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Carney promet de rencontrer les chefs côtiers autochtones au sujet du pipeline

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Le premier ministre Mark Carney serre la main de Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, à la suite de son discours à l'Assemblée spéciale des chefs de l'Assemblée des Premières Nations, à Ottawa, le mardi 2 dé... Le premier ministre Mark Carney serre la main de Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, à la suite de son discours à l'Assemblée spéciale des chefs de l'Assemblée des Premières Nations, à Ottawa, le mardi 2 décembre 2025. (Adrian Wyld | La Presse canadienne)

Le premier ministre Mark Carney a déclaré que son gouvernement présenterait au printemps un projet de loi sur la salubrité de l'eau potable pour les Premières Nations, relançant ainsi un projet de loi qui avait été promis pour cet automne. 

Le premier ministre Mark Carney a promis de rencontrer les Premières Nations côtières après que leurs chefs ont voté à l'unanimité mardi pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il maintienne l'interdiction de la circulation des pétroliers au large des côtes du nord de la Colombie-Britannique. Les chefs se sont aussi exprimés en faveur du retrait de l'accord signé avec l'Alberta la semaine dernière, qui ouvre la voie à un nouveau pipeline.

Le chef régional de la Colombie-Britannique, Terry Teegee, s'adressant à M. Carney lors de la réunion spéciale de l'Assemblée des Premières Nations (APN) à Ottawa, a déclaré que le titre des Premières Nations dans la province «n'est pas une question de politique».

«Respectez-vous les directives des détenteurs de droits et de titres, et quelles mesures concrètes votre gouvernement mettra-t-il en œuvre pour garantir aux Premières Nations un véritable pouvoir décisionnel, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l'homme ?», a demandé M. Teegee, après l'allocution de M. Carney devant les centaines de chefs réunis.

M. Carney a indiqué que son cabinet avait déjà fait la demande officielle d'une rencontre avec les Premières Nations côtières.

«J'attends cette rencontre avec impatience», a-t-il dit.

Interrogé sur son opinion concernant la réponse de M. Carney à sa question, M. Teegee a affirmé que la promesse de rencontre n'a de valeur que si elle est suivie d'actes.

«S’il ne donne pas suite, tout cela ne sera que de vaines promesses, et c’est très inquiétant pour de nombreuses Premières Nations, et pas seulement en Colombie-Britannique», a ajouté M. Teegee.

Le 27 novembre, M. Carney et la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, ont signé un protocole d’entente visant à coopérer dans le domaine de l’énergie, ouvrant la possibilité d’une exemption à l’interdiction des pétroliers pour appuyer le projet de pipeline.

L’interdiction a été adoptée par voie législative en 2019, donnant ainsi force de loi à un moratoire non contraignant en vigueur dans la région depuis les années 1970. Elle interdit aux pétroliers transportant plus de 12 500 tonnes de pétrole brut de s’arrêter ou de décharger dans les ports situés entre l’extrémité nord de l’île de Vancouver et la frontière de l’Alaska.

 

Le chef Donald Edgars du village d’Old Massett, dans l’archipel Haida Gwaii, a présenté mardi une résolution appelant les chefs à réaffirmer leur soutien à l’interdiction des pétroliers et à appuyer les Premières Nations de la Colombie-Britannique dans leur opposition à tout nouveau pipeline.

M. Edgars a expliqué à ses pairs chefs qu'un nouveau pipeline vers la côte de la Colombie-Britannique n'était «qu'une chimère» et que l'adoption de sa résolution démontrerait à Mark Carney leur unité dans leur opposition.

«Nous ne pouvons pas laisser cela se produire, a expliqué M. Edgars aux chefs. J'appelle tous les chefs à rejeter ce dangereux précédent. Je leur demande d'appuyer les Premières Nations côtières qui rejettent fermement tout oléoduc traversant nos territoires.»

La résolution a été appuyée par Merle Alexander, avocat autochtone spécialisé dans les ressources naturelles et établi en Colombie-Britannique, qui a affirmé qu'une marée noire détruirait les moyens de subsistance des populations de la région.

Le premier ministre Carney a généralement été bien accueilli par la foule nombreuse, bien que certains chefs l'aient hué et que d'autres aient déploré le temps limité qui leur était accordé pour lui poser des questions. L'APN avait demandé aux chefs de limiter leur temps de parole à deux minutes chacun.

