Le premier ministre Mark Carney a annoncé jeudi la sélection de cinq premiers projets d'infrastructure qu'il souhaite voir approuvés et réalisés de façon accélérée, dont l'agrandissement du port de Montréal, en faisant le pari que certains d'entre eux entraîneront une réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
«Ça va réduire les émissions de gaz à effet de serre de 70 %», a-t-il dit, au cours d'un point de presse à Edmonton, au sujet du projet d'agrandissement de la mine de cuivre Red Chris, en Colombie-Britannique, qui s'est taillé une place sur cette liste.
Quelques instants plus tôt, il vantait un projet sélectionné de nouvelle mine en Saskatchewan en prédisant que l'initiative deviendra la toute première à être carboneutre en matière de cuivre au Canada.
M. Carney n'a pas précisé quelles sont ses attentes exactes quant à un possible volet carboneutre ou de réduction d'émissions dans le cas des autres projets, soit l'agrandissement du port de Montréal à Contrecœur, le doublement de la production de l'installation de gaz naturel liquéfié Kitimat, en Colombie-Britannique, et la construction d'un petit réacteur modulaire en Ontario.
La veille, le premier ministre avait déclaré devant son caucus réuni dans un hôtel que tous les projets annoncés dans cette première vague «feront avancer nos objectifs climatiques».
«On va investir plus dans le secteur des énergies propres que dans le secteur des énergies conventionnelles avec la tranche de projets et les stratégies que je viens d'annoncer», a-t-il dit lorsque questionné à ce sujet jeudi.
Il n'est toutefois pas clair quel financement fédéral sera allongé. «L'idée et la réalité vont être qu’un dollar fédéral, un dollar (d’argent) public va être multiplié par quatre, cinq ou plus de dollars (du secteur) privé», a soutenu le premier ministre.
Il a, encore une fois, soigneusement évité de réaffirmer l'engagement du Canada à atteindre ses cibles de réduction des gaz à effet de serre pour 2030 et 2035, malgré deux questions durant son point de presse lui donnant l'occasion de le faire.
«Je suis résolu à atteindre des résultats, pas avoir des objectifs. Je suis résolu afin d'avoir de vrais investissements, pas nécessairement des interdictions», a-t-il dit en semblant remanier des passages de son allocution de la veille.
M. Carney et plusieurs de ses ministres ont créé un flou, au cours des derniers jours, en évitant de réaffirmer clairement ces objectifs intérimaires devant mener à l'atteinte de la carboneutralité en 2050.
Le Canada prévoit notamment de réduire ses émissions d'au moins 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030, un engagement inscrit dans l'Accord de Paris.
Quelques députés libéraux ont exprimé leurs réticences à ce que cette cible et celle de 2035 soient révisées à la baisse.
L'un qui s'y oppose sans détour, Nathaniel Erskine-Smith, a dit, au sortir de la retraite de deux jours du caucus libéral, qu'il n'a pas obtenu de clarté au sujet de ces cibles.
«Je m'attends à en avoir plus dans la prochaine semaine, essentiellement», a-t-il dit.
Intercepté peu après, le ministre de l'Approvisionnement et élu de la région de Québec, Joël Lightbound, a quant à lui parlé de «plus à venir au courant de l'année» au sujet du plan climatique du gouvernement Carney.
«Je pense qu'il faut regarder les meilleures façons de protéger l'environnement, de lutter contre les changements climatiques et en même temps, en étant conscients de la réalité dans laquelle on vit actuellement avec la crise à laquelle on est confronté avec les tarifs américains, le ralentissement de l'économie», a-t-il offert comme réponse.
M. Lightbound a affirmé que le gouvernement est «concentré» à jumeler ces deux objectifs, faisant valoir que l'annonce de premiers grands projets en est un exemple.
Les initiatives sélectionnées seront examinées par le Bureau des grands projets du gouvernement, mis sur pied en lien avec la Loi visant à bâtir le Canada.
Cette législation édicte que les ministres fédéraux ont le pouvoir de désigner des projets comme étant d’intérêt national selon des «facteurs» optionnels, comme celui de «contribuer à la croissance propre».
En obtenant cette désignation, la réalisation pourra se faire sans que les initiatives n’aient à être conformes à de multiples lois, dont la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
M. Carney et ses ministres répètent que les «facteurs» identifiés dans la loi sont en fait des «critères».
Projets à peaufiner
En même temps que d'annoncer des projets sélectionnés, le premier ministre a tenu à transmettre cinq autres initiatives au Bureau des grands projets, qui, selon lui, sont près de pouvoir être décrétées comme étant d'intérêt national.
Parmi les projets qui devraient être développés davantage figure la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Toronto et Québec qui serait développée par Alto.
M. Carney en a profité pour vanter «l'objectif de réduction de 25 millions de tonnes d’émissions» de l'initiative.
Un autre projet en est un de captage de carbone en Alberta, Pathways Plus, qui, s'est enthousiasmé le premier ministre, «pourrait permettre d'énormes réductions d'émissions de gaz à effet de serre».
Il a affirmé que ces réductions pourraient équivaloir à enlever des routes 90 % des voitures et camions en Alberta.
Le premier ministre a avancé que ce projet, une fois complété, pourrait permettre l'érection d'un oléoduc «décarboné».
La première ministre albertaine, Danielle Smith, maintient qu'elle souhaite la construction d'un pipeline vers la côte de la Colombie-Britannique, de même que l'annulation de lois fédérales qui nuisent, selon elle, aux investissements.
«Ça nous prend un peu plus de temps (...), mais nous faisons beaucoup de progrès», a-t-elle dit dans son propre point de presse.
Le groupe environnemental Greenpeace n'a pas attendu l'annonce officielle de jeudi, dont l'essentiel avait été rapporté par le réseau CBC et Radio-Canada dès mercredi soir, pour la critiquer.
«Nous nous tiendrons du côté de celles et ceux qui s’opposent à ces mégaprojets ainsi qu’à leurs impacts environnementaux et climatiques; des impacts qui ne seront pour la plupart pas évalués», a déclaré Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie pour l'organisation.
L'ancien porte-parole de Greenpeace Patrick Bonin, aujourd'hui député du Bloc québécois, a réagi au nom de son parti en tranchant qu'«il n'y a rien de rassurant pour l'environnement là-dedans et une fois de plus, le gouvernement Carney continue les bonds en arrière».
Aux antipodes, le chef conservateur Pierre Poilievre juge que l'approche de M. Carney ne permet en rien d'accélérer des projets qui doivent voir le jour.
Son bilan se résume à avoir annoncé «qu'il enverra un courriel à un bureau qui n'est même pas pleinement pourvu en personnel (et) qui, possiblement, un jour, va considérer approuver cinq projets». M. Poilievre faisait ainsi référence au Bureau des grands projets, dirigé par l'ancienne présidente du conseil d'administration de Trans Mountain Dawn Farrell.
- Avec des informations de Kyle Duggan
