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Tarifs de Trump: la réplique de Mark Carney et de François Legault

«Les Canadiens et les Canadiennes seront nos meilleurs clients.»

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Le premier ministre du Canada, Mark Carney, marche aux côtés de François Legault, premier ministre du Québec, à Ottawa le vendredi 21 mars 2025. Le premier ministre du Canada, Mark Carney, marche aux côtés de François Legault, premier ministre du Québec, à Ottawa le vendredi 21 mars 2025. (Adrian Wyld / La Presse Canadienne)

Alors que la nouvelle salve tarifaire du président américain Donald Trump est entrée en vigueur, Ottawa et Québec assurent qu'ils agiront pour protéger les emplois à risque dans les secteurs touchés par les droits de douane.

Les droits de douane imposés par les États-Unis sur les produits canadiens qui ne sont pas couverts par l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) ont été portés à 35 % vendredi, puisque Washington et Ottawa n'ont pas réussi à conclure de pacte commercial avant la date butoir fixée par M. Trump.

Dans une déclaration publiée sur le coup de minuit, vendredi, le premier ministre du Canada, Mark Carney, a soutenu que le gouvernement fédéral est «déçu par cette mesure».

Il a toutefois tenté de relativiser l'impact réel de ces nouveaux droits de douane, rappelant que, «grâce à l'ACEUM, le taux tarifaire moyen appliqué par les États-Unis sur les produits canadiens demeure l'un des plus bas parmi tous ses partenaires commerciaux».

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En dépit de ce constat, le premier ministre a reconnu que certains secteurs de l'économie canadienne, notamment le bois d'œuvre, l'acier, l'aluminium et les automobiles, sont «fortement touchés par les droits de douane américains».

Pour ces secteurs, le gouvernement fédéral «prendra des mesures pour protéger les emplois canadiens», a-t-il assuré.

«Les Canadiens et les Canadiennes seront nos meilleurs clients et contribueront à créer davantage d'emplois bien rémunérés au pays à mesure que nous renforcerons et diversifierons nos partenariats commerciaux dans le monde entier», a fait valoir le premier ministre.

«En collaborant avec les travailleurs canadiens et en utilisant les ressources de notre pays au profit de tous les Canadiens et Canadiennes, nous pouvons nous donner plus qu'aucun gouvernement étranger ne pourra jamais nous prendre.»

En réaction, le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré que son parti gardait espoir d'un accord mettant fin à tous les droits de douane américains sur le Canada, y compris les droits sectoriels imposés par Donald Trump sur des industries spécifiques.

«C'est l'accord que le Canada avait auparavant et le premier ministre ne devrait rien accepter de moins que cela», a affirmé M. Poilievre dans une publication sur les réseaux sociaux.

«Nous devons également reprendre le contrôle de notre avenir économique en mettant fin à notre dépendance envers les États-Unis. Nous demandons aux libéraux d'abroger les lois anti-développement et de réduire les taxes et impôts sur le travail, l'énergie, l'investissement et la construction de maisons afin de rendre notre économie forte, autonome et souveraine», a-t-il ajouté.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, dit lui aussi que la conclusion d'un accord est cruciale. Il ne s'est pas privé de lancer une mise en garde. «Le Québec doit être solidaire, mais vigilant et partie prenante pour préserver ses intérêts économiques qui diffèrent de ceux de l’Ontario ou de l’Ouest pétrolier, a-t-il écrit sur X. Face à l’arbitraire des décrets de Donald Trump, le maintien des règles de l’ACÉUM n’est pas une protection durable face à l’incertitude, surtout pas pour la forêt, l’aluminium ou la culture.»

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Le chef intérimaire du NPD, Don Davies, a reproché au premier ministre Carney d'avoir fait des concessions «qui n'ont pas permis d'atteindre ses objectifs».

