Le roi Charles III et la reine Camilla sont arrivés à Ottawa, lundi après-midi, pour une visite éclair qui culminera par la lecture du discours du Trône, mardi au Sénat, donnant le coup d'envoi de la 45e législature du Parlement.
Le couple royal a profité d'un temps radieux, voire estival, pour aller à la rencontre des citoyens qui s'étaient rassemblés, le temps de deux activités publiques, pour l'accueillir.
Il y avait un soleil de plomb et il faisait plus de 23 degrés Celsius lorsque le roi et la reine sont arrivés au parc Lansdowne, vers 14h, qui abrite notamment un complexe sportif et un parc d’expositions près du canal Rideau.
Quelques centaines de personnes attendaient impatiemment le roi et la reine, derrière les barrières métalliques, dans l'espoir de capter un cliché souvenir de cet évènement rarissime.
Annie Riendeau, une Montréalaise, a fait le voyage expressément pour voir le roi Charles. Elle est arrivée dès 9h pour s'assurer d'avoir une place en avant, ce qui lui a bien servi puisque le Roi a pris le temps de longer le périmètre de sécurité pour aller parler aux gens dans la foule, des deux côtés de la place publique, entre le Pavillon Aberdeen et l'Édifice de l'horticulture.
«C'est sûr que, personnellement, j'espère pouvoir lui montrer mon tattoo de la reine et lui montrer où le sien sera par la suite», a dit cette Montréalaise, exhibant fièrement son tatouage sur son avant-bras.
«De voir que notre roi est ici, aujourd'hui, c'est un beau pied de nez pour nos voisins américains qui vont être capables de voir que tu ne peux pas juste décider de vouloir le Canada! On appartient quand même au Commonwealth, donc à notre Roi», a souligné Mme Riendeau, qui voit dans la monarchie «quelque chose de très stable, avec des règles et des procédures» qu'elle trouve visiblement inspirantes.
Toutefois, un sondage Léger réalisé auprès de 1011 répondants du 16 au 18 mai au Québec indique que seuls 7 % des Québécois se disent personnellement attachés à la monarchie britannique, alors que 87% affirment ne pas l’être.
Presque la moitié des Québécois, soit 47 %, seraient même défavorables à l’invitation au roi Charles III pour venir faire le discours du Trône au Canada, selon ce sondage, dont la marge d'erreur est de plus ou moins 3,08 %, et ce, 19 fois sur 20.
Un moment marquant de l'histoire
S'i y avait des curieux dans la foule, il y avait aussi des gens qui ne voulaient pas manquer ce moment marquant de l'histoire.
«C'est rare que la royauté vienne visiter. Je n'aurai peut-être pas une autre chance de voir ça dans ma vie», a, pour sa part, indiqué Jessy Snadden. Ce résident de Gatineau a expliqué en entrevue que ça valait la peine de faire un détour pour s'y rendre.
«Je trouve que ça représente une des racines de la culture canadienne. Ce n'est peut-être pas dans les traditions à tout le monde au Canada: les Québécois, les Autochtones, mais ça représente quand même une grosse portion du peuple canadien», a-t-il souligné.
Comme Mme Riendeau, le Gatinois trouve aussi que le contexte géopolitique s'y prête bien.
«Ils sont ici pour nous aider à défendre notre souveraineté face à nos voisins au sud, donc nous sommes dans un moment intéressant de l'histoire canadienne et je voulais y participer, voir la royauté, et ce qui va en ressortir», a affirmé M. Snadden.
Deux heures avant l'arrivée du roi Charles et de la reine Camilla, les gens commençaient à peine à arriver sur place, mais plusieurs ont profité du beau temps et, vers 13h, il y avait alors environ 700 personnes dans la foule.
«Hier, quand je travaillais au restaurant, les filles riaient de moi et là, regardez où je suis», a raconté fièrement Sylvie Dion, qui n'arrivait pas à croire qu'elle avait trouvé aussi une place en avant de la foule.
«Je respecte ma culture, mais je respecte aussi mon Roi (...) J'ai pris l'autobus et j'ai rencontré un des musiciens qui va jouer pour le Roi», a dit cette Franco-ontarienne, qui habite maintenant à Ottawa.
Le couple royal a été accueilli par Steven Guilbeault, ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes et ministre responsable des Langues officielles, qui était accompagné de son fils Édouard, et par le maire d'Ottawa, Mark Sutcliffe, puis rejoint par le premier ministre Mark Carney.
Avant d'entrer dans l'édifice de l’horticulture, le Roi a aussi rencontré Chris Phillips, un ancien défenseur des Sénateurs d’Ottawa qui a été capitaine adjoint de l’équipe pendant 10 saisons. Au-delà de sa carrière de hockeyeur, M. Phillips est connu pour son engagement communautaire et de la philanthropie.
Le roi Charles a symboliquement laissé tomber une rondelle d'une partie de hockey-balle, opposant des enfants dans un espace aménagé devant la foule qui les a d'ailleurs chaleureusement applaudis.
Plusieurs artistes, des musiciens et des danseurs, ont offert des prestations à l'arrivée des monarques.
Une dizaine de manifestants avaient aussi réussi à se frayer un chemin dans la foule, vers l'avant, assez pour faire entendre leur opposition à la monarchie et au gouvernement libéral de Mark Carney. Il était cependant impossible de les entendre lorsque le roi et la reine sont arrivés en raison des cris de joie de la foule.
