Une récente enquête du gouvernement du Québec sur le climat dans deux cégeps montréalais pourrait avoir eu un effet dissuasif sur les enseignants, selon le directeur général de l'un d'eux.
Benoît Morin rapporte que l'enquête a exacerbé les tensions au Cégep Vanier, qui est sous surveillance depuis l'automne dernier en raison de plaintes selon lesquelles la guerre entre Israël et le Hamas aurait créé un climat d'insécurité sur le campus.
«Je crois que l'enquête a soulevé des questions qui ont créé un environnement dans lequel les enseignants pourraient […] douter de ce qu'ils enseigneront, a-t-il raconté en entrevue. Et cela peut en soi affecter la quantité et la qualité de la liberté académique que nous observons dans notre environnement.»
Le ministère de l'Enseignement supérieur du Québec a publié la semaine dernière les résultats de son enquête sur les collèges Vanier et Dawson, qui a mis en lumière plusieurs problèmes, allant de la vente de keffiehs sur le campus aux cours de langue axés sur la culture palestinienne, qui, selon lui, créent des tensions entre étudiants et enseignants.
M. Morin et Diane Gauvin, directrice générale du Collège Dawson, émettent maintenant des doutes quant à certaines conclusions du rapport, notamment sur le fait que les deux établissements ne respectent pas pleinement les règles de laïcité de la province.
Les enquêteurs ont affirmé que la présence de salles de prière dans les collèges pourrait favoriser la radicalisation et les divisions entre les étudiants. Ils ont également remis en question d'autres accommodements religieux dans les établissements, notamment les absences pour les fêtes religieuses.
Le directeur général du collège Vanier a déclaré n'avoir constaté aucune preuve de radicalisation dans son établissement, qui dispose d'une salle de prière pour les étudiants musulmans depuis plus de deux décennies. «80 langues sont parlées à Vanier, ce qui est une grande force, a-t-il souligné. Vanier a été à l'avant-garde de l'adaptation à l'évolution de notre société.»
Dans un communiqué, Mme Gauvin a indiqué que le collège Dawson dispose de salles de prière pour les étudiants musulmans, juifs et chrétiens, ce qui, selon elle, ne contrevient pas à la loi québécoise sur la laïcité. Le Québec interdit aux écoles primaires et secondaires de mettre à disposition des locaux pour la prière, mais cette règle ne s'applique pas aux cégeps et aux universités.
La directrice a ajouté que plus de 98 % des accommodements religieux accordés par le collège Dawson concernent des étudiants juifs.
L'enquête gouvernementale a été lancée fin novembre, peu après une grève étudiante propalestinienne dans plusieurs établissements postsecondaires de Montréal, au cours de laquelle le collège Dawson a annulé des cours et fermé son campus afin de protéger le bien-être des étudiants.
Question de liberté académique
«L'enquête a permis de mettre en évidence plusieurs enjeux visant notamment la liberté académique, les associations étudiantes et les accommodements religieux. Elle souligne ainsi la présence de tensions et de conflits entre différents groupes d'étudiants et entre les enseignants, alimentés par l'accumulation de plusieurs facteurs», a pointé le cabinet de la ministre de l'Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans un communiqué.
«J'appelle tous les acteurs concernés à prendre les recommandations au sérieux et à travailler avec nous afin de rétablir un climat serein et respectueux», a écrit la ministre dans le communiqué.
M. Morin n'a pas nié l'existence de tensions à Vanier concernant le conflit au Moyen-Orient. Il a toutefois indiqué que l'intervention du gouvernement avait été une surprise.
«L'enquête elle-même a mis en lumière certaines tensions, et celles-ci pourraient avoir été exacerbées par tout ce qui l'entoure, a-t-il avancé. Dans l'ensemble, [Vanier] est un endroit formidable. C'est un excellent collège.»
Le rapport se concentrait en partie sur les groupes étudiants propalestiniens et indiquait que les collèges n'avaient pas le pouvoir d'intervenir dans les activités des clubs étudiants.
Il recommandait également au gouvernement d'adopter une nouvelle loi pour encadrer la liberté académique dans le système collégial.
Les enquêteurs ont constaté que les collèges ont peu de contrôle sur le contenu des cours et ont spécifiquement pointé du doigt deux cours à Dawson et à Vanier axés sur la culture palestinienne, bien qu'ils soient présentés comme des cours de langue. Ils ont recommandé de revoir les attentes relatives aux cours de langue.
«La liberté académique ne justifie pas le militantisme ni la promotion d’idéologies sous quelque forme que ce soit», peut-on lire dans le rapport.
Mais Benoit Morin a soutenu qu'il fallait faire confiance au personnel enseignant. «L'une des pires façons de restreindre la liberté académique est probablement de créer un environnement dans lequel les enseignants s'autocensurent», a-t-il averti.
Diane Gauvin a également émis des doutes quant à la nécessité d'un contrôle accru du contenu des cours. «Je crois qu'il y a un manque de compréhension de l'éducation basée sur les compétences et je n'ai connaissance d'aucune difficulté à ce que les cours fassent atteindre ces compétences», a-t-elle déclaré.
M. Morin a indiqué avoir reçu le rapport vendredi dernier, une demi-heure avant sa publication, et après la publication d'articles de presse sur ses conclusions. Il s'est toutefois dit heureux que le rapport reconnaisse l'engagement du collège à offrir un environnement sécuritaire aux étudiants.
«Le fait que le Collège Vanier ait été disculpé dans le rapport montre que l'enquête a peut-être suscité plus de questions et d'inquiétudes qu'autre chose», a-t-il ajouté.

