Santé

Loi spéciale sur les médecins: «les pneumologues vivent un cauchemar»

Il y a de vives inquiétudes en pneumologie.

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Au tour du Collège des médecins de demander la suspension de la loi 2 Au tour du Collège des médecins de demander la suspension de la loi 2

Une semaine après l'adoption sous bâillon de la loi spéciale changeant la rémunération des médecins, les inquiétudes sont particulièrement vives dans le domaine de la pneumologie.

Rappelons que la loi 2 abolit le supplément versé lors d'une première consultation. De l'aveu même du gouvernement, les spécialistes les plus touchés seraient les pneumologues, à hauteur de 17 %.

Québec assure cependant que l'argent réservé à ce supplément ne disparaîtra pas, mais sera redistribué.

La loi signe ni plus ni moins l'arrêt de mort de la pneumologie au Québec, croit une médecin qui s'est confiée à La Presse Canadienne vendredi sous le couvert de l'anonymat car elle craint les représailles. 

«Les pneumologues vivent un cauchemar à l'heure actuelle. C'est nous qui allons être en voie d'extinction, parce qu'il n'y a aucun étudiant en médecine qui va venir en pneumologie, voyons donc!» 

Elle souligne par ailleurs que 20 % des 300 pneumologues au Québec sont âgés de 60 ans et plus. «Je suspecte que ça se pourrait qu'(ils) vont peut-être arrêter de travailler avant le temps.»

Car en plus de perdre 17 % de leur rémunération en raison de l'abolition du supplément, les pneumologues calculent qu'ils perdront minimalement un autre 13 % avec la réduction générale des tarifs prévue dans la loi.

C'est 30 % de leur rémunération.

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Les pneumologues seraient les plus affectés parce qu'historiquement, ils ont priorisé les premières consultations, afin d'améliorer l'accès à leurs services.

Ils traitent au Québec environ trois millions de patients qui souffrent du cancer du poumon, de la fibrose pulmonaire, de l'asthme, de l'apnée du sommeil, etc.

Chaque première consultation dure en moyenne 40 minutes. Selon la médecin interviewée, il serait impossible pour les pneumologues d'augmenter leur productivité sans nuire à la qualité des soins.

«Le téléphone ne dérougit pas»

À l'Association pulmonaire du Québec, «le téléphone ne dérougit pas», relate en entrevue sa directrice générale, Dominique Massie. «C'est sans arrêt.»

Elle parle de patients «complètement catastrophés».

«Les gens viennent nous rencontrer en disant: "Est-ce que je vais être capable de voir mon pneumologue, est-ce que mon pneumologue va partir, est-ce que mon oncologue va être encore là?"

«Il n'y a rien pour les sécuriser présentement. Le ministre a beau dire qu'il va expliquer, mais ça ne sécurise pas les patients», a-t-elle déploré.

Elle soupçonne que partout au Québec, les organismes sans but lucratif comme le sien se retrouvent à essayer de contrôler les dégâts.

L'Association pulmonaire se consacre à la promotion de la santé respiratoire et au soutien des personnes atteintes de maladies pulmonaires. 

Sa mission couvre l'éducation, la prévention, la réadaptation, l'accompagnement des proches et le soutien à la recherche.

Suspendez la loi, réclame le Collège des médecins

Vendredi, le Collège des médecins a enjoint au gouvernement Legault de suspendre immédiatement l'application de la loi 2. 

Il réclame aussi le retrait des cibles de performance, ainsi que des mesures punitives et de surveillance.

«Lorsque la profession médicale au complet est en désarroi, la qualité de la médecine est fragilisée», a-t-il écrit dans une infolettre à ses membres.

Le Collège qualifie le climat actuel de «survolté» et juge la situation «intolérable pour les uns comme pour les autres».

Il dit capter «des signaux de détresse et de découragement d'une intensité sans précédent de la part des médecins». «Il faut les écouter et y répondre, sous peine d'assister à un désengagement», prévient-il.

Pas moins de 125 médecins ont complété le processus pour obtenir le droit de pratique en Ontario, souligne l'ordre professionnel, et 200 autres ont entrepris des démarches en ce sens.

Par ailleurs, les résultats préliminaires de son analyse en cours indiquent que si la loi 2 est implantée telle quelle, «elle aura un effet inverse à l'effet recherché».

C'est-à-dire qu'«il en résultera des dommages au réseau de la santé et une réduction de l'accessibilité», selon le Collège.

De passage vendredi à l'émission «La parole aux mordus de politique», sur ICI RDI, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a exclu l'idée de suspendre la loi 2.

La veille, le premier ministre François Legault avait, lui aussi, rejeté l'idée de mettre sa loi sur pause. «Ça fait 25 ans minimum qu'on essaie de changer le mode de rémunération. On n'ira pas (la) retirer», avait-il dit.