«Il a droit à 20 minutes, et nous seulement à deux ?», a crié Cody Diabo, grand chef du Conseil mohawk de Kahnawake, alors qu'on lui refusait la parole.

Le chef de la Première Nation de Cold Lake, Kelsey Jacko, connu pour ses prises de position lors des assemblées de l'APN, a interpellé M. Carney à sa sortie de scène, affirmant que les chefs avaient passé des heures à se rendre à Ottawa dans l'espoir de rencontrer le premier ministre.

Traditionnellement, les premiers ministres et leurs cabinets assistent à la réunion de l'APN en décembre afin de sonder l'opinion des dirigeants des Premières Nations et de prendre en compte les questions et critiques des chefs locaux.

Avant l'événement, la cheffe nationale de l'APN, Cindy Woodhouse Nepinak, avait déclaré à La Presse Canadienne que M. Carney aurait intérêt à venir à la réunion avec des engagements fermes concernant les revendications des chefs, comme la loi sur l'eau potable.

Ce qu'il a fait, annonçant aux chefs que son gouvernement présenterait un projet de loi sur l'eau potable au printemps, reportant ainsi l'examen d'un projet de loi initialement prévu pour l'automne.

Des solutions pour l'eau

M. Carney a également indiqué qu'il tiendrait une réunion conjointe avec les dirigeants fédéraux, provinciaux, territoriaux et des Premières Nations au début de la nouvelle année et que la coordination des solutions pour l'eau serait un point clé à l'ordre du jour, une revendication formulée depuis des années par Mme Woodhouse Nepinak et ses prédécesseurs.

Dans son discours, M. Carney a indiqué que 85 % des avis d'ébullition de l'eau dans les réserves ont été levés grâce à des investissements de plus de 7 milliards $ depuis 2016. Il a affirmé que son gouvernement s'est engagé à mettre fin aux 38 avis restants et a alloué 2,3 milliards $ supplémentaires à ce projet dans le budget de 2025.

Le premier ministre a reconnu la nécessité d'une solution plus permanente, fondée sur une approche coordonnée, «appuyée par un mécanisme de financement adéquat et avec la participation des provinces et des territoires».

Le projet de loi C-61, déposé lors de la précédente législature, visait à garantir aux Premières Nations l'accès à l'eau potable et la protection des sources d'eau douce sur leurs territoires. Il a été abandonné suite au déclenchement des élections ce printemps.

Ce projet de loi reconnaissait le droit inhérent des Premières Nations à l'eau potable et engageait le gouvernement à assurer un financement adéquat et durable pour les services d'eau dans les Premières Nations.

On ignore si ce projet de loi précis sera de nouveau présenté à la Chambre des communes ou si M. Carney envisage un tout nouveau projet de loi, compte tenu de la vive opposition des gouvernements de l'Alberta et de l'Ontario.

Lors de son allocution d'ouverture, Mme Woodhouse Nepinak a vivement critiqué le gouvernement Carney, lui reprochant son manque de consultations significatives avec les Premières Nations et les coupes budgétaires opérées dans les investissements fédéraux destinés aux communautés des Premières Nations.

Mme Woodhouse Nepinak a affirmé que les Premières Nations continueront de défendre leurs droits, tant devant les tribunaux qu'en dehors.

Depuis des mois, les dirigeants des Premières Nations critiquent l'approche du gouvernement Carney à leur égard, estimant que ses actions marquent un tournant majeur dans les relations instaurées par l'ancien premier ministre Justin Trudeau.

Ils accusent son gouvernement d'adopter des lois qui les affectent sans leur consentement ni leur collaboration, dans le cadre de sa volonté de remodeler l'économie en réponse à la guerre commerciale menée par le président américain Donald Trump.

La cheffe Woodhouse Nepinak a reconnu que «le Canada traverse une période difficile», mais a insisté sur le fait que Mark Carney n'obtiendra pas les gains économiques escomptés en excluant les Premières Nations des discussions.

«Le Canada peut créer tous les protocoles d’entente, bureaux de projets et groupes consultatifs qu’il souhaite, mais les chefs seront unis — et le sont déjà — lorsqu’il s’agit d’approuver des projets sur les terres des Premières Nations, a-t-elle déclaré. On ne pourra pas contourner les détenteurs de droits.»

L’assemblée se poursuit jusqu’à jeudi et plusieurs autres ministres fédéraux doivent prendre la parole avant la fin de la réunion.

Alessia Passafiume

Alessia Passafiume

Journaliste