Société

«Pretendians»: quand des usurpateurs participent à «l’effacement des voix autochtones»

«Aujourd’hui, être Autochtone, c’est très cool.»

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Le phénomène des «Pretendians» relance le débat sur l'identité autochtone et la reconnaissance des véritables communautés. (La Presse canadienne)

La question de l’identité autochtone refait surface après la publication de nouvelles preuves généalogiques par la Nation W8banaki. Celles-ci révèlent «sans équivoque» qu’aucun lien réel n’a pu être établi entre certains individus se disant descendants de tribus Abénakises du Vermont et du New Hampshire et les communautés reconnues. 

Ce phénomène, que plusieurs appellent les Pretendians, renvoie à des personnes qui revendiquent une appartenance autochtone sans reconnaissance officielle ni lien culturel. 

De plus en plus visible sur les réseaux sociaux, la tendance soulève des questions sur la vérification historique et les effets de ces revendications sur les Premières Nations.

Cette appropriation identitaire est «un phénomène qui est très répandu, surtout ici dans l’est du pays», souligne Catherine Boivin, artiste atikamekw.

Elle y voit un lien avec la reconnaissance récente des cultures autochtones dans l’espace public.«Je crois que c’est dû au fait que les Autochtones, pendant longtemps, n’ont pas eu la place ni l’espace [auquel] ils ont droit. Aujourd’hui, être Autochtone, c’est très cool», ironise-t-elle.

«Ces gens-là nous prennent notre place»: quelles conséquences pour les communautés autochtones?

Pour Catherine Boivin, ces fausses revendications ont des conséquences directes sur les Premières Nations.

«Évidemment, c’est l’effacement des voix autochtones. [...] Nous, on a le droit à ces places-là, on a le droit de parler de nos cultures nous-mêmes. Mais ces gens-là nous prennent notre place. C’est comme un enjeu de plus sur le dos des Autochtones, alors qu’on essaie déjà de sensibiliser sur nos réalités, nos cultures», note-t-elle.

Elle dénonce aussi la présence de Pretendians «super actifs sur les réseaux sociaux» qui diffusent des représentations culturelles non vérifiées.

«Ils utilisent même l’intelligence artificielle pour créer des images de leur soi-disant culture», décrit Mme Boivin. «J’ai vu ces images-là, puis c’est malaisant.»

N’ayant «aucune preuve» matérielle de leurs revendications, ces individus se rabattent selon elle sur l’IA pour fabriquer de toute pièce des images de leurs prétendues pratiques culturelles. 

Un phénomène qui complique la reconnaissance culturelle

Malgré la visibilité croissante des Pretendians, l’identité autochtone ne se limite pas à un ancêtre lointain ou à un simple test généalogique, rappelle Catherine Boivin.

«Ils pensent qu’en ayant un ancêtre qui date des années 1600, ça fait d’eux des Métis, ça fait d’eux des Autochtones. Ils pensent qu'1% d’une goutte de sang autochtone parmi leurs lignées, ça fait d’eux des Métis autochtones. Alors que moi, je sais que j’ai des ancêtres par exemple qui sont russes, mais ça ne fait pas de moi une Russe», illustre-t-elle.

Pour l’artiste, la véritable appartenance repose avant tout sur le lien communautaire.«On dit souvent: “ce n’est pas comment tu te revendiques, c’est qui te réclame”. Quelle communauté te réclame?»

Catherine Boivin espère que ces discussions permettront de rappeler l’importance de la transmission culturelle authentique.

«On essaie déjà de sensibiliser sur nos réalités, nos cultures, mais ces gens-là viennent vraiment mettre plus de difficultés à ce qu’on réussisse», déplore-t-elle.

Un phénomène qui, selon elle, «cause du tort aux autochtones» et met en lumière la nécessité d’une meilleure compréhension des processus de reconnaissance et de protection des Premiers Peuples.

Mehdi Bouhadjeb-Hamdani

Mehdi Bouhadjeb-Hamdani

Journaliste

Mehdi Bouhadjeb-Hamdani

Mehdi Bouhadjeb-Hamdani

Journaliste