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Près de 430 000 Québécois ont quitté l'urgence sans recevoir de soins en 2024-2025

Voilà qui représente 11,6% de l'ensemble des visites dans les urgences d'hôpitaux, selon un rapport de l'EDM.

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Près de 430 000 Québécois ont quitté l'urgence sans recevoir de soins en 2024-2025 MTLNI-URGENCES QUEBEC 180925

Près de 430 000 Québécois ont quitté les salles d'urgence de la province sans avoir reçu de soins de santé l'an dernier, selon un rapport de l'Institut économique de Montréal (IEDM) publié jeudi et basé sur des demandes d'accès à l'information passées aux gouvernements provinciaux du Canada. Santé Québec a corroboré cette information auprès de Noovo Info.

Selon Santé Québec, ce volume de patients qui repartent de l'urgence sans avoir vu un professionnel est plus ou moins stable depuis 2022, mais l'organisation note que «l’augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que des cas plus complexes nécessitant plus d’attention sont parmi les causes des délais plus élevés dans nos urgences». 

Usagers qui ont quitté l'urgence avant leur prise en charge médicale depuis trois ans

  • 2022-2023: 432 275
  • 2023-2024: 414 352
  • 2024-2025: 428 668 (NDLR: le rapport de l'IEDM fait plutôt était de 428 676 patients)

Source: Santé Québec

Selon les calculs de Santé Québec, 70% des départs avant une prise en charge concernent des usagers classés en priorité 4 ou 5, «c’est-à-dire des usagers dont les besoins peuvent être pris en charge par d’autres professionnels de la santé», comme le commente la porte-parole Lisa Fiset dans un courriel envoyé à Noovo Info. En d'autres mots, ce sont des cas non urgents. L'échelle de priorité des patients remonte jusqu'à «P1», soit le niveau le plus urgent.

Ces patients P4 et P5 «ne partent pas parce qu’ils se sentent mieux», écrit toutefois Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM et auteure du rapport, «mais bien parce que le système les laisse tomber». 

Santé Québec avance que nos hôpitaux comptent une proportion plus élevée d'usagers P4-P5 que plusieurs autres provinces canadiennes et que près de 20% de ces patients qui quittent avant leur prise en charge retournent à l'urgence dans les deux jours.

L'IEDM croit que ce comportement d'une majorité des patients québécois relégués à la fin de la file d'attente et qui doivent attendre plusieurs heures «témoigne du manque d’accès aux soins primaires».

«Les patients contraints de retarder leur prise en charge ou d’y renoncer finissent souvent par voir leur état s’aggraver, ce qui mène à des cas plus complexes.»
- Emmanuelle B. Faubert, économiste à l'IEDM

Santé Québec répond avoir mis en place des solutions «concrètes» pour diminuer les délais de prise en charge, comme la réorientation de patients en situation non urgente vers des alternatives incluant des conseils infirmiers ou une consultation en pharmacie, l'optimisation des salles ambulatoires, l'ajout d'assistants dans l'aire ambulatoire ou encore la révision du rôle des coordonnateurs médicaux.

«Un appel au 811 avant de se rendre à l’urgence est toujours le bon geste à poser», ajoute la porte-parole Lisa Fiset. «Pour des besoins non urgents, les professionnels du 811 pourront trouver des alternatives aux urgences.»

L'IEDM, de son côté, croit qu'il faut «accroître le recours aux cliniques dirigées par des infirmières praticiennes, élargir le champ d’exercices des pharmaciens» et «autoriser la création de centres médicaux de soins immédiats non gouvernementaux, inspirés du modèle français, pour traiter les urgences non vitales».

 «Les décideurs doivent avoir le courage politique d’élargir l’offre de soins en faisant appel aux prestataires indépendants et complémentaires, faute de quoi la crise ne pourra que s’aggraver», dit l'économiste Emmanuelle B. Faubert.

Les patients qui quittent l'urgence sans soins: comparaison entre le Québec et le reste du Canada

Près de 430 000 patients, voilà qui représente 11,6% de l'ensemble des visites, calcule l'IEDM; le Québec a enregistré plus de 3,7 millions de visites aux urgences en 2024-2025, selon le rapport. Le Québec est la province qui compte le plus de patients qui repartent à la maison sans soins.

L'IEDM calcule que le rapport entre le nombre de patients qui ont quitté l'urgence sans soins et l'ensemble des visites au Québec a augmenté de 8,8% par rapport à 2019, soit juste avant la déclaration de pandémie de COVID-19 en 2020.

À titre comparatif, l'Ontario a vu 292 695 patients quitter les urgences lors de 5,95 millions de visites en 2024. La proportion sur un an est donc plus petite (4,92 %), mais a progressé de 31,03 % depuis 2019, soit près de quatre fois plus rapidement qu'au Québec. C'est dire que la situation s'aggrave à moins grande vitesse chez nous.

«Ce que ça veut dire, c'est que peut-être que l'augmentation est plus faible au Québec sur cinq ans comparée à d'autres provinces, mais ça veut aussi dire qu'au Québec c'était plus élevé en 2019 que les autres», a noté l'économiste Emmanuelle B. Faubert auprès de La Presse canadienne. «Ce n'est pas qu'il fait mieux, c'est parce que c'était déjà très élevé, les autres ont simplement plus rattrapé le Québec.»

La proportion québécoise semble moins élevée que la moyenne nationale, qui s'établit à 7,8%, selon le rapport, mais la comparaison reste difficile puisque les statistiques sont «incomplètes en raison du manque de qualité des données» fournies par le Nouveau-Brunswick, dit-on. Et en Saskatchewan, on ne dispose pas de données pour 2024.