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Voyez le point de presse de Justin Trudeau en direct dans la vidéo.
Le recours à la Loi sur les mesures d'urgence par le gouvernement de Justin Trudeau pour mettre fin au «convoi de la liberté», à l'hiver 2022,était justifié dans la mesure où le «seuil très élevé à respecter» pour cette invocation était atteint, conclut le commissaire Paul Rouleau non sans signifier sa «réticence».
«C'est donc à contrecœur que je parviens à cette conclusion», a-t-il déclaré vendredi dans un discours marquant la publication de son rapport d'enquête.
Le juge franco-ontarien écrit dans le document de plus de 2000 pages que la situation «aurait pu être évitée» et que les événements ont été marqués par «une série d'échecs en matière de maintien de l'ordre».
«Si certains des faux pas observés étaient mineurs, d'autres étaient considérables, et ensemble, ils ont contribué à engendrer une situation qui est devenue incontrôlable», a-t-il dit durant son allocution.
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Le commissaire Rouleau arrive aussi au constat que les événements de janvier et février 2022 peuvent être vus comme «un échec du fédéralisme».
«Face à des situations de menace et d'urgence dans un régime fédéral, il faut que tous les ordres de gouvernement, et ceux qui les dirigent, dépassent les considérations politiques afin de collaborer pour le bien commun. Malheureusement, cela n'a pas toujours été le cas», peut-on lire dans le rapport déposé au Parlement au terme de l'enquête sur le fondement de la décision historique du fédéral.
Néanmoins, le commissaire Rouleau ne blâme pas pour autant Ottawa d'avoir invoqué la Loi sur les mesures d'urgence pour une première fois depuis son existence, qui remonte à 1988.
«Le seuil d'invocation est le moment où l'ordre s'effondre et la liberté ne peut être assurée ou est gravement menacée (?) (et il) a été atteint en l'espèce», tranche-t-il en précisant ne pas avoir pris cette décision à la légère.Il précise qu'il ne considère pas le fondement derrière la décision du conseil des ministres comme étant «écrasant» ou «manifeste».
«Il se peut fort bien qu'on ait pu éviter une violence grave même sans la déclaration d'une urgence, souligne-t-il. La possibilité qu'elle ait pu être évitée ne rend pas pour autant la décision erronée. La conviction du cabinet reposait sur un fondement objectif, sur des renseignements convaincants et crédibles».Le juge Rouleau résume en écrivant que la «certitude» n'était pas exigée.
M. Trudeau a invoqué la loi de dernier recours pour mettre un terme au «convoi de la liberté» qui a paralysé le centre-ville d'Ottawa durant plusieurs semaines de l'hiver 2022. Le mouvement de protestation, d'abord déclenché contre les restrictions sanitaires liées à la COVID-19, a entraîné le blocage de passages frontaliers, y compris des routes clés vers les États-Unis à Windsor, en Ontario, et à Coutts, en Alberta.
Neuf jours après avoir été décrétés, les pouvoirs exceptionnels ont été révoqués. Ils ont notamment permis de geler environ 280 comptes bancaires dans le but de couper le robinet au financement du mouvement.
D'ailleurs, le juge Rouleau a déterminé que ce ne sont pas toutes les mesures d'urgence prises qui se sont avérées «pertinentes et efficaces», bien qu'il estime qu'elles l'ont été pour la plupart.
À ses yeux, la disposition sur les lieux désignés comme étant protégés durant l'application des pouvoirs spéciaux était mal conçue. «(Le libellé) est trop vague pour limiter de façon appropriée l'exercice de pouvoirs d'application de la loi et certainement trop vague pour être utile.»
Le commissaire Rouleau, à travers 56 recommandations, invite notamment à unmeilleur partage d'informations entre les différentes forces policières et les ordres de gouvernement. Il recommande aussi que la Loi sur les mesures d'urgence ne renvoie plus à la définition de «menaces envers la sécurité du Canada» inclue dans la Loi sur le Service canadien de renseignement et sécurité (SCRS).
Cette définition a occupé une place importante durant les audiences de la commission. Le directeur du SCRS, David Vigneault, avait indiqué durant son témoignage que le seuil au sens de cette définition n'avait pas été atteint. Or, cela ne signifie pas, selon le juge Rouleau, qu'il n'y avait pas une menace à la sécurité nationale justifiant l'utilisation de la loi de dernier recours.
«Cela dit, la Loi sur le SCRS et la Loi sur les mesures d'urgence sont des régimes différents qui fonctionnent indépendamment l'un de l'autre (...) Bien que la contribution du SCRS ait été, bien sûr, une considération importante pour le cabinet, elle n'était pas déterminante et ne devait pas l'être», statut la Commission dans son rapport.
Les conclusions très attendues du juge Rouleau sont l'aboutissement d'un examen obligatoire en vertu de la loi.
Voyez le récapitulatif d'Étienne Fortin-Gauthier au bulletin Noovo Le Fil 17.