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Carney n'exclut pas le déploiement de troupes canadiennes en Ukraine

Le premier ministre a indiqué que le Canada ne pensait pas qu'il soit «réaliste» que l'armée ukrainienne suffise à elle seule à garantir la sécurité.

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Le premier ministre Mark Carney et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se serrent la main alors qu'ils participent à une cérémonie à l'occasion du Jour de l'indépendance de l'Ukraine sur la place Sophia à Kyiv, en Ukraine, le dimanche 24 août 2... Le premier ministre Mark Carney et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se serrent la main alors qu'ils participent à une cérémonie à l'occasion du Jour de l'indépendance de l'Ukraine sur la place Sophia à Kyiv, en Ukraine, le dimanche 24 août 2025. (Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)

Le premier ministre Mark Carney a affirmé dimanche, lors d'une visite à Kyiv, qu'il n'excluait pas le déploiement de troupes canadiennes en Ukraine dans le cadre d'une éventuelle garantie de sécurité contre la Russie.

M. Carney s'est exprimé lors d'une conférence de presse avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à la suite d'une réunion bilatérale entre les deux hommes.

Interrogé sur le type de garanties de sécurité que le Canada pourrait offrir à l'Ukraine, M. Carney a répondu que l'armée ukrainienne devait être soutenue, mais que davantage d'aide serait nécessaire. Il a ajouté qu'il n'excluait pas la présence de troupes.

«On commence avec les forces armées ukrainiennes, mais on ajoute le soutien d'intelligence de la Coalition des volontaires, a-t-il dit. Il y a la possibilité, et je n'exclus rien, des forces de certains membres, y compris le Canada, de la Coalition des volontaires, ici en Ukraine.»

Le premier ministre a indiqué que le Canada ne pensait pas qu'il soit «réaliste» que l'armée ukrainienne suffise à elle seule à garantir la sécurité.

M. Carney a dit que le Canada travaillait avec ses alliés de la «Coalition des volontaires» pour déterminer quelles autres formes de protection pourraient être offertes par voie terrestre, aérienne et maritime.

Le Canada participe depuis plus de deux ans aux négociations sur la manière de contribuer à la conclusion d'un accord de paix en Ukraine.

Ces négociations ont donné naissance l'automne dernier à la coalition, un groupe de pays qui ont proposé de contribuer au financement ou au personnel d'une force de maintien de la paix sur le territoire ukrainien. Elle comprend la plupart des pays européens et d'autres pays, comme le Canada, le Japon et l'Australie.

M. Carney était à Kyiv lors d'une visite non annoncée, invité par M. Zelensky, pour participer au jour de l'Indépendance de l'Ukraine. Dans un discours prononcé lors d'une cérémonie marquant cette fête, M. Carney a déclaré en français que l'Ukraine se trouvait à «un moment critique» et que le soutien de la communauté internationale devait augmenter.

Sa visite intervient alors que les efforts pour trouver un accord de paix se sont intensifiés la semaine dernière, bien qu'aucun signe d'accord ne semble se dessiner dans l'immédiat.

Le président américain Donald Trump a rencontré le président russe Vladimir Poutine en Alaska au début du mois, puis a reçu M. Zelensky et d'autres dirigeants européens à la Maison-Blanche.

Dans son discours, M. Carney a salué «le leadership transformateur du président américain Donald Trump, qui a créé les possibilités pour la paix».

Malgré ces discussions, Moscou a lancé une série de frappes massives en début de semaine et continue d'insister sur sa nécessité d'être impliqué dans toute garantie de sécurité pour l'Ukraine. M. Zelensky a rejeté toute implication de ce type.

Les garanties de sécurité dépendront en grande partie de l'engagement des États-Unis. Donald Trump a exprimé son souhait d'éviter la présence de troupes américaines sur le terrain en Ukraine, mais a suggéré qu'une présence aérienne et un soutien en matière de renseignement pourraient faire partie des garanties de sécurité d'un éventuel accord de paix.

M. Carney a quitté le Canada tôt samedi pour son voyage, qui comprendra également des escales en Pologne, en Allemagne et en Lettonie. Il était l'invité spécial de M. Zelensky pour la fête nationale marquant les 34 ans de la déclaration d'indépendance de l'Ukraine de l'Union soviétique en 1991.

Il est arrivé à Kyiv en train tôt dimanche. La partie ukrainienne du voyage s'est déroulée sous silence médiatique pour des raisons de sécurité.

M. Carney et le ministre de la Défense, David McGuinty, ont été accueillis dimanche matin à la Gare centrale de Kyiv par l'ambassadrice du Canada en Ukraine, Natalka Cmoc, et des représentants du gouvernement ukrainien, dont le ministre des Affaires étrangères, Andrii Sybiha.

Carney réaffirme le soutien du Canada

M. Carney a prononcé un discours lors des cérémonies du jour de l'Indépendance de l'Ukraine sur la place Sophia, entouré de responsables, de soldats et de dignitaires ukrainiens. Keith Kellogg, l'envoyé des États-Unis en Ukraine, était présent aux côtés des ministres de la Défense de plusieurs pays qui soutenant l'Ukraine. 

«Monsieur le président, chers amis, mon message aujourd'hui est simple: le Canada sera toujours solidaire avec l'Ukraine», a-t-il déclaré.

«Nous serons toujours à vos côtés, afin que vos nombreux sacrifices mènent à la paix, à la sécurité et à la prospérité que tous les Ukrainiens, et tous les peuples, méritent.»

Il a soutenu que la cause de l'Ukraine – la liberté, la démocratie et la souveraineté – est la cause du Canada.

