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Les nouveaux objectifs d’immigration du budget fédéral pèseront sur la croissance

Le budget fédéral déposé la semaine dernière a réaffirmé l’objectif de ramener la part des résidents temporaires au Canada à 5 % de la population totale.

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18f06d1dea92db20df84bbf2d747f7eb5f259dd5285ebe106520f298e6a94418.jpg Un économiste de Capital Economics estime que le plan du budget fédéral visant à limiter le nombre de résidents temporaires découragerait la construction de nouveaux immeubles locatifs. Une pancarte «À louer» est visible devant un immeuble à Montréal, le jeudi 26 juin 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi (Christinne Muschi / La Presse Canadienne)

Un économiste soutient que l’engagement renouvelé des libéraux fédéraux à réduire l’immigration au cours des prochaines années pèsera sur la croissance économique du Canada.

Le budget fédéral déposé la semaine dernière a réaffirmé l’objectif de ramener la part des résidents temporaires au Canada à 5 % de la population totale — contre environ 7,5 % à la fin de 2024 —, mais a repoussé l’échéance à 2027.

Ce plan prévoit l’admission de 385 000 résidents temporaires — travailleurs et étudiants — en 2026, puis de 370 000 au cours des deux années suivantes.

L’objectif pour 2026 comprend 230 000 travailleurs temporaires, contre près de 368 000 prévus pour 2025.

Stephen Brown, économiste en chef adjoint pour l’Amérique du Nord chez Capital Economics, indique que la croissance du nombre de résidents temporaires est en passe de dépasser les objectifs fixés l’année dernière par Ottawa, car les départs de travailleurs temporaires et d’étudiants existants n’ont pas été suffisamment importants pour compenser entièrement les arrivées.

Il est difficile d’équilibrer les entrées et les sorties au cours d’une année donnée, fait remarquer M. Brown, en partie parce que les permis de travail existants sont souvent prolongés lorsqu’une entreprise demande à garder cet employé. Il faut une forte volonté politique pour réduire de manière significative le nombre de travailleurs temporaires dans le pays, explique-t-il.

«Ce n’est pas nécessairement un nouveau plan, mais le fait que le gouvernement Carney se soit réengagé à atteindre l’objectif existant de réduire la proportion de résidents temporaires reste important, car cela me donne l’impression qu’il prend la question au sérieux», analyse M. Brown.

Stagnation de la population

Selon les projections de Capital Economics, la réduction du nombre de travailleurs temporaires et d’étudiants, si elle est réalisée, pourrait conduire à une stagnation de la population canadienne au cours des deux prochaines années.

M. Brown précise que cela risquait de freiner la croissance, en raison de la diminution du nombre de nouveaux travailleurs et d’un problème de productivité de longue date.

Les propositions contenues dans le budget visant à augmenter la proportion de migrants économiques — généralement ceux qui possèdent des compétences recherchées et qui sont ajoutés au bassin de résidents permanents — et à accélérer la reconnaissance des diplômes étrangers pourraient atténuer l’impact global du ralentissement de la croissance démographique sur l’économie canadienne, ajoute-t-il.

L’un des changements les plus marquants du budget fédéral en matière d’immigration, qui doit encore être approuvé définitivement par le Parlement, est le projet de réduire de moitié environ le nombre annuel de permis d’études internationaux jusqu’en 2028.

Selon M. Brown, la réduction du nombre d’étudiants et de travailleurs étrangers entrant dans le pays pourrait contribuer à limiter la concurrence pour les emplois parmi les jeunes Canadiens. Les 15-24 ans ont vu leur taux de chômage atteindre son plus haut niveau depuis 15 ans en septembre, hors pandémie, avec une légère amélioration en octobre.

«À mesure que le bassin de travailleurs temporaires s’assèche, les jeunes Canadiens devraient avoir plus de facilité à trouver un emploi», prévient M. Brown.

Conséquences sur le logement

L’économiste de la Banque Royale Rachel Battaglia explique dans un rapport publié lundi qu’une baisse du nombre de permis d’études internationaux pourrait contribuer à faire baisser les loyers dans les villes à forte population étudiante.

D’autre part, M. Brown indique que ces mêmes réductions pourraient décourager les promoteurs immobiliers de lancer la construction de nouveaux appartements locatifs, destinés principalement aux étudiants et aux nouveaux arrivants sur le marché du travail, ce qui finirait par entraver l’offre de logements locatifs sur le marché.

Il ajoute que les signaux indiquant qu’Ottawa est disposé à soutenir la construction de logements locatifs pourraient contribuer à atténuer l’impact sur l’investissement résidentiel face au ralentissement de la croissance démographique.

«Le gouvernement fait beaucoup pour soutenir cette construction, mais on ne peut pas trop insister sur la croissance démographique et la croissance des loyers avant qu’ils ne se retournent et disent: “Vous savez, peut-être que cela n’a pas de sens de continuer à construire ces immeubles”», prévient M. Brown.

Mme Battaglia explique dans son rapport que le nouveau plan d’immigration du gouvernement Carney représente «un changement de politique beaucoup moins important que la refonte de l’année dernière».

Elle détaille que des exemptions ponctuelles permettront à certains travailleurs temporaires et étudiants déjà présents sur le territoire d’obtenir plus rapidement le statut de résident permanent. Cela permettra d’amortir le choc du gel démographique prévu pour les deux prochaines années, fait-elle valoir.

Craig Lord

Craig Lord

Journaliste