Le débat entre louer et acheter divise depuis longtemps les experts financiers et les futurs propriétaires, sans qu'aucun vainqueur ne se profile à l'horizon.
L'argument traditionnel est le suivant: si l'achat d'une maison permet de se constituer un capital et une stabilité à long terme, la location offre de la flexibilité et des coûts initiaux réduits. Mais alors que l'accession à la propriété devient un rêve inaccessible pour de nombreux jeunes Canadiens, la location à vie peut-elle être une option viable?
Alex Avery, auteur de The Wealthy Renter, le pense.
«Cela varie d'une personne à l'autre, et les besoins de chacun évoluent, mais je reste convaincu que la location est une excellente option», a-t-il soutenu.
Malgré la flambée des prix des loyers depuis la publication de son livre en 2016, M. Avery estime que la location reste moins chère et comporte moins de risques que l'achat.
«Les gens comparent les mensualités de l'hypothèque aux loyers mensuels, mais les mensualités hypothécaires sont loin de couvrir la totalité des coûts liés à la propriété», a-t-il expliqué.
Ces coûts peuvent inclure les frais de notaire, les commissions d'agent immobilier et les taxes régionales applicables à l'achat du bien, ainsi que les coûts récurrents, tels que les intérêts hypothécaires, les taxes foncières, les assurances et divers frais d'entretien et de réparation.
M. Avery a eu l'idée d'écrire son livre pendant ce qu'il appelle une «bulle spéculative» sur le marché immobilier à l'époque, créant, selon lui, une perception de l'accession à la propriété comme une «solution facile pour économiser», en particulier dans les centres urbains, comme Toronto et Vancouver.
«[Les jeunes Canadiens] étaient poussés à acheter un condo alors que les calculs n'avaient aucun sens», a-t-il indiqué.
Les calculs d'Owen Bigland, agent immobilier vancouvérois, dressent toutefois un tableau différent.
Avec un loyer mensuel moyen d'un appartement d'une chambre dans sa ville avoisinant désormais les 2800 $, un locataire à vie pourrait dépenser au moins 1,3 million $ à 65 ans, sans tenir compte des augmentations de loyer ni de l'inflation, selon lui.
«Et vous n'aurez rien à gagner. Où sont les économies?», s'interroge-t-il.
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Un bon investissement?
Même si le loyer mensuel était moins cher qu'un prêt hypothécaire, M. Bigland juge que de nombreux Canadiens dépenseraient probablement leurs économies plutôt que de les investir et de faire fructifier leur patrimoine.
«Beaucoup de Canadiens n'ont pas la discipline nécessaire pour épargner autant qu'ils le devraient», a avancé Sébastien Betermier, professeur agrégé à l'Université McGill qui étudie les dépenses des ménages canadiens.
Les loyers représentant au moins un tiers des dépenses des ménages et les maisons représentant 70 à 80 % du patrimoine des propriétaires, M. Betermier affirme que locataires comme propriétaires s'exposent à des risques importants.
Des données récentes issues d'une enquête menée par le Healthcare of Ontario Pension Plan et Abacus Data suggèrent la même chose. Plus d'un tiers des Canadiens déclarent avoir moins de 5000 $ d'épargne, et ceux qui possèdent une maison comptent de plus en plus sur la valeur nette de leur propriété pour financer leur retraite.
M. Bigland prône l'accession à la propriété pour cette raison même. Il encourage à réduire progressivement son prêt hypothécaire et à constituer une valeur nette afin de profiter de toute appréciation future des prix.
«Le seul véritable abri financier dont nous bénéficions au Canada est l'exemption pour résidence principale», a-t-il mentionné.
En d'autres termes, «vous louez essentiellement [la maison] à vous-même», a expliqué M. Betermier.
Il ajoute que votre maison peut servir de garantie si vous devez emprunter dessus un jour. La plupart des prêts hypothécaires des grandes banques incluent généralement une marge de crédit hypothécaire intégrée à un taux avantageux, selon M. Bigland.
«C'est de l'argent accessible sans avoir à vendre sa maison», a-t-il fait valoir.
Alex Avery, cependant, ne partage pas cet argument.
«Cela présuppose que l'immobilier est un investissement plus sûr que d'autres, a-t-il souligné. Il existe de nombreux endroits où les prix des maisons ont baissé et où les perspectives d'emploi évoluent avec le temps.»
Au lieu de compter sur votre maison comme investissement, M. Avery suggère de placer votre argent dans un REER, un CELI et un CELIAPP, qui ne sont pas nécessairement destinés à l'achat d'une maison.
«Vous pouvez également vous renseigner sur les FNB indiciels. Il existe de nombreuses façons d'investir votre argent», a-t-il ajouté.
M. Avery, qui a lui-même opté pour l'accession à la propriété, ne pense pas qu'acheter soit une mauvaise décision, mais le déconseille si vous comptez y investir.
«Cela revient à confondre deux objectifs différents, a-t-il indiqué. L'un est de se loger, l'autre de créer de la richesse.»
Mais M. Bigland, qui a également écrit un livre sur l'immobilier et l'investissement boursier, recommande de combiner les deux. Il convient que la location peut être judicieuse dans certaines situations, par exemple si vous prévoyez un changement d'emploi, mais il est conseillé d'envisager l'achat si vous pouvez vous engager dans un lieu pour huit à dix ans.
Il suggère aux primo-accédants de commencer par des immeubles anciens proches des transports en commun, souvent situés sur des terrains de valeur.
«Vous aurez probablement un promoteur immobilier dans dix ou quinze ans, et cela pourrait être votre stratégie de sortie, a-t-il précisé. Même si vous êtes un ouvrier, si vous pouvez réunir 40 000 $ d'apport, voire renoncer à la voiture pendant un certain temps, vous pouvez y arriver.»
