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«C'est vraiment difficile d'avoir un voisin d'en bas qui agit impulsivement.»
Après une année marquée par des contrats annulés et des plans de développement suspendus, les fabricants d’acier fondent leurs espoirs sur d’éventuelles dispositions d’achat canadien dans le prochain budget fédéral, même si un tel changement n’offrirait qu’une protection limitée contre les droits de douane punitifs américains.
Lors d’une conférence à Montréal cette semaine, des fabricants de produits sidérurgiques ont affirmé que les droits de douane de 50 % imposés par le président américain Donald Trump sur les importations d’acier leur avaient déjà causé de lourdes pertes financières.
«C’est vraiment difficile d’avoir un voisin d’en bas qui agit impulsivement», a déclaré Véronique Roy, présidente de Logiciel Magnus, qui vend des logiciels utilisés pour la conception de structures en acier.
Elle a ajouté que ses clients «perdent principalement des contrats aux États-Unis».
Keanin Loomis, qui dirige l’Institut canadien de la construction en acier, croit que le gouvernement fédéral imposera au moins certaines mesures d’achat canadien pour les contrats publics dans son budget de la semaine prochaine.
«J’espère qu’après le dépôt du budget, nous aurons un changement important au niveau fédéral, qui se répercutera ensuite sur les provinces, puis sur les municipalités», a déclaré M. Loomis, lors d’une entrevue dans un hôtel de Montréal.
Malgré les efforts du gouvernement libéral en faveur des grands projets d’infrastructure, le secteur privé représente la grande majorité des dépenses liées à l’acier canadien. Parallèlement, les fournisseurs canadiens sont confrontés à la concurrence déloyale des importations américaines à bas prix et au dumping d’acier étranger sur le marché canadien à des prix artificiellement bas. Et ils n’ont guère de solutions de rechange, a ajouté M. Loomis.
«Il nous est difficile d’envisager de nous tourner vers un autre marché étranger que les États-Unis, car il est tout près» — l’acier est notoirement difficile à transporter à bas coût sur de longues distances en raison de son poids.
L’impact des droits de douane américains sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance du monde entier, qui ont doublé pour atteindre 50 % en juin, se fait sentir de façon inégale à travers le pays.
En Ontario, les centres sidérurgiques de Hamilton et de Sault-Sainte-Marie ont été sous le choc après que les droits de douane ont réduit les expéditions et bouleversé les chaînes d’approvisionnement dans les secteurs de l’automobile, de la construction et des biens de consommation. Au Québec, les transformateurs d’acier — qui coupent, soudent et assemblent les produits d’acier préfabriqués produits en masse par de grandes aciéries, comme ArcelorMittal Dofasco et Algoma Steel — dépendent fortement des contrats aux États-Unis.
«Pour beaucoup d’entre eux, la porte est fermée», a déclaré M. Loomis.
Chez Marid Industries, à Halifax, le fabricant de métaux assume la totalité du coût des droits de douane sur des projets déjà en cours aux États-Unis, ce qui ne génère aucun profit, a indiqué le chef de la direction, Tim Houtsma, en entrevue.
«Nous avons été très occupés, mais nous n’allons pas faire de profits, car ce montant doit être déduit de nos résultats», a-t-il expliqué, soulignant que cette décision était stratégique pour maintenir les relations d’affaires.
«Nos clients mettent maintenant leurs projets sur pause», a continué M. Houtsma, dont l’entreprise emploie 165 travailleurs dans les provinces de l’Atlantique.
En juillet, le premier ministre Mark Carney a annoncé un resserrement des règles sur les importations d’acier afin de protéger l’industrie canadienne du dumping, en plus d’un droit de douane de 25 % sur l’acier américain plus tôt cette année.
Les pays n’ayant pas d’accord de libre-échange avec le Canada — dont la Chine et l’Inde — sont désormais soumis à des quotas fixés à 50 % de leurs exportations canadiennes de 2024. Les pays ayant un accord de libre-échange bénéficient de quotas plafonnés à 100 % de leurs exportations canadiennes de 2024. Le Canada a actuellement de tels accords avec 51 pays.
L’industrie sidérurgique dénonce depuis longtemps le problème du dumping, les importations étant passées de 19 % du marché canadien en 2014 à 39 % en 2022, selon l’Association canadienne des producteurs d’acier.
De nombreux producteurs canadiens et étrangers étant désormais exclus du marché américain, davantage d’entreprises pourraient se disputer les marchés américains.
«Cette production doit bien trouver preneur quelque part», a souligné M. Houtsma, qui a suggéré de renforcer les garde-fous contre une surabondance d’acier étranger.
Certains ont préconisé la retenue dans les relations avec M. Trump et d’autres partenaires.
Mike Green, vice-président de Leland Industries, une entreprise torontoise où 240 employés fabriquent des vis et des boulons en acier destinés notamment aux silos à grains canadiens et aux réservoirs d’eau américains, s’est dit généralement opposé aux droits de douane de représailles.
«Il faut simplement jouer le jeu et se respecter mutuellement», a conclu M. Green. Il a indiqué que Leland partageait le fardeau des droits de douane avec ses clients américains.
L’intégration de l’entreprise à l’économie américaine a mis en lumière les défis qui attendent l’ensemble du secteur. Le fil d’acier au carbone de Leland, sa principale matière première, provient du Canada, mais certains de ses équipements et son acier inoxydable sont d’origine américaine, tout comme ceux de nombreux clients, a-t-il précisé.
«C’est en partie pour cela que je suis quelque peu réticent à l’idée que les droits de douane puissent aller trop loin», a conclu M. Green.