Santé

L'utilisation de la pilule abortive dans les avortements a doublé en 3 ans au Québec

Cela ne veut pas dire qu'il y a plus d'avortements dans la province, mais plutôt qu'il y a un meilleur accès à ce moyen pour avorter.

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567bc93261e17c690f9d3de11ee7234a29ccf6a2d0a25eea668cea9ef26fdc81.jpg Des comprimés de mifépristone sont visibles dans une clinique de Planned Parenthood, le jeudi 18 juillet 2024, à Ames, dans l'Iowa. (AP Photo/Charlie Neibergall) (AP Photo/Charlie Neibergall)

Les avortements médicamenteux sont en augmentation au Québec. Le nombre de personnes ayant reçu un remboursement de la pilule abortive a doublé en trois ans, selon les données publiques de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Cela ne veut pas dire qu'il y a plus d'avortements dans la province, mais plutôt qu'il y a un meilleur accès à ce moyen pour avorter, explique la gynécologue Diane Francoeur.  

Les données pour les mois de janvier, février et mars 2025 montrent que 479 personnes ont reçu un remboursement de la Mifégymiso, le médicament prescrit dans le cadre du Programme d’accès universel gratuit à l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse. 

Pour le même trimestre au cours des dernières années, on constate que le nombre d'individus ayant eu ce service remboursé a augmenté graduellement. Pour le trimestre de 2024, on comptait 349 personnes; pour celui de 2023, 337 personnes; pour celui de 2022, 222 personnes; pour celui de 2021, 181 personnes; et pour celui de 2020, 178 personnes. 

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Pour toute l'année 2024, le nombre de femmes ayant eu un remboursement de la pilule abortive s'élevait à 1586. En 2023, elles étaient 1363. 

La pilule abortive est disponible au Québec depuis 2017 et elle est utilisée dans 17 % des avortements, ce qui est moindre qu'en Ontario où elle est utilisée dans 32 % des avortements. L'écart est encore plus grand avec la France où ce taux grimpe à 72 %. 

Les données pour le début de 2025 indiquent que l'accès à la pilule abortive est plus facile au Québec et que les femmes sont peut-être mieux informées de leurs options, estime la Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC). 

«Pour moi, c'est une bonne nouvelle. Il n'y a pas plus d'avortements, c'est à peu près stable, rappelle-t-elle. Quand on regarde au Québec, il y a à peu près 78 000 naissances par année, environ 20 000 pertes de grossesse précoces, puis 20 000 avortements. Ça reste grosso modo les chiffres qu'on voit dans les dernières années, donc il n'y a pas une augmentation, même au contraire. Il y a de beaux succès de certains programmes (...) on voit qu'il y a beaucoup moins de grossesses chez les adolescentes, moins d'avortements aussi parce que maintenant les méthodes de contraception prolongée comme le stérilet, les implants sont plus faciles d'accès.»

Méthode sécuritaire 

Pour avoir une prescription de la pilule abortive, le principal critère à respecter est que la grossesse non désirée dure depuis moins de neuf semaines. On vérifie aussi que la femme n'a pas d'antécédents de caillots sanguins et que la grossesse se développe bel et bien dans l'utérus. 

«Ça a l'air long neuf semaines, mais c'est très court parce que quand on a une grossesse non désirée, bien souvent, on ne s'en rend pas compte nécessairement tout de suite. Parfois, on va s'en rendre compte quand on a une semaine de retard [dans les menstruations] et faire le test à ce moment-là. Parfois, on est un petit peu dans le déni aussi, surtout quand on ne voulait absolument pas que ça arrive, comme chez les jeunes adolescentes», mentionne Dre Francoeur. 

La pilule abortive est tout à fait sécuritaire, souligne la médecin en obstétrique-gynécologie, et c'est souvent la première recommandation des docteurs. 

Dre Francoeur a par ailleurs précisé que vouloir améliorer l'accès à l'avortement ne signifie pas vouloir «avorter toutes les femmes enceintes qui nous passent en dessous du nez», un discours qu'elle entend régulièrement. «Ce n'est pas ça, répond-elle fermement. C'est qu'on veut leur donner le meilleur service, parce que plus tôt on le fait, quand on a une grossesse non désirée, c'est toujours plus simple. Plus on avance en grossesse, plus ça peut saigner, puis à ce moment-là on n'a pas le choix d'avoir accès à un avortement chirurgical — un curetage — qui est une chirurgie relativement mineure, mais il n'y a jamais de chirurgie sans risque. Donc, si on peut le faire autrement, l'avortement médical est définitivement le premier choix lorsqu'on entre dans les critères.»

Améliorer l'accès 

La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada aimerait un meilleur accès à la télémédecine, particulièrement dans les communautés rurales et éloignées où il est plus difficile d'avoir un avortement chirurgical. 

«On veut que l'accès soit disponible par télémédecine, donc qui serait accessible partout parce qu'on sait que même si au Québec on peut toujours s'améliorer, dans les autres provinces, c'est souvent beaucoup plus difficile. C'est mieux, mais ce n'est pas parfait», soutient Dre Francoeur. 

Elle souhaite que des informations fiables soient rapidement disponibles pour les femmes. «On est capables de répondre à cette demande-là au Québec, puis il faut que la pilule abortive soit la première chose qui passe par la tête des femmes, parce que c'est extrêmement sécuritaire, c'est très confidentiel», réitère la gynécologue. 

La ministre responsable de la Condition féminine du Québec, Martine Biron, a reconnu que l’accès à un service d’interruption de grossesse était inégal au Québec, certaines régions ayant des listes d'attente de cinq semaines et plus. Pour améliorer ce délai, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a promis de rendre la pilule abortive plus accessible dans la province, notamment avec les services de télémédecine. 

En novembre dernier, Mme Biron a annoncé un premier plan gouvernemental sur l’accès à l’avortement dans lequel son gouvernement s'est engagé à injecter 7,5 millions $ jusqu'en 2027 pour améliorer l'accès aux services d’interruption de grossesse. 

Katrine Desautels

Katrine Desautels

Journaliste