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Métro Média a annoncé vendredi la «suspension immédiate» de ses activités.
Dans une lettre publiée sur le site web du journal Métro, le président-directeur général Andrew Mulé a annoncé la suspension «des activités de Métro, de tous nos journaux et de nos sites web communautaires».
Dans le message, M. Mulé déplore le manque de soutien continu du gouvernement et des institutions comme Desjardins Culture, Investissement Québec et la SODEC et «avec lesquels nous échangeons régulièrement et activement au cours des derniers mois».
En raison de la fin du Publisac à Montréal, Métro Média a été dans l’obligation d’amorcer une transition du journal papier vers le numérique, mais sur un horizon de trois ans.
Mais le média n'a pas eu le temps de déployer pleinement son plan avant que les répercussions financières se fassent sentir.
«Les médias ont connu des moments difficiles au cours des dernières années, mais Métro a reçu un coup particulièrement dévastateur lorsque le maire de Montréal a annoncé la fin de notre mode de distribution, le Publi-sac», a écrit M. Mulé.
Le PDG de Métro dit avoir frappé à plusieurs portes afin de sauver l'entreprise, mais en vain.
«Le temps était mon pire ennemi et ce que je craignais est malheureusement arrivé, mais de manière brusque et soudaine. Le mercredi 9 août de cette semaine, nous avons été avertis que nous ne pouvions plus continuer nos opérations.»
Métro Média a été créé en avril 2018 au moment de l'acquisition du quotidien Métro ainsi que de 11 publications métropolitaines et de 5 publications de la Capitale-Nationale. Certaines de ces publications frôlaient le siècle d'existence.
«Étant l’un des derniers acteurs de l’information locale à Montréal, je peux vous assurer que Montréal a besoin de plus de journalistes, pas de moins. Ceux d’entre vous qui me connaissent bien savent qu’écrire ce message est très éprouvant. Non seulement j’aime Montréal, mais j’adore ce que Metro a fait pour cette ville. Du fond du cœur, je suis sincèrement désolé de ne pas pouvoir en faire plus», a conclu M. Mulé dans sa lettre.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a qualifié la nouvelle de «perte importante pour l’écosystème médiatique et le quotidien des Montréalaises et des Montréalais» dans une publication sur X.
C’est avec une grande tristesse que nous apprenons la suspension des activités du @journalmetro. C’est une perte importante pour l’écosystème médiatique et le quotidien des Montréalaises et des Montréalais.
— Valérie Plante (@Val_Plante) August 11, 2023
La transformation radicale de l’environnement d’affaires des médias…
Ce commentaire semble avoir piqué Andrew Mulé au vif, puisqu'il lui a répliqué que «la beauté de communiquer sur les médias sociaux (est le) contrôle total du message lors de la publication sans avoir besoin d'un fact-checking indépendant. Bonne chance avec ça Montréal.»
«C'est une bien mauvaise nouvelle pour les citoyens. L'accès à des sources d'information locales est important. Le ministère de la Culture et des Communications continuera de soutenir les journaux locaux, comme il le fait depuis plusieurs années», a réagi le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, lui-même un ancien journaliste.
Invité à commenter vendredi, le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a indiqué que la disparition des titres de Métro Média est «un autre exemple malheureux de la nécessité du projet de loi C-18. Google et Facebook reçoivent 80% de tous les revenus publicitaires numériques au Canada. Pendant ce temps, des centaines de salles de nouvelles ont fermé leurs portes. Une presse libre, fleurissante et indépendante est fondamentale pour notre démocratie. Maintenant, les Canadiens s'attendent que les géants du web paient leur juste part.»
My statement on Meta blocking news on Facebook and Instagram ⬇️ pic.twitter.com/fO8KS9uMpn
— Pascale St-Onge (@PascaleStOnge_) August 1, 2023
Le professeur à l'École des médias de l'UQAM Jean-Hugues Roy n'est toutefois pas surpris des déboires de Métro Média, qui tentait depuis plusieurs mois de survivre, notamment en tentant de se muer en coopérative.
«L'argument du Publisac, quand on sait qu'un jugement a été rendu il y a un peu plus d'un mois, ça démontre surtout que le modèle d'affaires de l'information qui est à la remorque de la publicité, ça ne marche plus», a-t-il dit. «La publicité ne peut plus constituer la seule ou la principale source de revenus pour financer l'information.»
«C'est un vieux modèle d'affaires qu'on a tenté de moderniser avec un virage numérique», a renchéri le professeur à l'École des médias de l'UQAM Patrick White. «On savait que ce n'était pas facile et que l'arrêt de la distribution des journaux a fait très mal.»
M. Roy craint que d'autres médias, qui dépendent encore de ce modèle d'affaires, n'emboîtent le pas à Métro Média dans les mois qui viennent.
«Encore beaucoup de journaux, dont en région, sont distribués par le Publisac. On a une voix qui s'éteint, mais plusieurs autres pourraient le faire», a-t-il ajouté.
La Fédération nationale de la culture et des communications-CSN (FNCC-CSN) demande notamment une «concertation des pouvoirs politiques», tant au niveau provincial que municipal, pour intervenir immédiatement dans le dossier afin de sauver l'information locale à Montréal.
«On ne peut tout simplement pas laisser aller le seul média qui couvre les actualités politiques, culturelles et sportives dans tous les arrondissements de la métropole du Québec», a affirmé Annick Charette, présidente de la FNCC-CSN, via un communiqué de presse publié samedi.
La fin précipitée de la distribution via Publisac et la chute massive des revenus qui a été la conséquence ont grandement contribué à fragiliser l'entreprise et ont mené à la situation actuelle, déplore la FNCC-CSN dans son communiqué.
«Il est temps que le Québec se dote de moyens conséquents pour soutenir l'information locale et régionale essentielle à notre démocratie et à la vitalité des communautés. La presse de proximité a un rôle essentiel à jouer. Ne pas contribuer à sa survie c'est renoncer à la valorisation des activités politiques et sociales qui cimentent les vies de quartier. C'est une responsabilité collective de maintenir cette institution», a ajouté la présidente de la FNCC-CSN, qui s'inquiète par ailleurs de l'impact sur les revenus publicitaires des médias du boycott des nouvelles canadiennes par Meta.
Avec des informations de La Presse canadienne et la collaboration d'Audrey Bonaque pour Noovo Info