«M. Carney savait que sa stratégie échouait. Il avait laissé entendre il y a quelques jours que le processus n'aboutirait pas dans les délais, et c'est maintenant chose faite, a-t-il déclaré dans un communiqué de presse publié vendredi. Le Canada doit continuer à faire pression pour obtenir un accord commercial solide. Les néo-démocrates exhortent le gouvernement libéral à agir dès maintenant pour protéger les travailleuses et travailleurs et l'économie.»

De son côté, le premier ministre du Québec, François Legault, a concédé que les droits de douane «sont dommageables pour nos travailleurs et nos entreprises», ajoutant qu'ils «nuisent aussi aux citoyens américains qui ont besoin de nos produits et de nos ressources».

«Les derniers événements soulignent toute l'importance que nous devons consacrer à diversifier nos marchés et à accroître notre autonomie économique. Nous allons appuyer nos travailleurs et nos entreprises», a-t-il tranché dans un message publié sur les réseaux sociaux.

M. Legault a indiqué que Québec reste en contact avec le gouvernement fédéral et les autres provinces pour la suite des choses.

Il estime qu'il faut poursuivre les discussions avec l'administration américaine, mais affirme que, dans tous les cas, son gouvernement va «défendre les intérêts des Québécois».

Encore l'argument du fentanyl

Au moment de justifier l'imposition de nouveaux droits de douane sur les produits canadiens, jeudi, le président Trump a une fois de plus eu recours à son argument concernant la lutte contre le fentanyl.

De l'avis de l'administration américaine, le Canada «n'a pas coopéré pour endiguer l'afflux continu de fentanyl» et n'a pas réussi à en «faire davantage pour arrêter, saisir, détenir ou intercepter de toute autre manière […] les trafiquants, les criminels en fuite et les drogues illicites».

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Le premier ministre Carney a répliqué à cet argument en notant que «seulement 1 % des importations américaines de fentanyl proviennent du Canada».

Il a aussi rappelé qu'Ottawa a investi des sommes «sans précédent» dans la sécurité frontalière afin «d'arrêter les trafiquants de drogue, de démanteler les gangs transnationaux et de mettre fin au trafic de migrants».

«Nous continuerons de collaborer avec les États-Unis afin de mettre fin au fléau du fentanyl et de sauver des vies dans nos deux pays», a-t-il promis.

Une enquête publiée cette semaine par La Presse Canadienne confirmait d'ailleurs que c’est le Canada qui a un problème de drogue provenant des États-Unis, et non l’inverse.

Durant les quatre premiers mois de 2024, les douaniers américains ont saisi «moins de 700 grammes» de fentanyl à la frontière canadienne, selon leurs statistiques.

Or, aux autres frontières américaines (Mexique, Porto Rico, maritimes et aéroports), ils en ont saisi un peu plus de deux tonnes métriques et demie, soit 2540 kilos.

Le fentanyl en provenance du Canada représentait alors 1,57 % du total des entrées saisies des deux côtés de la frontière.

Bâtir un «Canada fort»

Dans sa déclaration, Mark Carney a fait savoir que les négociations commerciales avec les États-Unis se poursuivent, mais que son gouvernement se concentre davantage sur ce qu'il peut contrôler.

«Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires travaillent ensemble pour réduire les obstacles au commerce afin de bâtir une seule économie canadienne», a-t-il réitéré.

Il a aussi évoqué les «grands projets d'intérêt national» sur lesquels son gouvernement compte miser pour donner du souffle à l'économie canadienne.

«Ensemble, ces initiatives pourraient générer de nouveaux investissements de plus de 500 milliards de dollars au Canada», a plaidé le premier ministre.

Jeudi, le président Trump avait aussi déclaré que la volonté du Canada de reconnaître l'État palestinien «rendrait très difficile» pour les États-Unis de conclure un accord commercial avec leur voisin du nord. M. Carney n'a pas répondu à cette affirmation dans sa déclaration.

— Avec des informations de Pierre Saint-Arnaud et de l'Associated Press

Mathieu Paquette

Mathieu Paquette

Journaliste