Les entrepreneurs commencent à relancer les projets qu’ils avaient mis sur pause en raison de la guerre commerciale, constate la PDG de la Banque de développement du Canada (BDC), Isabelle Hudon.
«Depuis un mois et demi, on a vu l’activité reprendre, répond Mme Hudon en entrevue en marge de la publication des résultats annuels de la société de la Couronne. On voit un retour d'activité presque similaire à l'avant-guerre tarifaire. C'est fragile, mais on est sorti du creux.»
En tant que banque de développement, la BDC sert une clientèle de PME. Les banques sont généralement plus frileuses quand vient le temps de financer ces entreprises en raison de leur taille et de leur profil de risque.
Cet hiver, tandis que les tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis étaient à un sommet, les propriétaires de PME étaient hésitants à contracter un prêt pour financer leurs projets.
«Décembre, ça commençait à ralentir, raconte Mme Hudon. Fin janvier, c'était presque du jour à la nuit. Les intentions d'investissement ont gelé. Le ralentissement de l'économie s'est rapidement fait sentir.»
La BDC a concentré son énergie sur son volet conseil durant cette accalmie. «J’ai dit à l'équipe: "On ne cesse pas d'être aux côtés de nos clients. Ils ne veulent pas plus de dettes. On comprend ça, mais il faut être là, à leur côté"», raconte sa PDG.
Ce ralentissement est toutefois presque imperceptible quand on regarde le financement accordé au cours de l’exercice 2025 clos le 31 mars, malgré un hiver plus difficile.
La BDC a octroyé 11,5 milliards $ en financement aux entreprises au cours de son plus récent exercice. Ce chiffre est en légère baisse par rapport à 11,7 milliards $ à la même période l’an dernier.
Plus de prêts, plus de risques
Au cours de l’exercice 2025, la société d’État rapporte avoir servi 107 345 entrepreneurs, un record.
Mme Hudon souligne que le nombre d’entrepreneurs clients est en hausse de 47,4 % depuis l’exercice 2021.
Lorsqu’elle a pris les rênes de la BDC en 2021 après avoir occupé les fonctions d’ambassadrice à Paris, la dirigeante jugeait que l’institution pouvait épauler un plus grand nombre d’entrepreneurs canadiens.
L’argent disponible pour les entreprises canadiennes a augmenté de 165 % depuis 2011, mais la part des nouveaux prêts consacrés aux PME est passée de 16 % à 8,6 %, selon les données les plus récentes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
«Il y a toujours plus de capital disponible pour les entreprises, sauf que la part qui va aux PME ne cesse de diminuer, indique Mme Hudon. De là, le rôle important qu'on joue de rendre toujours plus accessible le capital pour nos PME.»
Cet engagement vient avec une augmentation du risque du portefeuille de la BDC, une décision assumée. Mme Hudon assure que le profil de risque est «vraiment typique» pour une banque de développement.
«On est prêt à prendre des risques additionnels pour défricher un secteur, pour démontrer le potentiel aux autres institutions financières», ajoute la dirigeante.
Elle donne l’exemple des technologies propres. La BDC a commencé à soutenir ce secteur il y a une quinzaine d’années avant que les institutions financières suivent. «Pour chaque dollar qu'on a mis, il y en a six du secteur privé qui nous a suivis.»
Comme le font les banques, la BDC inscrit à ses résultats financiers une réserve financière pour d’éventuelles pertes.
La provision pour pertes est en hausse au cours de l’exercice 2025 dans un contexte d’incertitude économique et d’augmentation de la prise de risque. «Dans les 18 derniers mois, on a dû prendre des provisions supplémentaires, explique Mme Hudon. Des défauts de paiement, on en a vu comme les autres institutions financières.»
La provision pour pertes s’établit à 799,4 millions $, contre 741,3 millions $ en 2024 et 343,9 millions $ en 2023.
La BDC, qui se finance à même ses activités, a réalisé un bénéfice net de 492,2 millions $, en hausse par rapport à 415,3 millions $ l’an dernier. La société d’État a versé un dividende de 50 millions $ au gouvernement fédéral.

