-Britannique seraient furieux de ne pas avoir été tenus informés de l'avancement des pourparlers avec l'Alberta.

Un veto pour la Colombie-Britannique?

Chez les conservateurs, le chef Pierre Poilievre estime qu'un protocole d'entente «ne veut rien dire», vu que le gouvernement fédéral juge que la Colombie-Britannique devra donner son accord, ce qui est loin d'être acquis en raison de la grande résistance actuelle.

M. Poilievre a martelé mercredi que le premier ministre britanno-colombien, David Eby, n'a pas l'autorité d'avoir un droit de veto sur un projet de pipeline reliant l'Alberte à la côte Pacifique.

«Les travaux effectués entre différentes provinces sont la responsabilité exclusive du gouvernement fédéral. Alors, le premier ministre (Carney) va-t-il arrêter de se cacher derrière un premier ministre dépourvu de pouvoir, se tasser du chemin et approuver un pipeline vers le Pacifique aujourd'hui?», a-t-il lancé lors de la période des questions.

Le premier ministre Mark Carney avait soutenu, la veille, qu'il croit en un «fédéralisme coopératif» et qu'il est d'avis que «le gouvernement de la Colombie‑Britannique doit donner son accord». 

Le député conservateur britanno-colombien Ellis Ross a exprimé une opinion plus nuancée que M. Poilievre. Il croit que le protocole d'entente va «simplifier la demande» qui sera déposée.

Il a refusé de dire s'il croit que sa province devrait avoir un veto sur le projet, affirmant simplement que la constitution ne prévoit pas cela dans le cas des projets interprovinciaux, mais que M. Carney a laissé entendre que ce serait néanmoins le cas dans une certaine mesure.

Quoi qu'il en soit, il est clair pour M. Blanchet que M. Carney se détourne de la lutte aux changements climatiques dans le but de «transformer le Canada encore davantage en pétromonarchie».

«On dit aux gens ''Oubliez les enjeux environnementaux, ça n'existe plus. Regardez bien le pendule. Ça n'existe plus''», a-t-il dit en faisant allusion à une séance d'hypnose.

M. Carney répète depuis le printemps dernier qu'il a l'ambition de faire du Canada une «superpuissance énergétique» et il inclut dans l'équation le pétrole et le gaz.

«Il ne devrait pas vendre l'idée que le futur du Canada est dans le pétrole et le gaz», a tranché M. Blanchet.

Le chef bloquiste a noté qu'il ne sera pas évident pour le premier ministre d'obtenir l'assentiment du gouvernement britanno-colombien. De même, il a relevé qu'il pourrait se mettre à dos une partie du caucus libéral. «Et s'il ne réussit pas, ce sera un échec de plus. Un échec dans un échec dans un échec pour ce gouvernement», a-t-il conclu.

Avec des informations d'Émilie Bergeron

Michel Saba

Michel Saba

Journaliste