Les défenseurs du logement déplorent les «occasions manquées» du budget fédéral déposé la semaine dernière, estimant que des efforts supplémentaires seront nécessaires pour accélérer la construction de logements et faire baisser les prix.
Le budget 2025 du gouvernement libéral déposé le 4 novembre – le premier du premier ministre Mark Carney – prévoit d'investir 25 milliards $ dans le logement au cours des cinq prochaines années.
Le budget souligne le «manque criant de logements» au Canada, alors que la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) estime qu'il faudra entre 430 000 et 480 000 nouveaux logements par année au cours de la prochaine décennie pour rétablir l'abordabilité au niveau de 2019. Cela représenterait environ le double du rythme actuel de construction de logements au pays.
Le PDG de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, Kevin Lee, a qualifié cet objectif d'«ambitieux». Il a indiqué que beaucoup de choses devront encore changer pour l'atteindre, notamment en ce qui concerne les politiques fédérales.
«Ma principale question est de savoir comment nous allons réellement soutenir l'accession à la propriété sous toutes ses formes», a avancé M. Lee.
«Il a été surprenant de constater que le tableau dressé du marché du logement était si optimiste, car il ne l'est pas vraiment», a-t-il ajouté.
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Ottawa a annoncé la semaine dernière qu'il allait «dynamiser» le secteur du logement grâce à un investissement initial de 13 milliards $ sur cinq ans pour Maisons Canada, un organisme fédéral créé par les libéraux en septembre et dont la mission est de construire et de financer davantage de logements abordables.
Le budget précise toutefois que l'organisme se concentrera principalement sur les logements non marchands, soulignant ainsi un engagement à lutter contre l'itinérance tout en construisant des logements communautaires et coopératifs très abordables pour les Canadiens à faible revenu.
Le gouvernement a également précisé qu'il mettrait à profit les terrains publics, offrirait des incitatifs financiers flexibles et solliciterait des investissements privés afin de construire davantage de logements à grande échelle.
Selon M. Lee, même s'il est important de créer plus de logements sociaux, ceux-ci représentent moins de 1 % du parc de logements construits.
«Nous devons vraiment nous concentrer sur l'ensemble du problème et encourager davantage l'accession à la propriété, a-t-il affirmé. Maisons Canada ne suffira certainement pas à lui seul.»
Le porte-parole de NerdWallet Canada, Clay Jarvis, a souligné que le budget manquait de précisions sur la façon dont Ottawa compte inciter les investisseurs privés à investir pour stimuler la croissance de l'offre de logements.
Il a ajouté que le budget semblait miser «beaucoup trop sur le programme Maisons Canada».
«Ce programme semble être le principal moteur de tous les projets de construction potentiels que nous verrons au cours des prochaines années, mais si nous n'obtenons pas l'adhésion du secteur privé et des municipalités, je ne vois pas comment nous pourrons construire tous les logements promis par le gouvernement», a mentionné M. Jarvis.
«Je pense que nous prenons un gros risque en concentrant tous nos efforts sur une seule initiative et en négligeant le reste», a-t-il expliqué.
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La courtière immobilière torontoise Cailey Heaps a indiqué que de nombreux acteurs du secteur espèrent une collaboration accrue entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux afin d'harmoniser les conditions et de lever les obstacles à l'accession à la propriété.
Elle a précisé que des modifications aux règles régissant les transferts fonciers et les taxes sur les logements vacants, par exemple, pourraient stimuler l'activité immobilière, tandis que les frais d'aménagement élevés freinent toujours la construction de nouveaux logements.
«Le budget fédéral a laissé passer des occasions en matière de logement, a déclaré Mme Heaps, présidente de l'équipe immobilière Heaps Estrin. Toutes les mesures prises par le gouvernement en matière de logement doivent être plus ambitieuses. Il est nécessaire d'instaurer un dialogue plus collaboratif entre tous les paliers de gouvernement (…), car chacun fait pression sur l'autre et il n'y a pas d'effort collectif.»
Exemption de la TPS: une mesure suffisante?
Le gouvernement fédéral a annoncé plus tôt cette année l'élimination de la TPS pour les premiers acheteurs sur certains types de logements, une mesure incluse dans le budget de la semaine dernière. Cette mesure s'applique aux constructions neuves jusqu'à 1 million $, tandis qu'Ottawa réduira également la TPS pour les premiers acheteurs sur les maisons neuves dont le prix se situe entre 1 et 1,5 million $.
«L’élimination de la TPS pour ces acheteurs, qui est actuellement examinée par le Parlement dans le cadre du projet de loi C-4, aide à réduire le coût d’une habitation neuve. Elle rend immédiatement l’accession à la propriété possible pour plus de Canadiens, en particulier les jeunes familles», indique le budget.
M. Lee croit toutefois que la mesure est insuffisante pour améliorer l'abordabilité du logement.
Selon lui, l'exemption de la TPS devrait être étendue à tous les acheteurs, et non seulement à ceux qui achètent leur première maison, ainsi qu'à ceux qui rénovent leur propriété pour y aménager un logement secondaire ou un logement accessoire.
M. Jarvis a avancé que le marché des copropriétés, en difficulté dans des régions comme Toronto et Vancouver, pourrait également bénéficier d'un tel allègement. Il craint que la mesure, en l'état, ne constitue un «cadeau aux promoteurs immobiliers».
«On force les premiers acheteurs à acheter des maisons neuves, a-t-il déploré. On n'aide pas vraiment les acheteurs qui souhaitent acheter des propriétés existantes.»

