Avec les menaces de tarifs douaniers américains qui planent et la fermeture des entrepôts d’Amazon dans la province, de nombreux Québécois ont appelé à consommer local et à boycotter les produits en provenance des États-Unis. Mais dans les faits, arrivons-nous à éviter les géants comme Amazon?
Une étude réalisée par le magazine en ligne Achetez le meilleur révèle qu’un Québécois clique 12 fois plus sur un lien Amazon que sur le site d’un détaillant local pour un même produit. Ces derniers, qui testent des produits, recueillent des données sur leur site internet depuis 2018 en redirigeant les internautes vers des sites locaux et vers des sites comme Amazon.
«Seulement 0,7% des lecteurs redirigés vers des sites d’achats locaux passent une commande», révèle l’étude. Pour 100 lecteurs de leur site envoyés sur Amazon, 5 personnes en moyenne vont passer une commande.
Par exemple, les purificateurs d’air de la marque locale Dupray sont vendus à la fois sur le géant du web et sur leur site internet. En moyenne, les consommateurs québécois cliqueront 12 fois plus sur le lien en provenance d’Amazon que sur le lien direct de la compagnie.
Selon le fondateur d’Achetez le meilleur, Julien Gandelin, ce phénomène pourrait s’expliquer notamment par le prix, par la rapidité et par la facilité des retours. Les consommateurs les plus motivés finissent donc souvent par céder à la simplicité.
Et depuis les dernières semaines?
Avec les récents développements du côté des États-Unis, un intérêt grandissant pour la consommation locale serait toutefois remarqué.
Les consommateurs explorent davantage les options locales, mais le réflexe du dernier clic demeure. Si les Québécois cliquaient en moyenne 12 fois plus sur Amazon qu’un site québécois, ce chiffre serait autour de 8 à 9 fois depuis les dernières semaines.
Un appel national au boycottage
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et les employés d’Amazon invitent les Canadiens à participer à un mouvement national de boycottage et exhortent le gouvernement fédéral à intervenir.
Ils déplorent l’inaction des partis politiques à la Chambre des communes depuis la récente décision du géant de la vente en ligne de fermer tous ses entrepôts au Québec.
«J’appelle tous les Canadiens à se joindre à nous pour défendre nos valeurs, notre nation et nos travailleurs. Je demande à tous les Canadiens de démontrer leur solidarité envers leurs frères et leurs sœurs du Québec parce que ce qui est arrivé au Québec constitue un crime contre notre pays», a déclaré le député du NPD Charlie Angus en conférence de presse à Ottawa, jeudi.
Il a qualifié le dirigeant d’Amazon, Jeff Bezos, d’«oligarque américain toxique» et a soutenu que le multimilliardaire est «contre les travailleurs canadiens».
«Je n’entends rien de la part des partis politiques. C’est nécessaire pour le gouvernement du Canada de défendre les intérêts des travailleurs d’Amazon et de s’opposer aux attaques de Jeff Bezos et de la gang de Washington contre les valeurs canadiennes», a ajouté M. Angus.
Présent à ses côtés, le président du syndicat de l’entrepôt de Laval, Félix Trudeau, a lancé un appel à l’unité du mouvement syndical à travers le pays.
«Je suis ici pour faire un appel aux travailleurs et travailleuses du Canada et du Québec. C’est grâce à nous que l’économie roule et on ne peut pas tolérer un affront comme ça», a-t-il affirmé.
En fermant ses entrepôts dans la province, le 22 janvier, Amazon a supprimé près de 2000 emplois permanents. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) estime que le nombre total de licenciements s'élève à environ 4500, si l'on tient compte des travailleurs employés par des sous-traitants.
Cette décision a été jugée «sauvage» par la CSN
En guise de compensation, M. Trudeau exige un an de salaire pour les employés congédiés. «Notre demande est assez simple: on demande la justice. Un an de salaire en indemnités, c’est seulement une fraction de ce qu’Amazon nous a volé en nous exploitant», a-t-il lancé.
M. Trudeau a souligné que c’est grâce à sa main-d’œuvre au Québec qu’Amazon vend plus de 10 milliards $ annuellement dans la province.
«C’est notre travail qui a permis à Amazon de s’implanter au Québec. C’est notre travail qui a permis à la multinationale de se tailler une place de monopole dans le marché de la livraison au Québec. Ce n’est pas Jeff Bezos et sa gang qui travaillent. C’est grâce à notre travail que la compagnie est profitable.»
Le gouvernement fédéral interpelé
La vague massive de licenciements au Québec a provoqué des réactions aux niveaux municipal et provincial. Des villes comme Montréal ont annoncé qu'elles cessaient de commander sur le site web de la compagnie. Plus tôt cette semaine, le gouvernement Legault a resserré les règles des ministères et organismes publics afin d’inciter l’achat local et d’éviter les plateformes en ligne comme Amazon.
En revanche, rien n’a été fait sur la scène fédérale, a dénoncé M. Angus, soulignant que le gouvernement Trudeau a accordé plus de 100 millions $ en subventions à cet empire américain.
«Je n’entends rien de la part du gouvernement. Est-ce qu’il va laisser Jeff Bezos mettre nos travailleurs à la poubelle? Où est le gouvernement libéral? Arrêtez tous vos contrats avec Amazon et demandez le remboursement des subventions s’ils ne veulent pas faire la bonne chose», a réclamé le député ontarien de la circonscription de Timmins—Baie James.
Le co-porte-parole de la campagne «Ici on boycotte Amazon», André-Philippe Doré, a profité de la tribune pour condamner ce qu’il juge être de l’«apathie» de la part de la classe politique.
«Nous souhaitons dénoncer l’inaction de l’ensemble des partis fédéraux du Canada. Aucun parti n’est allé sur la ligne de piquetage à Laval, aucun parti n’a fait d’appel spécifique au boycott d’Amazon, aucun parti n’a repris les demandes des travailleurs et les a propulsées à la Chambre des communes. Même le Bloc québécois, censé défendre la nation québécoise, s’est aplati comme une vulgaire carpette devant la multinationale américaine, qui a mis plus de 4700 personnes à la rue», a-t-il critiqué.
«Avec qui êtes-vous: les travailleurs ou les patrons? Si vous êtes du côté du peuple, prouvez-le, rejoignez notre mouvement, appelez au boycott et supportez les demandes et le combat des travailleurs et travailleuses d’Amazon», a-t-il ajouté.
D'ailleurs, Amazon et d’autres multinationales américaines feront l'objet vendredi d'un boycottage international, organisé par des groupes de consommateurs pour s'opposer à ce qu'ils considèrent comme la cupidité des entreprises.
-Avec La Presse canadienne
