Y existe-t-il un aliment plus polarisant que la coriandre? Ok, probablement que oui. Mais cette herbe fine est certainement dans le haut du palmarès. Pour certains, c’est la garniture ultime pour relever un taco. Pour d’autres, ça s’apparente à boire un shooter de savon à vaisselle. Et ce n’est pas une question de palais difficile, mais bien de génétique!
L’étude la plus connue sur le sujet, menée par 23andMe auprès de plus de 25 000 personnes, révèle qu’entre 10 et 20% de la population perçoit un goût savonneux en mangeant de la coriandre. Une proportion qui varie selon les régions du monde.
Selon le Dr Johannes Frasnelli, neuroscientifique expert en odorat et en goût, «ce qu’on appelle le goût est en réalité un mélange de goût et d’odeur» – plus précisément une perception olfactive dite rétro-nasale, c’est-à-dire l’air qui passe de la bouche vers le nez pendant qu’on mange.
«Il y a un récepteur qui est présent chez à peu près 10 à 15% de la population, donc pas chez tout le monde», explique celui qui est aussi professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières. «Si j’ai ce récepteur-là, je vais être extrêmement sensible à l’odeur de la coriandre», résume-t-il. Pour ces gens-là, la coriandre sent (ou goûte) carrément le savon. On parle ici d’un ressenti olfactif; de rétro-olfaction – un mot qui réveille peut-être un lointain souvenir d’un cours obscur de science en secondaire 3.
«Pour les autres, 85 à 90% de la population, qui n’ont pas ce récepteur-là, ils vont sentir la coriandre avec d’autres récepteurs moins sensibles. [...] Ils vont trouver que la coriandre donne un bel arôme. »
Mais même pour les personnes affligées du gène responsable de ce récepteur, tout n’est pas perdu. «On peut s’habituer à des odeurs en général, même celles qu’on n’aime pas, en nous y exposant dans des contextes agréables», avance Dr Frasnelli. Un voyage marquant au Mexique, par exemple. Ou des moments passés à cueillir des fines herbes dans le jardin avec Mamie. Le cerveau peut finir par associer l’odeur à un souvenir heureux, et transformer ce rejet en tolérance, voire en amour.
Bref, la coriandre, ce n'est pas juste une affaire de papilles: c’est aussi une histoire de vécu et de récepteurs dans le cerveau. Mais si la coriandre reste votre ennemie jurée, sachez qu’une panoplie d’autres fines herbes peuvent venir rehausser vos assiettes. Tout ça, sans vous torturer les papilles ou les narines.