Une autre foule à Rideau Hall
Une autre foule de quelques centaines de personnes était aussi à l’extérieur de Rideau Hall pour la visite royale, dans un décor enchanteur sous les arbres.
Le roi Charles a d’abord poursuivi la tradition en participant à une cérémonie de plantation d’arbres, commémorant les visites des membres de la famille royale, des chefs d’État et autres dignitaires. Cette tradition remonte au début des années 1900.
Puis, le ciel s’est assombri soudainement, laissant même tomber quelques gouttes de pluie, mais cela n’a pas fait fuir les gens qui avaient mis leurs plus beaux atours pour accueillir le roi et la reine.
Ceux-ci ont d’ailleurs pris tout leur temps pour faire le tour du périmètre et discuter avec les gens. Le roi Charles a même donné la main à plusieurs personnes, un geste que l’on voyait rarement avec sa mère qui l’a précédé dans les mêmes fonctions, la reine Elizabeth II.
«Il m'a donné la main à plusieurs reprises, du temps qu'il était prince, et maintenant qu'il est roi», a raconté calmement Marion O'Brien, vers qui le roi est allé dans la foule, expliquant qu'elle a pu le rencontrer grâce à son travail à Rideau Hall, où elle fait le ménage.
«Lors de sa dernière visite à Rideau Hall, avant qu'il ne devienne roi, nous (le personnel) étions tous dans la salle de bal et il a donné la main à chacun de nous», a relayé la dame.
«Il est très gentil», a dit Mme O'Brien, soulignant que le roi Charles lui avait même déjà offert une petite boîte, qui sert de pilulier, qu'il avait lui-même peint à la main.
Audiences privées avec le Roi à Rideau Hall
Rideau Hall est la résidence officielle du Roi lorsqu’il séjourne au Canada.
Le roi Charles y a d'ailleurs tenu des audiences privées lundi avec la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, et ensuite avec le premier ministre Mark Carney. C'est ce dernier qui a invité le roi Charles à venir faire la lecture du discours du Trône mardi pour ouvrir la 45e législature du Parlement.
«Aujourd’hui, nous avons l’honneur d’accueillir au Canada Leurs Majestés le roi Charles III et la reine Camilla», a déclaré le premier ministre Mark Carney.
Il a rappelé que, dans le discours du Trône, le roi Charles va donner un aperçu des priorités du gouvernement fédéral pour le prochain mandat, tout en donnant le coup d'envoi de la 45e législature du Parlement.
Il sera notamment question de «définir une nouvelle relation économique et de sécurité avec les États-Unis, bâtir l’économie la plus forte du G7, réduire le coût de la vie et assurer la sécurité des communautés», a précisé le premier ministre dans un communiqué.
Le Roi a aussi rencontré les lieutenants-gouverneurs qui le représentent dans toutes les provinces canadiennes, y compris ceux de l’Ontario (Edith Dumont), du Québec (Manon Jeannotte) et du Nouveau-Brunswick (Louise Imbeault), ainsi que les commissaires du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.
Par ailleurs, la reine Camilla a été assermentée au Conseil privé du Roi pour le Canada. Il s’agit d’un groupe composé de ministres, d’anciens ministres et d’autres figures canadiennes éminentes nommés pour conseiller le Roi sur des questions importantes pour le pays. La reine Camilla obtient ainsi un rôle symbolique, mais constitutionnel de conseillère au Roi sur les affaires canadiennes.
Son époux était membre du Conseil privé de la reine Elizabeth II pour le Canada, de son vivant, avant l’accession de Charles au trône.
Le roi Charles et la reine Camilla devaient aussi signer le Livre d’or, qui est conservé normalement à la Bibliothèque du Parlement. Le document sera prêt par la suite à être signé par de futurs invités de marque.
Accueil avec tout le protocole
Plus tôt dans la journée, le couple royal a eu le droit à un accueil protocolaire à son arrivée au Centre d’accueil du Canada, à Ottawa, en début d'après-midi. Le roi Charles III et la reine Camilla sont arrivés à bord de l'avion Airbus CC-330 Husky de l’Aviation royale canadienne, un appareil généralement utilisé pour le transport sécurisé des hauts fonctionnaires.
Le roi et la reine ont été accueillis en bas de l’escalier de l’avion par deux officiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), une garde d’honneur de 25 membres du Royal Canadian Dragoons, soit le principal régiment blindé de l'armée canadienne, dont le roi est le colonel en chef, et des membres de la Musique centrale des Forces armées canadiennes.
La gouverneure générale Mary Simon et le premier ministre Mark Carney étaient aussi sur place pour accueillir le roi Charles et la reine Camilla à l'aéroport, ainsi que Cindy Woodhouse, cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, entre autres dignitaires.
La reine s'est fait offrir un bouquet de fleurs et des élèves du Québec et de l'Ontario avaient été sélectionnés pour les accueillir, dont ceux participant au programme du Prix international du Duc d'Édimbourg.
Les élèves de 6e année du Québec qui ont rencontré la reine fréquentent l’école primaire Pierre Elliott Trudeau, du secteur de Hull à Gatineau, qui est l’une des six Lab-Écoles du Québec.