M. Carney a souligné que le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine sous l'ancien premier ministre Brian Mulroney.

Au pays, le chef conservateur Pierre Poilievre a publié un communiqué exprimant son appui à l'Ukraine. Il a notamment déclaré que son parti s'opposerait «à toute soi-disant “tentative de paix” qui refuserait à Kiev la place qui lui revient à la table des négociations».

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a rappelé les valeurs que défend actuellement le peuple ukrainien.

«Personne ne comprend mieux que l'Ukraine la valeur de l'indépendance, ce peuple qui la célèbre aujourd'hui au cœur d'une guerre sale du président russe qui veut la leur prendre, et alors qu'autrui veut décider pour eux ce qui est bon pour eux», a-t-il déclaré sur X.

Dans son discours, le premier ministre a dit que sa propre éducation reflétait l'Ukraine et sa diaspora au Canada.

«J'ai grandi dans les Prairies canadiennes où mon horizon ressemblait à votre drapeau. Là où mes camarades de classe portaient vos noms et où leurs parents et grands-parents parlaient votre langue», a-t-il affirmé.

«Le peuple ukrainien fait partie de l'histoire du Canada, une histoire dont les meilleurs chapitres restent à écrire.»

Le président Zelensky s'est adressé à la foule avant M. Carney, déclarant en ukrainien que c'était un honneur d'accueillir le premier ministre pour sa première visite officielle en Ukraine.

Après son discours, M. Carney a rejoint M. Zelensky et l'épouse du président, Olena Zelenska, pour déposer des fleurs devant le mur commémoratif des victimes.

Alexandra Chyczij, présidente du Congrès ukrainien canadien, était à Kyiv pour le discours de M. Carney. Pour elle, il s'agissait d'un «moment de fierté pour les Canadiens qui étaient là-bas».

Elle a confié qu'il était important pour l'Ukraine de bénéficier du soutien d'autres gouvernements et de «notre diaspora, de savoir qu'ils ne sont pas seuls».

M. Carney a également annoncé plus de détails sur le programme d'aide de 2 milliards $ promis par le Canada lors du Sommet du G7 à Kananaskis, en Alberta, plus tôt cette année.

Plus d'un milliard de dollars de cette aide seront fournis sous forme de drones, de munitions et de véhicules blindés, a-t-il précisé. Un montant supplémentaire de 680 millions $ servira à financer un lot d'équipement militaire jugé prioritaire par l'OTAN, qui sera livré à l'Ukraine le mois prochain.

Le Canada financera également la production conjointe de matériel de défense, comme des drones perfectionnés, auprès de fournisseurs canadiens, a détaillé M. Carney. Son engagement comprend des dizaines de millions de dollars pour financer des secours médicaux et des abris d'urgence, ainsi que pour soutenir la protection contre les attaques numériques et d'autres menaces à la démocratie ukrainienne.

«Poutine peut être arrêté»

Dans son discours, M. Carney a imputé à Vladimir Poutine la responsabilité de la terreur à laquelle sont confrontés les Ukrainiens.

«Mais Poutine peut être arrêté. L'économie russe s'affaiblit. Il s'isole de plus en plus. Et notre alliance se renforce. Elle devient plus efficace, plus déterminée et plus unie», a soutenu M. Carney.

Avant le voyage, un représentant du gouvernement canadien a indiqué que la Russie progressait «lentement» dans sa campagne pour reconquérir le territoire ukrainien.

Les services de renseignement canadiens suggèrent que la Russie perd environ 1000 soldats par jour dans le conflit, tandis que l'Ukraine en perdrait environ 500 quotidiennement, a précisé le représentant.

La Russie recrute des soldats d'autres pays, comme la Corée du Nord, pour soutenir son effort de guerre, a-t-il ajouté.

Cela a créé un manque d'harmonisation dans la formation des troupes russes, ce qui a entraîné une baisse du moral, donnant ainsi un avantage à l'Ukraine sur ce front.

Selon des experts, le Canada a tout intérêt à s'allier à l'Ukraine et à d'autres pays occidentaux pour se prémunir contre une Russie expansionniste, notamment dans les territoires arctiques.

La «Coalition des volontaires» doit maintenir son élan

Le responsable canadien a déclaré qu'il était important de maintenir l'élan au sein de la «Coalition des volontaires» plutôt que de reculer comme par le passé.

De nombreux obstacles subsistent encore pour parvenir à un accord de paix, notamment la définition des conditions d'un cessez-le-feu et le sort des territoires occupés par la Russie et du Donbass.

Moscou a annexé illégalement la Crimée et ses forces contrôlent des parties de quatre autres régions situées hors du Donbass. Au total, la Russie contrôle environ un cinquième de l'Ukraine.

L'Ukraine cherche également à obtenir des garanties de sécurité contre toute future invasion russe.

Des soldats canadiens sont présents en Europe dans le cadre de l'opération UNIFIER, une mission de formation des soldats ukrainiens lancée après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Le soutien du Canada jusqu'à présent dans le conflit comprend quelque 22 milliards $ d'aide financière à l'Ukraine, principalement sous forme de prêts, selon les chiffres d'Ottawa. Une estimation indépendante du groupe de Kiel évalue ce montant à environ 19,7 milliards $.

Le Canada joue un rôle majeur dans les initiatives humanitaires, notamment le retour des enfants ukrainiens enlevés par la Russie, le maintien des services de santé maternelle ainsi que la détection des mines et le déminage.

— Avec des informations de Craig Lord à Varsovie pour La Presse canadienne et de l'Associated Press

Bill Graveland

Bill Graveland

Journaliste