Un nouveau mois de créations d'emplois inattendues n'a pas modifié l'opinion de nombreux économistes quant à la faiblesse du marché du travail canadien.
Les analystes qui se sont exprimés vendredi ont toutefois indiqué que les signes de résilience devraient suffire à maintenir la Banque du Canada à l'écart pour le reste de l'année.
Statistique Canada a annoncé vendredi que l'économie avait créé 67 000 emplois en octobre, ce qui a permis de faire baisser le taux de chômage de deux dixièmes de point de pourcentage, à 6,9 %.
Au Québec, l'emploi est resté stable pour un quatrième mois consécutif, mais le taux de chômage a tout de même reculé à 5,3 %, soit une diminution de 0,4 point de pourcentage.
Ces nouvelles données vont donc à contre-courant des attentes des économistes sondés par Reuters, qui anticipaient une perte de 2500 emplois en octobre.
Les gains enregistrés en octobre et en septembre compensent désormais largement les fortes baisses observées en août et en juillet.
L'économiste de Desjardins Kari Norman a mentionné que ces fluctuations reflètent probablement une certaine volatilité des données sur l'emploi, mais a ajouté que les économistes sont toujours heureux de voir leurs prévisions bouleversées par une croissance inattendue du marché du travail.
À l'échelle nationale, la croissance de l'emploi est surtout survenue dans le travail à temps partiel, où 85 000 postes ont été créés. En septembre, c'est plutôt le travail à temps plein qui avait progressé.
Le secteur privé a quant à lui créé 73 000 emplois le mois dernier, ce qui représentait sa première hausse depuis juin.
Le salaire horaire moyen a augmenté de 3,5 % en octobre, comparativement à une hausse de 3,3 % en septembre.
Leslie Preston, économiste principale à la Banque TD, a utilisé des métaphores du monde du baseball dans une note adressée à ses clients vendredi, qualifiant les deux mois consécutifs de création d'emplois de «double».
«Le marché du travail se montre un peu plus résistant aux tensions commerciales que prévu, mais les données d'octobre ne peuvent être qualifiées de coup de circuit», a avancé Mme Preston.
Bien que les salaires aient progressé d'un mois à l'autre, Mme Preston a noté que le rythme des hausses salariales a ralenti par rapport à l'année dernière et que le taux de chômage demeure élevé dans un contexte d'embauche toujours morose.
La Banque du Canada analysera attentivement les données sur l'emploi alors qu'elle se prépare à prendre sa dernière décision de l'année en matière de taux d'intérêt, le 10 décembre.
Le taux directeur de la banque centrale est actuellement fixé à 2,25 %, après deux baisses consécutives.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a laissé entendre le mois dernier que la banque centrale pourrait se satisfaire du niveau actuel du taux directeur, à moins que les données économiques s'écartent de ses prévisions.
Selon Mme Norman, l'enquête sur la population active d'octobre ne contient que peu d'éléments susceptibles d'inciter la Banque du Canada à abaisser à nouveau ses taux.
«Les excellents chiffres de l'emploi publiés aujourd'hui ne laissent certainement pas présager un ralentissement de l'économie, ce dont nous nous réjouissons», a-t-elle déclaré.
«Je ne pense pas que la Banque du Canada procédera à une autre baisse de taux cette année», a-t-elle ajouté.
Selon LSEG Data & Analytics, les marchés financiers estimaient à plus de 81 % la probabilité d'un maintien du taux directeur lors de la décision de la Banque du Canada en décembre, en date de vendredi.
«Dans l’ensemble, les données d’aujourd’hui confortent la Banque du Canada dans son analyse selon laquelle les taux d’intérêt sont désormais suffisamment bas pour stimuler l’économie, et nous continuons de prévoir qu'il n'y aura plus de baisse des taux à partir de maintenant», a écrit Andrew Grantham, économiste principal de la CIBC, dans une note.
Impacts de la guerre commerciale
Le secteur du commerce de gros et de détail a connu la plus forte croissance en octobre, avec 41 000 emplois créés, suivi par celui du transport et de l'entreposage, avec 30 000 postes ajoutés. Le secteur de l'information, de la culture et des loisirs vient ensuite, avec l'ajout de 25 000 emplois.
Le secteur manufacturier, sensible aux droits de douane, a enregistré une hausse de 8700 emplois en octobre, tandis que celui de la construction a perdu 15 000 emplois.
Toujours selon Statistique Canada, les industries productrices de biens ont supprimé 54 000 emplois nets depuis janvier, lorsque l'incertitude entourant les droits de douane américains a commencé à s'intensifier.
Le secteur des services a créé 142 000 emplois au cours de la même période.
L'Ontario, une province durement touchée par la guerre commerciale, a mené la croissance de l'emploi avec 55 000 emplois créés.
À Windsor, une ville fortement industrialisée, le taux de chômage a atteint un pic de 11,2 % en juin, mais il a depuis baissé à 9,6 %, selon les moyennes mobiles sur trois mois.
À l’instar de Mme Preston, Doug Porter, économiste en chef de BMO, a évoqué le baseball, et plus précisément le parcours des Blue Jays de Toronto en séries éliminatoires, pour expliquer la relative vigueur de l’Ontario en octobre.
Selon lui, les gains dans les secteurs de l’information, de la culture et des loisirs, de l’hébergement et de la restauration, ainsi que du commerce de détail et de gros, sont autant de secteurs de l’économie qui ont pu bénéficier de l’activité des séries éliminatoires de baseball.
«Même si le solide bilan de l’emploi a été temporairement stimulé par les Blue Jays, le résultat est globalement encourageant», estime M. Porter.
BMO prévoit également que la Banque du Canada maintiendra son taux directeur inchangé en décembre.
Un répit pour les jeunes
Les jeunes ont connu un certain soulagement en octobre, après avoir dû composer avec un marché du travail difficile pendant des mois.
En octobre, 21 000 emplois ont été créés pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans, soit la première hausse pour cette catégorie de travailleurs depuis janvier.
Le taux de chômage des jeunes, qui avait atteint son plus haut niveau hors pandémie en 15 ans en septembre, a ainsi diminué de 0,6 point de pourcentage pour s'établir à 14,1 %.
Ceci est une version corrigée. Statistique Canada a commis une erreur en affirmant que la hausse de l'emploi enregistrée en Ontario en octobre était la première depuis juin. En fait, la province a également connu une légère hausse en septembre. La référence a été supprimée de la dépêche.

