L'opposition veut saisir la commissaire à l'éthique d'un conflit d'intérêts dans lequel se serait placée la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, concernant une garderie gérée par ses filles.
La ministre a toutefois assuré qu'elle avait pris toutes les précautions requises, tandis que l'une de ses filles, Raphaëlle Laforest-Allard, s'est défendue d'avoir agi illégalement.
C'est Radio-Canada qui a rapporté mercredi matin que Mme Laforest, à titre de députée de Chicoutimi, a eu à gérer en mars dernier le cas de parents qui dénonçaient une pratique interdite, soit le paiement à l'avance d'une place dans la garderie administrée par ses filles, à Saguenay.
Interpellé par le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon à la période de questions, le premier ministre François Legault a refusé de commenter l'affaire, cédant plutôt la parole à son leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, qui a confirmé que l'Office de protection du consommateur avait été saisi d'une plainte.
Le député péquiste Joël Arseneau a déposé une motion rappelant qu'on ne pouvait encaisser de paiement dans les services de garde éducatifs avant de fournir le service et que «cette pratique subsiste néanmoins au vu et au su de membres du gouvernement», mais les élus de la CAQ ont refusé d'en débattre.
«Les faits reprochés sont graves», écrit le député libéral Monsef Derraji, dans sa lettre transmise mercredi matin à la commissaire Ariane Mignolet.
«Il est question de violation de la Loi sur la protection du consommateur et d’incitation à commettre une fausse déclaration pour obtenir un crédit d’impôt alors que leur enfant n’occupait pas encore une place au sein de ce service de garde. Un citoyen raisonnablement informé pourrait être porté à croire que la ministre aurait agi, tenté d’agir ou omis d’agir de façon à favoriser les intérêts personnels de membres de sa famille.»
À VOIR AUSSI | SAAQclic: Geneviève Guilbault répond aux questions des journalistes
Québec solidaire (QS) a aussi fait savoir qu'il allait s'adresser à la Commissaire. Le Parti québécois a aussi exprimé des inquiétudes, mais il a précisé qu'il attendrait d'en savoir davantage avant de poser un jugement.
Les filles de Mme Laforest auraient invité les parents à payer une place quotidienne à la garderie avant même que l’enfant occupe la place, pour une somme qui aurait cumulé à 6300 $, de septembre à février, et qui permet de toucher un crédit d'impôt du gouvernement.
Quand les parents ont contacté Mme Laforest, qui est députée de leur circonscription, pour dénoncer la situation, elle aurait tenté de défendre la réputation de la garderie de ses filles, selon l'enregistrement de l'appel qu'a obtenu Radio-Canada.
En mêlée de presse mercredi matin, la ministre a affirmé qu'elle avait réitéré plusieurs fois au citoyen qu'elle était en conflit d'intérêts et ne pouvait pas s'impliquer dans ce dossier, qu'elle dit avoir transféré à un employé de sa circonscription.
«Ce n'est pas une erreur. Je lui ai dit 15 fois: "Désolée, je ne peux pas prendre votre demande, je vais poursuivre votre demande avec la conseillère ou un conseiller à mon bureau de comté".»
Ayant été elle-même propriétaire de la garderie jusqu'en 2019, elle a assuré qu'elle ne se livrait pas à une telle pratique... mais a même défendu ses filles en disant qu'elles non plus ne s'étaient pas livrées à ce stratagème.
«Ca s'est jamais fait dans mon temps et ça ne se fait pas aujourd'hui non plus», a-t-elle dit.
En entrevue à Cogeco mercredi matin, Raphaëlle Laforest-Allard a soutenu que ce sont les parents qui voulaient payer pour une place à l'avance et qu'il y a eu un malentendu avec sa soeur Andréanne.
La ministre de la Famille, Suzanne Roy, a confirmé que demander à des parents de payer pour une «place fantôme» est illégal et a indiqué que les parents avaient la possibilité de porter plainte.
«Il y a des sanctions, il y a des amendes et puis ça peut aller dans certains cas, s'il y a récidive, jusqu'à la perte du permis», a-t-elle rappelé.
Elle a ensuite renvoyé les questions à sa collègue, Mme Laforest.
«Elle vous répondra si vous avez des questions pour elle», a conclu Mme Roy.
Note de la rédaction: Dans une version précédente, La Presse Canadienne écrivait au dernier paragraphe la citation suivante: «les membres du gouvernement doivent montrer l'exemple. L'exemplarité, ça fait partie des valeurs des ministres.» La citation a été attribuée erronément à la ministre Suzanne Roy, alors qu'il s'agissait d'une question.


