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Le Canada reconnaîtra l'État palestinien en septembre

La pression s'accentuait sur Ottawa pour emboîter le pas à la France.

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d347a31655c6896fd580c10d81afc89e2a9761a41154fe9bdaf797779e59f914.jpg Des manifestants brandissent le drapeau palestinien sur le campus de l'Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver, le 29 avril 2024. (Ethan Cairns | La Presse canadienne)

Le Canada reconnaîtra la Palestine en tant qu'État en septembre, a annoncé mercredi le premier ministre Mark Carney. 

La pression s'accentuait sur Ottawa pour qu'il emboîte le pas à la France, mais aussi aux plus de 140 pays qui reconnaissent déjà un État palestinien.

«Cette intention repose sur la volonté de l’Autorité palestinienne de mener des réformes essentielles. Notamment la promesse de son président Mahmoud Abbas d’organiser des élections générales en 2026 et de ne pas militariser l’État palestinien», a déclaré M. Carney en point de presse.

Le premier ministre a, une fois de plus, insisté pour dire que le Hamas ne doit jouer aucun rôle dans un futur État palestinien reconnu, ajoutant que l'organisation terroriste devra être désarmée.

Il a expliqué que la possibilité qu'un État palestinien voie le jour au terme d'un accord bilatéral négocié «s'est gravement érodée» par la menace que pose le Hamas et par l'«échec» du gouvernement israélien à empêcher la détérioration de la crise humanitaire à Gaza.

Ainsi, il n'y a plus de place aux «délais» pour enclencher des démarches visant à mener à une paix durable au Proche-Orient, a fait valoir M. Carney.

Le premier ministre a indiqué avoir eu une conversation avec M. Abbas, celui-ci lui assurant que l'Autorité palestinienne mènera les réformes demandées.

«Nous allons intensifier les efforts que nous déployons avec nos partenaires internationaux afin d’élaborer un plan de paix crédible», a promis M. Carney après avoir rencontré son conseil des ministres. 

Tout comme la France et le Royaume-Uni, le Canada a l'intention d'officialiser sa reconnaissance à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies qui doit avoir lieu en septembre.

Dans le cas du Royaume-Uni, le premier ministre Keir Starmer a signalé que la reconnaissance ne surviendra que si Israël n'a pas, d'ici à septembre, respecté une série de conditions, comme celle de l'instauration d'un cessez-le-feu et des efforts pour atteindre une solution à deux États.

L'ambassade d'Israël au Canada n'a pas tardé à tailler en pièces la «campagne de pression internationale» à laquelle Ottawa prend part, selon elle.

«Reconnaître un État palestinien sans un gouvernement imputable, des institutions fonctionnelles ou un leadership bienveillant récompense et légitimise la monstrueuse barbarie perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023», a-t-on soutenu dans une déclaration écrite.

Lors d'une conférence de presse organisée mercredi soir sur la Colline du Parlement, le président du Conseil national des musulmans canadiens, Stephen Brown, a déclaré qu'il s'agissait d'un «jour historique pour le Canada».

Il a indiqué que l'organisation était heureuse de voir le Canada rejoindre la «majorité mondiale» qui s'oriente vers la reconnaissance de la souveraineté palestinienne. Selon lui, la décision du gouvernement est «un petit pas dans la bonne direction» et affirme que la paix à long terme ne peut se faire sans l'autodétermination des Palestiniens.

«En même temps, il ne s'agit pas d'un point final, a expliqué M. Brown, ajoutant que davantage d'aide humanitaire devait être autorisée à entrer dans la bande de Gaza. Les Canadiens d'origine palestinienne, et en fait tous les Canadiens, toutes catégories démographiques confondues, souhaitent que la pression diplomatique s'exerce pleinement sur Israël afin qu'il autorise l'entrée de nourriture, d'aide et d'eau dans la bande de Gaza dès maintenant.»

M. Carney s'est aussi entretenu mercredi avec le président français Emmanuel Macron, après avoir fait de même mardi avec M. Starmer. Le jour même, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Anita Anand, s'est jointe à des homologues dans une déclaration appelant d'autres pays à s'engager à reconnaître l'État palestinien sans fixer d'échéance.

«Nous (...) avons d’ores et déjà reconnu l’État de Palestine, avons exprimé ou exprimons la volonté de le faire, ou l’envisageons, ce qui est une étape cruciale vers la solution des deux États, et invitons l’ensemble des pays qui ne l’ont pas encore fait à se joindre au présent appel», peut-on lire dans le texte notamment signé par les ministres des Affaires étrangères de la France, de l'Australie et de l'Islande.

Carney pressé d'agir

Depuis que la France a signalé qu'elle irait de l'avant, à court terme, avec une telle reconnaissance, plusieurs élus libéraux ont pressé M. Carney à lui emboîter le pas, en plus du Nouveau Parti démocratique qui a réitéré ses appels en ce sens.

Dans une déclaration, le Bloc québécois a salué l'annonce de M. Carney, mais a demandé que le gouvernement libéral adopte une posture plus sévère vis-à-vis de l'État hébreu.

«Il faut aller au-delà des mots et si la reconnaissance de la Palestine est un pas en ce sens, le Canada doit y joindre des mesures fortes, en prononçant rapidement des sanctions contre Israël et son cabinet de guerre», peut-on lire dans la déclaration.

Le Bloc a également réclamé l'ouverture d'une enquête sur l'envoi d'armes par le Canada à Israël.

Le Parti conservateur, quant à lui, estime qu'il est «impossible», dans le contexte actuel, «que le Hamas ne joue pas un rôle central» dans un État palestinien qui serait reconnu à court terme.

«Une déclaration unilatérale d’indépendance de l’État palestinien, sans négociations de paix ni renonciation à la violence, détruit la voie vers une solution durable à deux États», croit-on.

Quoi qu'il en soit, 173 anciens ambassadeurs canadiens, ex-consuls généraux et autres diplomates de haut niveau avaient pressé M. Carney de reconnaître un État palestinien.

«Le Canada a toujours été un fervent défenseur de l'État d'Israël. Toutefois, cela ne peut inclure une dispense lui permettant de renoncer à ses responsabilités en vertu du droit international humanitaire, de protéger les civils», peut-on lire dans une lettre envoyée à M. Carney et relayée aux médias mercredi.

Parmi les signataires, on retrouve Raymond A. J. Chrétien, ex-ambassadeur qui est également le neveu de l'ancien premier ministre Jean Chrétien.

D'anciens diplomates qui ont travaillé en Israël sont aussi du lot, comme Jon Allen et Lisa Stadelbauer.

«La reconnaissance de la Palestine par le Canada renforcerait notre engagement soutenu pour le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, et notre rejet de toute tentative de déplacement ou d'expulsion de Palestiniens, soutient-on dans la missive. Elle créerait un espace politique nécessaire pour préparer le terrain à un processus sérieux de négociation bilatérale.»

La guerre au Proche-Orient perdure depuis l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas.

Les combattants du Hamas ont enlevé 251 personnes lors de cette offensive et en ont tué environ 1200 autres, principalement des civils.

Plus de 59 000 Palestiniens ont été tués pendant la guerre, selon le ministère de la Santé de Gaza. Ce décompte ne fait pas de distinction entre militants et civils, mais le ministère affirme que plus de la moitié des victimes sont des femmes et des enfants. L'ONU et d'autres organisations internationales considèrent cette source de données comme étant fiable.

— Avec des informations de Dylan Robertson de La Presse Canadienne. 

Émilie Bergeron

Émilie Bergeron

Journaliste